Alors que de nouvelles mesures ont été annoncées en août 2018 pour cimenter l’esprit de réconciliation nationale, l’économie ivoirienne affiche une santé vigoureuse. La croissance soutenue du PIB devrait se maintenir entre 2018 et 2020 autour de 8%. Un dynamisme qui attire des investisseurs du monde entier et qui contraint les entreprises françaises à plus de réactivité.
Un peu plus d’un an après la signature, le 1er septembre 2017, d’une feuille de route conjointe entre le Président Alassane Ouattara et le Président Emmanuel Macron, les liens franco-ivoiriens continuent de s’enrichir de nouvelles réalisations.
Le 18 octobre 2018, le Ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, a inauguré le « hub franco-ivoirien pour l’éducation » sur le campus de l’Institut national polytechnique Félix-Houphouët-Boigny à Yamoussoukro.
Un projet éducatif qui vise à multiplier les partenariats de formation et de double diplôme entre écoles d’ingénieurs locales et françaises. Mais un projet à dimension économique aussi, puisque sa finalité est de favoriser le développement du capital humain ivoirien.
Dans le même esprit, l’accord de siège signé entre le gouvernement ivoirien et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) s’inscrit dans le cadre d’une perspective de renforcement des synergies scientifiques et techniques participant au développement économique.
Auparavant, une délégation de la Région Pays de la Loire s’était rendue à Abidjan où un consortium d’entreprises ligériennes avait présenté le 24 septembre un projet de dépollution des baies lagunaires d’Abidjan. Une mission qui prouve que les petites et moyennes entreprises (PME) ont également des opportunités à saisir sur le marché ivoirien. La délégation du MEDEF international conduite à Abidjan du 25 au 27 juin 2018 par M. Bruno Mettling, Président d’Orange Africa & Middle East et Président du Conseil de chefs d’entreprise France-Afrique de l’Ouest de MEDEF International, en témoigne également. Parmi les chefs d’entreprises qui l’accompagnaient, M. Bertrand Vialle, Directeur général de la start-up Baloon de vente d’assurance sur internet qui a démarré son activité en Afrique de l’Ouest en novembre 2017. Ou encore M. Olivier Cechura, Directeur général de Famoco, spécialiste des terminaux transactionnels sur Androïd et dont l’un de ses cinq bureaux installés à travers le monde est situé à Abidjan.
Premier investisseur étranger en Côte d’Ivoire, la France y demeure toutefois représentée surtout par ses grands groupes. En 2016, elle a capté environ 1,03 milliard d’euros d’agréments d’investissements (soit 12% du total) selon le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI). En 2017, c’est un consortium d’entreprises de l’Hexagone qui a même remporté l’un des projets les plus emblématiques de la volonté du pays d’accélérer son essor économique : la construction et la mise en service du futur métro de surface d’Abidjan dont l’achèvement de la première ligne est prévu pour 2022. Une infrastructure qui devrait changer la mobilité dans la capitale économique ivoirienne en facilitant le déplacement quotidien de 300 000 passagers.
Financé à hauteur de 1,4 milliard d’euros par la France, ce système de transport urbain qui s’étendra sur 37km est la vitrine d’une présence économique française qui ne veut pas se laisser bousculer par une concurrence de plus en plus rude et internationale. Conduit par Bouygues Travaux Publics pour le génie civil, le consortium comprend le groupe Keolis qui exploitera la ligne. Mais initialement, il était également composé des groupes sud-coréens Hyundai Rotem et Dongsan. Or, un mois avant la pose de la première pierre des travaux, le 30 novembre 2017, ce sont les français Alstom et Thales qui ont finalement obtenu leur part de marché. Une volte-face acceptée moyennant une compensation de 10 millions d’euros, qui témoigne des âpres luttes qui se livrent pour s’imposer sur un marché ivoirien en pleine effervescence.
De fait, en 2016 la France est repassée devant le Maroc en tant que premier investisseur étranger dans le pays. En termes d’échanges commerciaux, c’est en revanche la Chine qui a conquis la première place de ses fournisseurs avec 17,6% de part de marché, grâce aux équipements importés pour la réalisation de grands projets d’infrastructures remportés par des entreprises chinoises. Autre exemple des convoitises que suscite le marché ivoirien, c’est l’Allemagne qui financera à hauteur d’environ 40 millions d’euros la construction de la première centrale solaire du pays, à Boundiali, dans le nord.
Et pour cause, la Côte d’Ivoire cumule de nombreux atouts pour séduire les investisseurs : une croissance de 8 % par an en moyenne depuis 2012, une population de 23,7 millions d’habitants et un rôle de locomotive de l’économie ouest-africaine. Son PIB de 35,9 milliards de dollars représente plus d’un tiers de celui de l’UEMOA et 60% de ses exportations agricoles. Le port d’Abidjan se classe au 2ème rang en Afrique subsaharienne avec un volume global de trafic de 22,5 millions de tonnes en 2016, contre 21,7 millions en 2015. Et le pays est relativement bien doté en infrastructures de transports et de télécommunications.
En dépit de cette compétition, la France demeure un partenaire économique clé de la Côte d’Ivoire. Dans les secteurs de pointe, elle multiplie également les initiatives pour renforcer sa visibilité, à l’instar de la création d’un Club ville durable d’Abidjan.
Elle se maintient en 3ème position de ses fournisseurs en Afrique subsaharienne, avec des importations françaises s’élevant à 840 millions d’euros (dont le cacao représente plus de 40% des achats). La Côte d’Ivoire est également le 2ème marché de la France dans cette zone (derrière l’Afrique du Sud mais devant le Nigéria). En 2017, les exportations françaises ont augmenté de 10%, atteignant 1,181 milliard d’euros, portées par la vente d’avions A320, dont la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire avait passé commande en 2016 au groupe Airbus.
Dans la réalisation de ces infrastructures stratégiques visant à hisser la Côte d’Ivoire vers l’émergence, les groupes français jouent un rôle de premier plan. Le groupe Egis a obtenu le renouvellement de la concession de l’aéroport d’Abidjan (AERIA) pour 20 ans, qui après des années difficiles, a vu le trafic dépasser les 2 millions de passagers en 2017 (contre 647 000 en 2011). Avec pour objectif de le voir doubler dans les cinq prochaines années grâce au dynamisme d’Air Côte d’Ivoire et au développement des vols transatlantiques d’Ethiopian Airlines. Outre le développement de nouvelles infrastructures comme un taxiway parallèle à la piste principale, une nouvelle voie de stationnement et un terminal d’aviation d’affaires, Egis met d’ailleurs aux normes la plateforme aéroportuaire d’Abidjan afin d’accueillir l’airbus A380. AERIA sera alors le premier aéroport d’Afrique de l’Ouest à pouvoir accueillir ce type d’appareils.
Si des entreprises chinoises sont à l’œuvre pour l’extension des capacités portuaires ivoiriennes, les groupes français ont également conscience des enjeux de cette montée en puissance dans l’économie ouest-africaine. Le spécialiste du transport maritime basé à Marseille, CMA-CGM, cherche ainsi à développer ses plateformes logistiques tant dans le domaine maritime que terrestre, en améliorant la fréquence des services et les hub de transbordement. Sur sa base logistique du port d’Abidjan, Bolloré Transport & Logistics a, pour sa part, mis en service en février 2018 un nouvel entrepôt de stockage de 10 000 m2 et une station d’empotage de fèves de cacao destinées à l’exportation. Concessionnaire du terminal à conteneurs 1 et 2 du port d’Abidjan, le groupe français a ainsi renforcé son positionnement face aux autres multinationales exportatrices de l’or brun ivoirien comme le groupe français Touton Negoce ou le suisse Barry Callebaul.
Au pays du premier producteur mondial de cacao, le chocolatier français Cemoi mise sur la transformation du cacao en chocolat. Présenté comme un exemple des synergies gagnant-gagnant, l’usine, inaugurée en 2015, est une première. Un pari qui ouvre l’accès de la consommation de chocolat à la population ivoirienne, qui plus est produit localement, même si son prix de vente reste encore trop élevé. Un pari surtout qui s’inscrit dans la stratégie du gouvernement qui s’est fixé pour objectif de transformer au moins la moitié de sa production d’ici 2020 (1,8 million de tonnes). CH