La lettre diplomatique

Article – Australie
La Lettre Diplomatique N°73 – Premier trimestre 2006

L’Australie et l’UNESCO

Par Mme Jane Madden, Ministre, Déléguée permanente de l’Australie auprès de l’UNESCO

 

L’Australie est l’un des membres fondateurs de l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la culture, et fut parmi les 20 premiers pays qui en ratifièrent la constitution en 1945.

Notre Délégation permanente est représentée par deux organismes clés, le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce, et le Ministère de l’Education, des Sciences et de la Formation. D’autres ministères, non présents à Paris, comme le Ministère de l’Environnement et du Patrimoine ou le Ministère de la Communication, des Technologies de l’informatique et des Arts, participent aussi activement au travail de l’Organisation. La Délégation permanente et la Commission nationale australienne pour l’UNESCO agissent sous la responsabilité générale du Ministère des Affaires étrangères et du Commerce. Tous les intérêts australiens sont coordonnés en étroite coopération avec la Commission nationale australienne pour l’UNESCO.

 

Quels sont nos objectifs ?

Encourager l’UNESCO à contribuer à nos intérêts dans les domaines de la science, de l’éducation, de l’environnement, de la diversité et du patrimoine culturels, et de la communication. Promouvoir les valeurs et l’expertise australiennes afin qu’elles servent de modèle pour résoudre les problèmes. S’assurer que l’Australie et sa région profitent des avantages apportés par les programmes de l’UNESCO. Ecouter les points de vue des autres pays sur ce que l’UNESCO devrait faire. Inciter l’UNESCO à établir des priorités, à les respecter et à remplir son mandat.

 

Que mettons-nous en œuvre pour les atteindre ?

Nous analysons, proposons, exerçons des pressions, négocions, trouvons des consensus, présentons des comptes rendus, et suivons la promotion des intérêts du gouvernement australien et de la Commission nationale australienne pour l’UNESCO au siège de l’Organisation. Nous communiquons au Secrétariat les domaines d’expertise de l’Australie en relation avec les programmes de l’UNESCO, les informations transmises par les organismes gouvernementaux, les ONG, les institutions académiques, les individus et la Commission nationale. Nous présentons des comptes rendus sur les possibilités d’actions australiennes dans le cadre des différents programmes prévus, notamment en Asie-Pacifique, et sur les questions de gestion au sein de l’Organisation. Nous effectuons le lien entre le Secrétariat, l’Australie et notre région, en faisant circuler les informations, et en créant des relations. Nous formons des alliances stratégiques avec des représentants et des experts de différents pays.

 

Evaluer notre succès

L’Australie évalue sa réussite à l’UNESCO en observant les apports concrets de l’Organisation de par le monde, dans les domaines de la paix, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et de la tolérance, à partir des travaux menés dans ses champs de compétences. Etudier dans quelle mesure les idées et les propositions que nous défendons se reflètent dans les résultats de l’UNESCO, y compris dans le programme et le budget, est un autre moyen de jauger nos succès. Les réussites électorales, l’amélioration des méthodes de travail et des pratiques de gestion, ainsi qu’au sein de la direction de l’Organisation sont aussi examinés de près.

 

L’Australie et son « UNESCO idéale »

A l’heure actuelle, l’Australie considère qu’il serait utile de clarifier davantage le rôle de l’UNESCO au sein du système des Nations unies. Face aux crises, naturelles ou anthropiques, l’Organisation doit répondre plus rapidement et de façon plus préventive. Le rôle de l’UNESCO est au cœur des efforts internationaux : protéger le patrimoine, notamment celui des « peuples natifs » et promouvoir le respect et la compréhension de la diversité culturelle. En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le défi auquel l’UNESCO doit faire face est clair ; elle doit développer des programmes scolaires qui encouragent la tolérance et la compréhension interculturelle. Assurant le premier rôle dans des initiatives majeures des Nations unies, comme c’est le cas avec les Décennies, elle doit concevoir ces programmes et les mener à terme tel un voyage initiatique, une expérience enrichissante dont les résultats sont réels et l’impact durable.

Pour accroître la visibilité de l’UNESCO, son mandat doit être en constante évolution. Cela suppose que soient pris en compte les changements rapides dans les domaines des sciences et des technologies, ainsi que l’interaction entre l’UNESCO et les comportements humains, notamment à travers son mandat éthique. Les évolutions sont rapides et peuvent dépasser la capacité de réaction de nombreux législateurs et décideurs politiques. Le travail de l’UNESCO en matière de bioéthique et celui de la COMEST (Commission mondiale de l’éthique des connaissances scientifiques et des technologies) sont des exemples de l’élaboration de cadres directeurs préventifs solides, et justifient le mandat de l’Organisation pour le troisième millénaire. En 2005, après le tsunami dévastateur dans l’Océan Indien, l’Australie a travaillé activement avec la Commission océanographique internationale de l’UNESCO afin d’élaborer un Système d’alerte rapide dans l’Océan Indien, dont le Secrétariat est basé à Perth, en Australie occidentale. C’est dans cette ville que s’est tenue en août 2005, la première réunion du groupe intergouvernemental de coordination du système.

Dans une UNESCO moderne idéale, les programmes seraient modifiés en profondeur, et un nombre limité de programmes intersectoriels se concentreraient sur certains thèmes internationaux. Le renforcement des capacités devrait devenir la principale modalité d’action, notamment en raison de son programme phare : l’ « Education pour tous ». Des mesures plus efficaces doivent être prises pour faire face à l’illettrisme, sachant que, selon les statistiques, le monde compte plus de 860 millions de personnes illettrées. Répondre aux besoins en matière d’enseignement supérieur est aussi important, et l’Australie a fortement soutenu le travail de l’UNESCO qui, en coopération avec l’OCDE, a élaboré des lignes directrices sur la qualité dans l’enseignement transnational.

L’UNESCO joue un rôle primordial dans l’élaboration d’instruments internationaux. La Convention pour la protection du patrimoine mondial en est peut-être l’exemple le plus célèbre, et l’Australie est fière de compter 18 sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial. En 2005, lors de sa 33ème session, la Conférence générale a adopté la Convention contre le dopage dans le sport, celle sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, et la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’Homme. L’Australie a d’ailleurs travaillé activement sur certains de ces textes. Toutefois, il faut de solides arguments pour élaborer d’autres instruments, et ce processus doit avoir des objectifs clairs, et exige que des consultations exhaustives soient menées auprès des experts et des gouvernements.

En ce début de XXIème siècle, une gouvernance saine est extrêmement importante pour les nations et les institutions. C’est également le cas pour l’UNESCO : la relation entre les trois organes (la Conférence générale, le Conseil exécutif et le Secrétariat), et le fonctionnement correct de chacun d’eux sont des facteurs essentiels de la bonne gouvernance. L’Organisation s’efforce d’être plus efficace, plus transparente, et plus responsable afin de remplir son mandat et d’améliorer la visibilité de ses objectifs universels et sa crédibilité au sein du système des Nations unies. L’Australie lui apporte son soutien.

L’UNESCO se doit d’être moins intimidante et plus conviviale, notamment avec les petits Etats membres tels que nos 14 pays du Pacifique qui n’ont pas de délégation permanente, et qui sont isolés dans le plus grand bureau multi-pays de l’UNESCO, aux antipodes de Paris.
  Les partenariats constituent un nouveau défi puisqu’il est désormais clair que, seule, l’UNESCO ne peut remplir son mandat. Le système des Nations unies mis à part, les collaborations avec les secteurs privé et non lucratif sont extrêmement prometteuses. L’Australie est fière d’être à l’origine du Forum de la jeunesse, qui pourrait montrer le chemin à suivre au monde entier et regorger de futurs dirigeants. Alors que l’UNESCO célèbre son 60ème anniversaire cette année, souvenons-nous du mandat initial de l’UNESCO, toujours aussi d’actualité : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».

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