Les relations parlementaires franco-australiennes
Par M. Pierre Frogier, Député de Nouvelle-Calédonie,
Président du groupe d’amitié France-Australie à l’Assemblée nationale
Ile-continent singulière d’une superficie équivalant à quatorze fois la France, habitée par à peine plus de vingt millions d’habitants, l’Australie est un pays dont la géographie se prête aux superlatifs. C’est le plus ancien et le plus isolé des continents. Doté de ressources naturelles exceptionnelles, c’est un pays de méga-diversité avec des écosystèmes d’une très grande richesse : 22 000 espèces végétales et jusqu’à 300 000 espèces animales différentes et la plus grande barrière de corail juste avant celle de Nouvelle-Calédonie.
L’Australie est aussi devenue une nation moderne, ouverte au monde.
Elle affiche avec tranquillité les succès d’une économie performante, vigoureuse et prospère et devient, ce faisant, une puissance qui compte dans la région Asie-Pacifique. Les résultats enregistrés sont tout à fait enviables si l’on rappelle que depuis 1992 elle connaît sa quatorzième année d’expansion économique, une phase de forte croissance avec des taux supérieurs à 3% par an. Le taux de chômage y est faible, 5,1 % cette année soit le taux le plus bas depuis 1976. Les salaires réels de la population y ont augmenté de près de 14 %, ce qui permet de soutenir la demande intérieure. Grâce à une politique d’excédents budgétaires menée depuis 1998, de contrôle des dépenses et de vente d’actifs publics au secteur privé, la dette publique fédérale a diminué pour atteindre cette année moins de 3 % du PIB.
L’Australie connaît une situation institutionnelle et politique stable. Au pouvoir depuis 1996 à la tête d’une coalition libérale-nationale, après treize ans de gouvernement travailliste, M. John Howard a, pour la quatrième fois, remporté les dernières élections législatives de 2004 à la Chambre des représentants avec 87 sièges sur 150, obtenant de surcroît la majorité au Sénat avec 39 sièges sur un total de 76, ce qui lui facilite la poursuite des réformes engagées.
L’Australie affirme sa
présence sur la scène économique et stratégique internationales. Ainsi, préalablement à la réunion ministérielle de Hong Kong, exerçant la présidence du groupe de Cairns et très active dans la défense des dossiers agricoles, elle a contribué
avec l’Union européenne et plusieurs autres partenaires, à la relance des négociations multilatérales du cycle de Doha de l’OMC, après l’échec de Cancun. A l’occasion du règlement de la crise à Timor est, l’Australie a acquis dans un cadre multinational et grâce à l’efficacité de son commandement militaire un rôle essentiel pour assurer le maintien de la sécurité et la stabilité de la région.
J’ai aussi plaisir à souligner le caractère constructif des relations entre la France et l’Australie. Nos relations se sont incontestablement apaisées depuis les turbulences passées de 1995 ainsi qu’en témoignent les visites officielles successives dans les deux pays. Il convient d’insister sur l’événement de la visite en France du Premier Ministre, M. John Howard, en avril 2000, au cours de laquelle celui-ci avait été reçu par le Président de la République et le Premier ministre. En 2003 ont eu lieu les visites du Ministre délégué au Commerce extérieur, M. François Loos, au mois de mars, du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, M. Renaud Muselier, en novembre, du Ministre des Sports, M. Jean-François Lamour. Le Ministre australien des Affaires étrangères, M. Alexander Downer, a été reçu en janvier 2003 par M. Dominique de Villepin, qui était alors son homologue. Puis M. Peter Costello, Ministre des Finances et numéro deux du Gouvernement australien, s’est rendu à Paris fin avril 2003. Je rappelle en outre que M. Howard s’est rendu en France à l’occasion du 60ème anniversaire du débarquement en Normandie en juin 2004 et que M. Alexander Downer est revenu à Paris en février 2005.
Les Présidents des deux assemblées du Parlement d’Australie, eux aussi, sont venus en France. Quant au groupe d’amitié de l’Assemblée nationale que j’ai l’honneur de présider et qui comprend 62 personnes, il exerce une activité soutenue. Nous accueillons fréquemment nos collègues du Parlement d’Australie et de différents Etats de la fédération. Une délégation de notre groupe s’est elle-même rendue en Australie à l’invitation du Parlement d’Australie. Nous avons voulu témoigner sans réserve, lors de notre visite, de l’objectif commun à nos deux pays d’aide au développement et à la stabilité dans le Pacifique sud, et nous avons constaté le caractère fructueux de notre coopération culturelle, scientifique et technique et de l’intensification de nos relations militaires, notamment dans le domaine aéronautique.
L’événement tragique du tsunami en Asie du Sud-Est a mis en relief les failles du processus de transmission des informations et le bien-fondé de la procédure de coopération régionale visant à faire face aux catastrophes naturelles mise en place dans le cadre de l’accord Franz. Cette coopération est efficace dans le domaine du partage d’informations et
de l’organisation des secours. Elle pourrait évidemment être étendue à d’autres régions que le Pacifique sud.
Nos deux pays sont en fait présents dans la même partie du monde. Si la Nouvelle-Calédonie est à 20 000 km de Paris, ce qui en fait le territoire français le plus éloigné de la métropole, elle ne se trouve qu’à 1 500 km de l’Australie, pratiquement à mi-chemin entre l’Australie et les Iles Fidji. Ce voisinage nous rend très proches. Sait-on que le premier commerçant établi en Nouvelle-Calédonie était un Australien, Paddon ? Et il faut rappeler que c’est grâce à un navire australien qu’Henri Sautot s’est embarqué vers la Nouvelle-Calédonie depuis les Nouvelles-Hébrides où il était commissaire résident de France pour prendre possession du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie à la place du représentant du Gouvernement de l’Etat français : il sera choisi par de Gaulle pour être le représentant et l’administrateur du gouvernement de la France libre dans le Pacifique sud.
L’Australie et la France ont, en effet, en commun des souvenirs qui les rapprochent. Les combats de Villers-Bretonneux dans la Somme, en avril 1918, firent entrer les unités australiennes dans la légende des combattants de la Grande Guerre sur le front occidental. Dans cette commune la commémoration de l’Anzac Day donne lieu à des manifestations régulières, officielles et émouvantes, et le musée franco-australien évoque les liens qui, depuis 1916, se sont tissés avec l’Australie. Ces souvenirs douloureux sont également évoqués dans l’imposant mémorial de guerre de Canberra et c’est avec émotion que la délégation du groupe d’amitié de l’Assemblée nationale a rendu hommage au soldat australien inconnu, tombé pendant la Première guerre mondiale et dont les restes ont été rendus à l’Australie en 1993.
L’Australie offre une image séduisante et moderne. Elle attire nos jeunes et en particulier les étudiants. Les jeunes de nos deux pays ayant entre 18 et 30 ans peuvent profiter du visa vacances-travail mis au point depuis janvier 2004 grâce à un accord franco-australien leur permettant de séjourner pendant un an maximum dans l’autre pays tout en exerçant une activité professionnelle salariée s’ils le souhaitent, afin de compléter ainsi les moyens financiers dont ils disposent. Elle doit attirer nos entreprises à l’instar de celles qui y ont effectué de belles percées. Puisse la coopération franco-australienne, au-delà d’un partenariat de proximité, se fortifier à l’image de l’excellente coopération entre le Parlement d’Australie et l’Assemblée nationale !