Profiter du nouvel élan pour faire avancer l’intégration des régions frontalières franco-allemandes

Paru dans La Lettre Diplomatique n°124 4ème trimestre 2019

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M Tobias HANSPar M. Tobias HANS,
Ministre-Président du Land de la Sarre,
Président du Groupe d‘amitié Allemagne-France du Bundesrat allemand

Le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963 a sonné la fin des hostilités entre nos deux pays et a préparé la voie pour la réconciliation entre nos peuples. Tout comme le nouveau traité, il reste un jalon important de notre histoire commune et il a posé la base de l’amitié franco-allemande sur laquelle un réseau de coopération unique dans le monde entier a pu être construit. 
En tant que Président du Groupe d‘amitié Allemagne-France du Bundesrat, je me réjouis régulièrement de toutes les réactions positives auxquelles le traité de l’Élysée a donné lieu, notamment au sein de la région frontalière franco-allemande.
La Sarre qui, à l’époque, a été la pomme de discorde entre les deux pays résultant d’intérêts territoriaux, est devenue, grâce à la politique de réconciliation, un modèle de cette nouvelle coopération – grâce au grand engagement de la Sarre, elle-même, qui a reconnu sa responsabilité particulière, liée à son histoire, et qui a œuvré pendant des décennies afin de renforcer sa compétence « en français ».
En 2014, à travers notre Stratégie France, nous avons réaffirmé clairement notre orientation vers la France. La France fait partie de notre ADN. Notre Land est en train de devenir un espace multilingue. Le français est censé devenir sa deuxième langue véhiculaire, sans négliger les autres langues étrangères. Dès aujourd’hui, la Sarre joue un rôle-clé dans le domaine de l’éducation. Environ 40% des crèches sarroises ont adopté une approche bilingue. Dans toutes les écoles primaires, le français est enseigné à partir de la troisième année scolaire, dans un tiers des écoles même à partir de la première année.

M. Tobias Hans, Ministre-président du Land de Sarre, Président du groupe d’amitié Allemagne-France du Bundesrat aux côtés de Mme Catherine Troendlé, Sénatrice du Haut-Rhin, Présidente du Groupe d’amitié France-Allemagne du Sénat, le 21 septembre 2018 au Bundesrat, à Berlin.
© DR M. Tobias Hans, Ministre-président du Land de Sarre, Président du groupe d’amitié Allemagne-France du Bundesrat aux côtés de Mme Catherine Troendlé, Sénatrice du Haut-Rhin, Présidente du Groupe d’amitié France-Allemagne du Sénat, le 21 septembre 2018 au Bundesrat, à Berlin.

Il est d’autant plus malheureux que de nombreux projets se heurtent toujours à des obstacles, le long de la frontière, qui rendent difficile une coopération encore plus fructueuse avec nos voisins du Grand Est. 
Pendant de longues années, les régions frontalières ont été considérées comme périphériques par les capitales nationales. Le changement de perspective aperçu au niveau européen dans ce sens se traduit par la revendication d’efforts supplémentaires à tous les niveaux afin de supprimer les barrières existantes au sein des régions frontalières. La Commission européenne a cité la Stratégie France du Land de Sarre comme une bonne pratique.
Dans ce contexte, je me réjouis de pouvoir constater que le nouveau traité franco-allemand reprend le sujet du plurilinguisme, une revendication commune de la Sarre et de la Région Grand Est. 
Je me réjouis également du fait que ce n’est pas seulement un chapitre entier mais aussi le chapitre le plus large du traité qui est dédié à la coopération régionale et transfrontalière. Cela peut donner un nouvel élan aux relations franco-allemandes dont elles ont besoin malgré toutes les avancées. Les Länder allemands ont été prêts, en contribuant avec leurs idées, à donner ce nouvel élan aux relations franco-allemandes. Nombre de propositions ambitieuses n’ont pas été retenues dans le texte. Se pose alors la question de savoir si l’élan de ce nouveau traité sera suffisant afin de servir d’incubateur pour la coopération franco-allemande et l’intégration européenne ?
Cela dépendra, avant tout, de la mise en pratique du traité.
Cela dépendra également de la question de savoir si les régions frontalières seront vraiment impliquées à l’avenir dans les négociations franco-allemandes au niveau national ou non. Finalement, cela dépendra de la question de savoir si les régions frontalières auront vraiment une marge de manœuvre plus large à l’avenir.  
Dans tous les cas, la Sarre est prête, comme elle l’a été par le passé, à faire avancer les relations franco-allemandes vers l’avenir. Un traité de l’amitié franco-allemande plus ambitieux aurait pu donner plus d’élan à cette opération. Toutefois, la Sarre contribuera par ses propres initiatives ambitieuses à faire du nouveau traité d’amitié l’incubateur pour les régions frontalières franco-allemandes.