
Entretien avec Mme Zeina MINA
Directrice du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF)
Trente ans après leur première édition, les Jeux de la Francophonie sont devenus l’un des évènements sportifs internationaux les plus attendus. Réunissant chaque fois davantage de participants, ils illustrent la vitalité des liens d’amitié entre les pays membres de l’espace francophone. Mme Zeina Mina, Directrice du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), nous décrit les enjeux de l’organisation de la 9ème édition qui se déroulera en 2021 en République Démocratique du Congo.
La Lettre Diplomatique : Madame la Directrice, les prochains Jeux de la Francophonie se tiendront du 23 juillet au 1er août 2021 à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. Comment s’organisent les préparatifs de cette nouvelle édition ? Quelle est votre perception de l’avancée des travaux de construction du village des Jeux ?
Mme Zeina MINA : La désignation officielle de la République Démocratique du Congo pour l’organisation des 9ème Jeux de la Francophonie a eu lieu le 31 octobre 2019 à Monaco suite à la signature du cahier des charges par l’Administratrice de l’Organisation internationale de la Francophonie, Mme Catherine Cano, et par le Président du Comité national des Jeux de la Francophonie, S.E.M. Pépin Guillaume Manjolo Buakila. La signature du cahier des charges est un signe fort de l’engagement du pays et de sa volonté de respecter toutes les exigences qu’il énumère en ce qui concerne notamment les travaux de construction et de réhabilitation nécessaires pour accueillir les prochains Jeux de la Francophonie.
Les autorités de la République Démocratique du Congo ont répondu en peu de temps à toutes les réserves émises par le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), témoignant de leur volonté et de leur très sérieux engagement.
Aujourd’hui, les Jeux sont une volonté du Président de la République Démocratique du Congo et son gouvernement met tous les moyens nécessaires pour assurer leur réussite. Nous leur faisons confiance et l’année 2020 va connaître des chantiers multiples pour organiser des Jeux de qualité.
L.L.D. : L’organisation des 9ème Jeux de la Francophonie en République démocratique du Congo fait suite au retrait de la candidature du Nouveau-Brunswick fin janvier 2019. Quelles réflexions vous inspirent le fait que ces Jeux se tiennent à nouveau en Afrique ?
Z.M. : Ayant pris mes fonctions le 28 mai 2019, je n’étais pas impliquée personnellement lors du retrait du Nouveau-Brunswick.
Le fait que les Jeux se tiennent en Afrique me semble personnellement naturel. Le continent africain compte le plus grand nombre de Francophones. C’est un signe fort et une fierté exprimée par les pays africains qui peuvent mobiliser la solidarité francophone en faveur de la réussite des Jeux.

L.L.D. : Le coût élevé de l’organisation des Jeux de la Francophonie représente un défi pour les villes hôtes. Comment percevez-vous les contraintes, notamment budgétaires, que fait peser la tenue de cet événement pour la République Démocratique du Congo ? À l’inverse, comment en décririez-vous les retombées potentielles pour son rayonnement international, son attractivité économique et son développement ?
Z.M. : Dans le cadre d’un processus normal, le budget d’organisation comparé à celui d’un autre événement d’envergure internationale et multidisciplinaire, répondant aux exigences des fédérations internationales et nécessitant l’accueil de plus de 2 500 personnes, n’est pas considéré comme un budget important.
Par ailleurs, un pays qui n’est pas doté d’infrastructures ne devrait même pas songer à candidater
Aujourd’hui, la République Démocratique du Congo est un grand pays pourvu de nombreuses ressources et infrastructures de très grande qualité. Les Jeux représentent une opportunité pour promouvoir ses acquis et mettre en exergue le savoir-faire de ses ressources humaines. C’est un grand défi que le peuple congolais s’est engagé à relever, mais j’ai confiance en la richesse du potentiel humain de ce pays et en ses capacités à mener à bien l’organisation de cet événement.
De plus, les Jeux de la Francophonie pourraient offrir l’occasion à la République Démocratique du Congo d’initier des programmes d’éducation et de favoriser l’émergence de nouveaux métiers. Ils peuvent représenter une opportunité pour accroître ses capacités à accueillir des évènements de plus grande envergure.
L’organisation de ces Jeux ne constitue donc pas un investissement à fonds perdu. C’est au contraire un investissement qui répond à un besoin de la société. Les retombées sociales d’un événement sportif de ce genre sont connues et identifiées par nombre de chercheurs :
– il génère du capital social et contribue à renforcer le sentiment d’appartenance, le bien-être et l’identité collective ;
– il stimule la participation à des activités sportives ;
– il accroît le capital humain, grâce aux possibilités de bénévolat, encourage les interactions sociales, le partage de connaissances, l’entraide et le développement des compétences de « leadership ».
Enfin, j’ajouterais que l’objectif des Jeux de la Francophonie est d’organiser un événement mémorable, unissant sport et culture, et qui soit capable de diffuser une image positive du pays hôte. Les infrastructures qui les accueilleront seront durables et pourront être réutilisées. Cet événement laissera, j’en suis certain, un grand héritage éducatif et culturel au pays.
L.L.D. : Les Jeux de la Francophonie ont réuni en 2017 2 500 concurrents ressortissants originaires des 43 États et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Quel regard portez-vous sur ce bilan ? Pourrait-il, selon vous, être amélioré ? Quelle approche comptez-vous privilégier pour amplifier leur visibilité et leurs retombées pour les villes hôtes ?
Z.M. : Le bilan de cette 8ème édition est respectable. Les Jeux de la Francophonie représentent un événement encore jeune. D’une édition à l’autre nous cherchons à les développer.
Actuellement, nous travaillons au transfert de connaissances qualitatives. Nous avons l’appui des fédérations internationales qui désignent des délégués techniques qualifiés.
De plus, la contribution des États et des gouvernements participant aux Jeux est primordiale pour garantir leur réussite. La rigueur, le respect des dates d’inscription, des délais accordés et le respect des engagements constituent autant d’éléments essentiels pour une organisation réussie. Pour ce faire, les ministères des États participants doivent désigner des personnes en charge du suivi du dossier des Jeux, pour respecter les dates et les échéanciers, ainsi que pour garantir l’organisation sérieuse des Jeux.
Les Jeux de la Francophonie ont le potentiel d’attirer des partenaires et des sponsors qui pourraient accompagner leur déroulement, garantir l’accompagnement de nos jeunes sportifs et artistes, et soutenir les programmes de développement durable dans les États organisateurs. Une stratégie de communication pour améliorer la visibilité des Jeux est également mise en œuvre.
Notre stratégie est axée sur une organisation qualitative et cible le développement des valeurs éducatives et sociétales dans le pays hôte. Nous avons l’intention d’utiliser des outils de mesure scientifique pour évaluer les impacts socio-économiques des Jeux dans le pays organisateur.
L.L.D. : En tant qu’ancienne athlète olympique libanaise, quel regard portez-vous sur les opportunités que peuvent ouvrir les Jeux de la Francophonie à ses participants ? Quelle expérience en tirez-vous ?
Z.M. : Pour un pays comme le Liban où le sport n’est pas une priorité du gouvernement, les Jeux de la Francophonie représentent une occasion pour les athlètes de prendre part à une compétition de renommée internationale. Pour les athlètes libanais n’accédant pas aux qualifications des Jeux olympiques et des championnats du monde qui restent aujourd’hui réservés à une élite, ils offrent une opportunité de vivre un vaste brassage culturel et de participer à une compétition qui s’avère tout de même de haut niveau.
Au sein même des pays participants, les Jeux de la Francophonie créent de la cohésion sociale. Ils constituent une occasion de préparer une délégation multiculturelle et multidisciplinaire, permettant ainsi la rencontre de deux mondes différents : celui du sport et celui de la culture.
Les jeunes sortent des Jeux fiers et enrichis d’une expérience qui leur apporte beaucoup de maturité. Ils renforcent leur motivation à s’entrainer plus sérieusement pour participer à des compétitions plus importantes.
L.L.D. : Cet événement majeur de l’OIF contribue à faire vivre les liens de solidarité et d’entente qui unissent les membres de la communauté francophone. Dans quelle mesure participe-t-il, selon vous, à les renforcer ? Comment souhaiteriez-vous voir leur héritage se pérenniser ?
Z.M. : Le Conseil d’orientation du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF) est composé de 18 représentants d’États et de gouvernements membres de l’OIF, experts en sport et en culture. L’avenir et l’amélioration des éditions des Jeux sont au cœur de ses débats et de ses réflexions.
Tous les États et gouvernements membres possèdent des atouts considérables qui sont mis au service des Jeux en termes d’expérience et d’expertise. De son côté, l’OIF joue un rôle important en mobilisant toutes les directions pour travailler dans un esprit de transversalité, de collaboration et de solidarité afin de mettre en place des actions qui s’articulent autour des valeurs de l’OIF tels que le respect des droits de l’Homme, le volontarisme, le développement durable et bien d’autres.
Les Jeux de la Francophonie mobilisent plusieurs parties prenantes et des experts de haut niveau dans plusieurs domaines. Sans oublier le soutien des États et des gouvernements membres qui sont une force motrice pour le CIJF et qui mettent au service de l’organisation et de l’État hôte beaucoup de moyens en matière d’accompagnement et de formation.