Après deux années de contraction du PIB, le Suriname a renoué avec la croissance en 2017. En 2019, elle devrait continuer à progresser au-delà de 2%. Pour conforter cette dynamique de reprise, le gouvernement du Président Désiré Delano Bouterse mise sur les secteurs d’activités jusque là peu valorisés et sur l’implantation de nouveaux investisseurs étrangers. Pétrole, éco-tourisme, infrastructures : pays frontalier de la Guyane française, son marché devrait séduire davantage d’entrepreneurs de l’Hexagone.
Seule frontière de l’Union européenne en Amérique du Sud, le fleuve Maroni sépare sur 520 km le Suriname et la France. Au cœur de la forêt équatoriale, cette zone abrite un important bassin de population, concentré à Albina, côté surinamien, et à Saint-Laurentdu- Maroni, côté français. Deux villes qui se font face et auxquelles on accède par pirogue ou via le bac international « La Gabrielle ».
Albina et Saint-Laurent-du-Maroni sont même devenues le point de passage obligé pour circuler entre les deux pays depuis la suspension de la desserte de l’aéroport de Cayenne par la compagnie aérienne Surinam Airways en juin 2018. Depuis lors, il faut compter 7 heures de route pour faire le trajet Cayenne-Paramaribo contre 45 minutes auparavant en avion. Un coup dur pour le développement de liens économiques déjà modestes entre le Suriname et la France, qui sont encore impulsés pour une large part par le commerce avec la seule région de Guyane.
Résilience et diversification : moteur de la relance économique
Ce, d’autant que les effets de la crise économique traversée par le Suriname a pesé sur les échanges commerciaux franco-surinamiens. Entre 2015 et 2017, ceux-ci ont même été drastiquement réduits, passant de 147 millions d’euros à 24 millions d’euros. Les importations françaises ont, en particulier, accusé durant deux années consécutives un fort recul d’environ 69% en 2016 et en 2017, marquées par des achats de produit pétroliers raffinés réduits au strict minimum.
Trop dépendant de l’industrie minière, l’économie surinamienne a subi de plein fouet à partir de 2014 la chute des cours des matières premières et, en particulier, de la bauxite, du pétrole et de l’or. Autant de minerais qui avaient jusque là presque exclusivement alimenté sa croissance. En 2017, ces ressources représentaient encore 30% du PIB, 95% des recettes d’exportation et 35% des recettes budgétaires totales.
Témoignant de la brutalité du choc, le PIB s’est globalement contracté de 9% en 2015 et en 2016. Une chute vertigineuse accentuée par la décision de la multinationale américaine Alcoa de mettre fin, après un siècle de présence dans le pays, à son usine d’extraction de bauxite, principal minerai permettant la production d’aluminium. Un départ annoncé non sans conséquences pour l’ensemble de l’économie nationale. Outre sa contribution aux exportations du Suriname, sa filiale locale Suralco est également détentrice des droits d’exploitation du barrage hydroélectrique d’Afobaka (120 MW) qui génère la moitié de l’électricité du pays. Si un accord semble avoir finalement été trouvé pour le transfert de ce dernier aux autorités publiques avant l’échéance du contrat initial en 2023, cette décision a fortement contribué à remettre en cause le modèle de croissance du pays.
Après le lancement en 2016 d’un plan de stabilisation des finances sous la houlette du Ministre des Finances, M. Gillmore Hoefdraad, résilience et diversification sont devenus les mots clé de la stratégie de développement économique surinamienne. Avec des résultats tangibles puisque la croissance du PIB est repartie à la hausse dès 2017. Après
avoir atteint 1,7% en 2017, elle devrait continuer à progresser au-delà des 2% comme en 2018.
Une reprise qui s’appuie certes encore sur la redynamisation du secteur minier et l’engagement de nouveaux projets d’extraction d’or. Lancée en 2016, l’exploitation de la mine de Merian, au nord-est du pays, a atteint une production de 1 million d’onces fin 2018. Elle est exploitée par le groupe américain Newmont depuis 2014, moyennant un plan d’investissement représentant 1 milliard de dollars. De son côté, le groupe canadien Iamgold a annoncé en septembre 2018 la découverte du gisement de Saramacca qui accroît de 51% (soit 5,5 millions d’onces supplémentaires) les réserves d’or exploitables de la mine de Rosebel située à une centaine de kilomètres au sud de la capitale, Paramaribo.
Pour relancer la croissance, le Suriname mise sur les investisseurs étrangers
Symbole de la nouvelle donne économique qui prévaut au Suriname, le gouvernement surinamien a inauguré le 16 novembre 2018 une Agence de promotion de l’investissement, baptisée Investsur, avec pour objectif d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers et de changer l’image du pays. Une image trop centrée sur ses ressources minières et ternie par la mauvaise publicité des narcotrafiquants.
Après avoir animé à Miami, en septembre 2018, le premier forum d’investissement et de commerce du Suriname, le Directeur exécutif d’Investsur, l’Ambassadeur Ike Antonius, a présenté à Paris, en novembre 2018, les atouts encore trop méconnus de ce marché à la fois ouvert sur la Caraïbe et sur l’Amérique du Sud. Une première dans le cadre du resserrement des liens de coopération franco-surinamiens après la signature en 2017 d’un accord fixant les limites de compétences maritimes entre le Suriname et la Guyane dans l’estuaire du fleuve Maroni, pour lutter contre les trafics et la pêche illégale. Avec le secteur pétrolier au premier plan.
Depuis la découverte d’un gisement de pétrole gigantesque au large des côtes de la Guyana et qui pourrait s’étendre sur l’ensemble du bassin maritime guyanais, l’offshore surinamien suscite un regain d’intérêt. Une dynamique portée par la loi adoptée en 2018 visant à améliorer les clauses de stabilité fiscale des contrats de partage de production entre l’entreprise publique Staatsolie et les entreprises étrangères. Si le groupe français Total s’est logiquement lancé dans l’exploration du potentiel de la Guyane française, la canadienne Tullow Oil et la britannique Cairn ont récemment répondu au chant des sirènes du Suriname dont les réserves prouvées de brut sont à l’heure actuelle estimée à 87 millions de barils.
Toujours dans le secteur minier, la mise au jour de gisements d’autres métaux précieux et de kimberlite est pressentie, tandis que de vastes ressources de bauxite restent à valoriser notamment dans la région montagneuse de Bakhuys, à l’ouest.
Au-delà des richesses du sous-sol, le Suriname cherche à monter en gamme dans le secteur agro-alimentaire, l’industrie du bois et l’éco-tourisme. Ses vastes espaces immergés au coeur de la forêt équatoriale sont aujourd’hui propices au développement de lodges qui attirent de plus en plus de touristes. De quoi aiguiser l’appétence des Français pour les attraits surinamiens. Quelques 60 000 Guyanais se rendent déjà chaque année au Suriname. Un secteur qui est porteur dans l’autre sens puisque l’Ambassade de France à Paramaribo veut également faciliter les flux de touristes surinamiens vers la France en accordant depuis peu la moitié des visas gratuitement. D’autant qu’à l’horizon 2020, un nouveau ferry-boat de plus grande capacité devrait remplacer « La Gabrielle », devenue trop obsolète.CH