Une reconversion de l’économie chypriote tournée vers les hautes technologies
«Le but stratégique du gouvernement de Chypre est de faire de Chypre un centre de recherche et de technologie. »1 A l’occasion du lancement de la Fondation sur la recherche et l’éducation de Chypre en février dernier, le Président Tassos Papadopoulos soulignait ainsi son engagement à poursuivre la réorientation de l’économie chypriote, vers la promotion de secteurs d’activité à haute valeur ajoutée. A Paris, lors d’un colloque organisé au Sénat le 2 décembre 2004, le Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme Yiorgos Lillikas affirmait : « Nous voulons développer un modèle fondé sur les hautes technologies et la connaissance ».
Nicosie entend en effet faire passer ses dépenses en recherche et développement de 0,18% à 3% d’ici 2010. Pour atteindre cet objectif fixé par l’Union européenne à tous les Etats membres, le gouvernement chypriote s’est fixé comme priorité de créer les infrastructures nécessaires à la création de pôles d’excellence, c’est-à-dire de passerelles entre le monde de la recherche et celui du commerce. Cette volonté s’est déjà traduite par la mise en place de l’Université de Chypre, de l’Institut de Neurologie, de l’Institut de l’Agriculture, ainsi que par
l’octroi de subventions aux collèges privés. La Fondation sur la Recherche et l’Education inaugurée par le Président Tassos Papadopoulos est promise à devenir, selon le Financial Mirror, le premier institut dans le monde qui est exclusivement dédié aux questions de l’énergie, de l’eau et de l’environnement.
Les autorités chypriotes ont également accordé une large place à la coopération internationale. Elles ont ainsi développé, à travers le Cyprus International Institute, une collaboration en matière de santé publique et d’environnement avec l’Université de Harvard, dans le but d’attirer de nombreux scientifiques d’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient et des Etats-Unis. Le grand projet d’envergure, encore à l’état embryonnaire, a été impulsé en 2003 avec la signature d’une convention de coopération avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice, donnant pour mission à la partie française de dessiner les contours d’un « projet national » de parc technologique s’inspirant du technopôle niçois de Sophia-Antipolis. Evalué à un coût de quelque 250 millions d’euros, ce parc technologique pourrait voir le jour à Kornos, près de Limassol.
La promotion d’industries de haute technologie à travers l’établissement d’un incubateur et la création d’un Centre pour la recherche appliquée et le développement de domaines de haute technologie, était définie dans le programme de la nouvelle politique industrielle défini par le gouvernement chypriote dès 1999-2000 et inscrit dans le programme de pré-adhésion (2004-2006) de Chypre à l’Union européenne. Cette stratégie compte s’appuyer sur le haut niveau de formation des étudiants chypriotes. Plus de 70% d’entre eux possèdent en effet un diplôme universitaire. Compte tenu de la taille modeste du marché chypriote, c’est sur la vocation régionale de l’île que les autorités chypriotes entendent s’appuyer pour attirer les investis-sements étrangers nécessaires à cette reconversion économique. Des investisseurs étrangers comme la société écossaise Axios Systems, spécialisée dans l’assistance technique et la gestion des services informatiques aux entreprises a ainsi choisi de s’implanter à Chypre pour bénéficier du niveau élevé de qualification universitaire, ainsi que des possibilités de développement avec le Moyen-Orient pour développer de nouveaux produits. En 2004, la société a d’ailleurs remporté un contrat avec l’Electricity Authority of Cyprus (EAC).
Pour les experts français, Chypre ne disposant pas d’une base manufacturière suffisamment développée, l’île doit se spécialiser dans un petit nombre de domaines pour lesquels il existe une demande dans le pays comme la finance software, la technologie maritime et la biologie marine.
Cette reconversion économique est impulsée alors que l’économie chypriote connaît un nouveau dynamisme avec une croissance économique à 3,9% et qui s’est maintenue au premier semestre 2005, après deux années consécutives de stagnation à 2%. Imputable en partie à la perte de vitesse du secteur touristique, celui-ci a souffert de la crise du transport aérien provoquée par les attentats du 11 septembre et l’accroissement de la tension régionale. Si le secteur touristique a été depuis les années 70 le fer de lance de l’économie chypriote, continuant à représenté près de 20% de son PIB, les autorités chypriotes veulent désormais diminuer leur dépendance à son égard, d’autant plus que l’adhésion de Chypre à l’Union européenne en mai 2004 a mis également fin à la manne générée par le secteur financier offshore. L’UE a en revanche stimulé l’ouverture de l’économie chypriote avec la décision du gouvernement de libéraliser totalement les investissements étrangers en provenance des pays hors UE et a aboli le montant maximum d’investissement dans tous les secteurs de l’économie2.
Cette nouvelle donne associée aux perspectives de développement de l’île devrait inciter tout particulièrement les investisseurs français à s’intéresser tant au marché intérieur chypriote qu’à ses atouts en termes de tremplin pour la pénétration des marchés du Moyen et Proche-Orient. Si la présence française demeure modeste, la création pour la première fois à Chypre, le 9 mai dernier, d’une section des Conseillers du Commerce extérieur de la France présidée par M. Pierre Godec, confirme l’essor d’un tel intérêt. C.H.
1 – Financial Mirror, Fiona Mullen, 2/02/05.
2 – Source Dree