Par M. Jean-Pierre MAULNY
Directeur-adjoint de l’Institut des Relations internationales et Stratégiques (IRIS)
Il y a désormais 55 ans le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer signaient, le 22 janvier 1963, le traité de l’Élysée destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République fédérale d’Allemagne. Dans ce traité de coopération, il y avait plus que la réconciliation franco-allemande, il y avait les fondements d’une Europe unie et intégrée. Nos deux pays ne pouvaient refonder seuls l’Europe, il était nécessaire que les autres pays européens qui avaient subi les affres de la Seconde guerre mondiale partagent le même espoir et le même destin. Ce destin commun fut tracé dans le traité de Rome signé en 1957 avec six pays. Par la suite bien d’autres pays européens allaient rejoindre la Communauté économique européenne devenue Union européenne (UE) en janvier 1993 avec le traité de Maastricht.
En matière de défense la France et l’Allemagne allaient également fixer le cap avec le traité de l’Élysée le 22 janvier 1963. L’Institut franco-allemand de recherche de défense Saint-Louis avait été créé en 1958 et des coopérations franco-allemandes dans le domaine de l’armement furent lancées avec succès dans les années 1960.
Puis le Président de la République François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl furent à l’origine de la Politique étrangère et de Sécurité commune (PESC) dans le traité de Maastricht en 1992 avec son volet défense, devenue aujourd’hui la Politique de Sécurité et de Défense commune (PSDC) avec le traité de Lisbonne.
La France et l’Allemagne ont toujours été à l’initiative de la construction européenne en matière de défense parce que nos deux pays partagent les deux mêmes objectifs :
– Éviter que l’Europe redevienne un territoire de conflits entre les peuples qui y vivent et rappeler à tous moments l’esprit de la réconciliation après la Seconde guerre mondiale.
– Faire de l’UE un acteur actif sur la scène internationale afin de faire valoir et protéger ses intérêts, et de promouvoir la paix et la sécurité dans le monde.
Dans ce cadre, Français et Allemands ont pris une part active aux initiatives qui constituent aujourd’hui le cœur de la relance de l’Europe de la défense. Cela comprend notamment la Coopération structurée permanente, qui a été notifiée en décembre 2017, et le Fonds européen de défense dont la forme définitive verra le jour à partir de 2021. Ces initiatives doivent nous permettre de renforcer la sécurité des citoyens européens, de le faire dans un cadre plus collectif que cela n’était le cas autrefois afin de donner corps à la politique de défense commune, susceptible de devenir un jour une défense commune, comme cela a été agréée dans les différents traités de l’UE qui se sont succédés depuis le traité de Maastricht. Cela doit pouvoir nous permettre de renforcer l’autonomie stratégique européenne afin que les pays de l’Union puissent assumer pleinement les missions de la PSDC et puissent apporter une contribution significative à la mission de défense collective dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN).
Aujourd’hui les réalisations concrètes et les projets futurs franco-allemands apportent une contribution décisive à cet objectif. Ainsi la Brigade franco-allemande (BFA) est actuellement déployée au Mali, alors que le projet de drone de reconnaissance EuroMale, qui comprend également l’Italie et l’Espagne, franchit différentes étapes. Dans le futur ce sera le programme de Système de combat aérien futur (SCAF), dont les premières études vont être commandées aux entreprises françaises et allemandes ainsi que le futur système de combat terrestre.
Pour toutes ces raisons la perspective d’un nouveau traité de l’Élysée doit être accueillie avec satisfaction. Cela ne dispensera pas Français et Allemands à continuer à dialoguer, à écouter et à comprendre les arguments de l’autre sachant que nous avons besoin, plus que jamais, du couple franco-allemand pour pouvoir faire face aux nouvelles menaces auxquelles doivent faire face les pays de notre continent et pour consolider une Europe unie et intégrée comme pôle de stabilité internationale.