Par M. Jean-Dominique GIULIANI
Président de la Fondation Robert Schuman
À l’initiative de la France, les deux partenaires ont décidé de renouveler l’engagement privilégié qu’ils avaient initié en 1963.
Depuis cette date, la pratique de cette alliance et la construction européenne ont beaucoup profité des relations étroites que nos deux pays ont su développer ; mais les circonstances ont aussi changé. L’Union européenne a atteint un niveau d’intégration particulièrement élevé, qui nécessite de nouveaux efforts pour parachever et solidifier l’union monétaire européenne, répondre aux besoins de sécurité nouvellement apparus et relever de nouveaux défis comme l’immigration et l’intégration.
La relation franco-allemande exige en permanence d’être adaptée au nouveau paysage international et à des réalités européennes différentes. Irremplaçable pour les progrès de l’Europe, elle ne doit jamais s’enfermer dans la routine ou la gestion des acquis importants de l’intégration communautaire. Désormais, le traité de l’Élysée, conclu entre gouvernements, se doublera d’une coopération parlementaire renforcée, indispensable pilier démocratique nécessaire pour rapprocher encore les citoyens. Une assemblée franco-allemande verra le jour et c’est un événement très important, qui met en évidence le caractère unique de l’amitié entre nos deux pays.
Le nouveau Traité doit aussi explorer de nouveaux espaces, notamment en matière de sécurité et de défense. L’Europe doit rechercher son autonomie stratégique, apprendre à cultiver une véritable préférence européenne et pas seulement à profiter de la stabilité pour asseoir sa prospérité. Nul doute que cela constitue pour l’Allemagne des efforts tout particuliers. Les Européens doivent trouver un consensus sur la conduite de leurs politiques économiques et budgétaires, ce qui nécessite assurément des efforts de la France, mais vise à empêcher des fractures au sein d’une Europe diverse et plus solidaire. Enfin, ce nouvel accord doit éviter les travers de son prédécesseur, à l’époque agrémenté d’un préambule parlementaire qui en limitait la portée.
C’est donc une véritable heure de vérité, une nouvelle phase dans l’approfondissement d’une relation exceptionnelle, que doivent viser les deux gouvernements. Il en va très largement de l’avenir du projet européen qui dépend fondamentalement du bon état de la relation franco-allemande, mais ne saurait s’y limiter. L’enjeu est donc de taille et les espoirs qu’il suscite ne doivent pas être déçus. Nos deux pays ne doivent pas se limiter à élaborer un compromis entre leurs intérêts nationaux ; ils doivent porter aussi l’intérêt supérieur du continent. Le traité de l’Élysée rénové doit être ambitieux et novateur, s’inscrire dans une perspective continentale, c’est-à-dire permettre une relance européenne qui ne se contente pas de rapprocher encore les deux rives du Rhin, mais qui contribue à rassembler les nations qui souhaitent consolider la construction européenne.