Vers un partenariat énergétique franco-nigérian
En venant exposer à Paris, devant un parterre de plus de cent chefs d’entreprises françaises, les atouts et les opportunités du marché nigérian, le Président Olusegun Obasanjo a lancé une nouvelle offensive de séduction auprès des investisseurs français. Premier fournisseur africain en pétrole brut de la France qui en a importé pour 1 043 millions d’euros en 2002, le Nigéria pourrait devenir dans quelques années un partenaire énergétique non négligeable de la France. C’est en tout cas la perspective que laisse se profiler la mise en production, prévue pour 2008, par le groupe pétrolier français Total, du champ d’Akpo, au large de Port Harcourt, la capitale de l’Etat pétrolier de Rivers.
Au printemps 2004, Total a annoncé la décision d’investir près de 1,4 million de dollars pour son exploitation, qui devrait permettre d’atteindre une capacité de production de 125 000 barils de pétrole par jour. Egalant par sa taille, selon les prévisions, le champ de Girassol en Angola, le plus vaste champ pétrolier en eaux profondes du monde, ce gisement est annonciateur d’un renforcement de Total sur le marché pétrolier nigérian. La compagnie française doit en effet participer à la mise en exploitation à partir de 2006 du champ d’Usan/Ukot et de Bonga dont Shell en sera l’opérateur. Produisant 235 000 barils par jour depuis la mise en exploitation du champ d’Amenam, soit 10% de la production totale du pays, Total a fait le choix d’un développement presque exclusivement dans l’offshore, sur la zone maritime de Port Harcourt. Avec cette stratégie, le numéro 1 français du pétrole s’est arrogé un avantage comparatif sur ses plus importants concurrents comme Shell, dont les activités dans le Delta du Niger sont régulièrement mises en difficulté par les tensions sociales de cette région.
Si les Etats-Unis occupent une place prépondérante sur ce marché, en absorbant à eux seuls 50% de la production pétrolière nigériane, la présence française est appelée à monter en puissance, avec le lancement de nouveaux projets d’investissement dans le secteur pétrolier par le gouvernement nigérian qui entend faire passer la production de 2,5 millions de barils par jour en 2004 à 4 millions dans les prochaines années. Les entreprises françaises, déjà bien représentées dans le secteur para-pétrolier, devraient également bénéficier de l’essor du Nigéria comme puissance gazière.
L’expansion spectaculaire de la production de gaz naturel liquéfié représente en effet, le premier succès des efforts mis en œuvre par le gouvernement nigérian pour diversifier les sources de revenus du pays. Celle-ci devrait doubler d’ici 2008, grâce à la suppression des torchères et à la mise en service de deux nouveaux trains de liquéfaction dans le complexe gazier de Bonny Island, ainsi qu’à la construction du pipeline ouest-africain reliant le Nigéria à ses voisins béninois, togolais et ghanéen. Bonny Island fait figure à cet égard du plus important projet industriel jamais mené en Afrique subsaharienne et devrait, à terme, s’imposer comme l’une des plus importantes usines gazière du monde. Lorsque le train 6 sera mis en service d’ici 2008, ce complexe sera en effet en mesure de produire près de 22 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) et 5 millions de tonnes de NGL (condensats et LPG). Représentant un investissement total d’environ 10 millions de dollars, Bonny Island ne constitue pourtant qu’une partie du potentiel gazier nigérian, évalué à près de 3 500 milliards de m3 de gaz (réserves prouvées). Les entreprises françaises se sont d’ailleurs bien développées dans ce secteur à l’instar de Technip qui, en joint-venture avec Snamprogetti, KBR et JGC Corporation, a par exemple remporté le contrat de réalisation du train 6 pour le compte de la Nigeria LNG Limited, leader du consortium pour l’exploitation de Bonny Island dont Total est partie prenante à hauteur de 15% des parts.
Technip, à la tête d’un consortium formé avec Hyundai Heavy Industries, a également conclu en mai dernier un contrat forfaitaire avec Total Upstream Nigeria Limited d’un montant d’environ 1,08 milliards de dollars pour la réalisation et la mise en service de l’unité flottante de production, stockage et déchargement du champ d’Akpo.
Les contrats récemment remportés par les entreprises françaises dans le secteur pétro-gazier devraient également avoir des retombées positives sur la diversification des investissements français et l’accroissement des exportations françaises vers ce pays, traditionnellement dominées par le secteur automobile. Hors secteur des hydrocarbures, la présence française au Nigéria a également bénéficié d’une nouvelle impulsion avec le partenariat noué entre Alcatel et Globalcom, le deuxième opérateur national, pour le déploiement de services de télécommunications fixes et mobiles. Alcatel doit porter la capacité du réseau mobile national de Globalcom de 2,5 à 10 millions d’abonnés d’ici la fin 2005. Le leader français des télécommunications déploiera également un câble sous-marin long de 8 600 km reliant le Nigéria au Royaume-Uni pour augmenter de manière significative la connectivité du Nigéria au niveau international et permettre à Globalcom d’être en liaison avec les Etats-Unis via le Royaume-Uni.
Dans le secteur de la construction, un contrat de 100 millions de dollars a par ailleurs été attribué à un consortium d’entreprises incluant Bouygues construction, Dumez, Fougerolle, Lafarge, Spie Batignolles ou encore SGE.
Le renforcement de la présence française, dont la communauté d’affaires forte de 1 600 expatriés est plus importante que toute la communauté française en zone franc, devrait également être stimulée par les nouvelles mesures mises en œuvre par le gouvernement nigérian pour améliorer l’environnement économique du pays, tant sur le plan de la lutte contre la corruption que sur celui d’une meilleure gestion de la manne pétrolière. C.H.