La lettre diplomatique

Article – Etats-Unis
La Lettre Diplomatique N°69 – Premier trimestre 2005

L’Europe et l’Amérique : les préùices d’une nouvelle ère de l’union transatlantique

Par S.E.M. Rockwell Schnabel, Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Union européenne

 

Le Président Bush a effectué à Bruxelles, fin février dernier, le premier déplacement à l’étranger de son nouveau mandat. Au cours des nombreuses réunions qu’il a tenues avec les dirigeants de l’Union européenne et de l’OTAN, dont notamment un dîner bilatéral avec le Président Chirac, il a appelé l’Europe à travailler avec les Etats-Unis pour surmonter les divergences passées et inaugurer une nouvelle ère de l’union transatlantique. Une opportunité historique s’offre désormais à l’alliance transatlantique pour faire progresser la démocratie et la prospérité dans le monde, a-t-il souligné, en particulier à travers la promotion de la paix et des réformes au Moyen-Orient, et le soutien aux efforts entrepris en faveur de la construction d’un Irak stable et démocratique.   Le voyage de George W. Bush en Europe, qui l’a également conduit en Allemagne et en Slovaquie, fait suite à la tournée de la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice dans huit pays européens et à celle du Secrétaire au Commerce Carlos Gutierrez, qui s’est exprimé lors d’un Sommet sur l’Obser-vation de la Terre à Bruxelles, quelques jours après qu’il ait pris ses fonctions.

Toutes ces rencontres ont eu le même but : discuter des moyens que les Etats-Unis et l’Europe peuvent mettre en œuvre pour atteindre de nombreux objectifs communs. Des deux côtés de l’Atlantique, nous voulons encourager la démocratie, des perspectives d’avenir favorables au développement, et combattre avec efficacité le terrorisme et la tyrannie. Les Irakiens ont récemment organisé des élections, faisant preuve de ce courage qui est toujours à l’origine de la quête de l’autonomie. De leur côté, les Palestiniens ont élu un nouveau président, ouvrant ainsi la voie à un nouveau départ.

Cela dit, la relation économique entre l’Europe et les Etats-Unis constitue le plus important partenariat transocéanique que le monde ait jamais connu.   Il est difficile d’imaginer de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés sans un partenariat américano-européen fort – un partenariat qui demande une attention continue.

Voici quelques exemples de notre coopération active.

Le 30 janvier dernier, des millions de citoyens à travers l’Irak se sont rendus aux urnes – souvent au prix de grands risques – et ont élu 275 hommes et femmes pour les représenter au sein d’une nouvelle Assemblée nationale de transition. Quelles que soient nos divergences passées, ces élections ont donné un nouvel élan aux Etats-Unis, à leurs amis et alliés pour accélérer la marche vers le but commun qui est de promouvoir l’émergence d’un Irak stable et démocratique. Une trentaine de pays environ ont des troupes sur le sol irakien; les Nations unies et l’Union européenne ont fourni une assistance technique pour les élections ; l’OTAN contribue à entraîner les officiers irakiens. Nous avons en outre apprécié l’annonce faite par la Commission européenne d’une aide supplémentaire de 200 millions d’euros (261 millions de dollars) destinée à la reconstruction de l’Irak dans la période d’après-guerre. Ce soutien de la communauté internationale est essentiel pour apporter la paix et la démocratie à ce pays.   Nous ne devons pas, en outre, perdre de vue un règlement juste et pacifique du conflit israélo-arabe. La récente élection du Président palestinien nous offre une nouvelle chance que nous ne devons pas laisser passer. Le Président Bush a déclaré qu’il demanderait au Congrès une enveloppe de 350 millions de dollars pour soutenir les réformes politiques, économiques et la sécurité en Palestine. La possibilité pour deux Etats démocratiques, Israël et la Palestine, de vivre côte à côte en paix, est à portée de main et l’Amérique s’est engagée à soutenir ce processus, dans le cadre du « Quartet », conjointement avec l’Union européenne, la Russie et les Nations unies.

D’ailleurs, comme l’a souligné le Président Bush à Bruxelles, une solution du conflit israélo-palestinien peut stimuler la mise en oeuvre de réformes dans le Moyen-Orient élargi. Pour encourager ces réformes   sur le terrain, nous avons contribué à lancer le Forum pour l’Avenir en décembre 2004, avec le Maroc qui en était l’hôte. Ce forum, qui je l’espère sera le premier de nombreux autres, a réuni les dirigeants de toute la région et du monde industrialisé pour discuter des moyens pour promouvoir une nouvelle donne et la prospérité au Moyen-Orient.   Nous devons désormais bâtir sur ces fondations.

En Afghanistan aussi, nous devons continuer notre soutien à la reconstruction, à la mise en place de la sécurité et à l’organisation d’élections. Les forces européennes et américaines, incluant les troupes de l’OTAN sous la direction d’un commandant français, sont présentes sur le terrain. Pour la plupart des Afghans, la démocratie apparaissait comme un rêve lointain, mais en octobre 2004, plus de 8 millions d’hommes et de femmes se sont mobilisés pour élire un président. Ce printemps, ils doivent voter pour un nouveau parlement. Pour aller de l’avant, nous devons poursuivre les efforts de la communauté internationale pour libérer le pays des narcotiques, faire respecter l’ordre dans les rues et mettre en place des tribunaux légitimes.

Pour gagner la guerre contre la terreur nous devons travailler ensemble comme jamais auparavant, pour enrayer le financement du terrorisme et désamorcer les menaces qui pèsent sur la sécurité avant qu’elles ne deviennent pour nous une réalité. Nous devons forger des moyens de coopération nouveaux et plus étroits dans les domaines du trafic maritime et de la circulation des personnes. Nous devons élaborer des documents de voyages plus sûrs et controler les listes des passagers dans les avions, tout en respectant les droits individuels de la vie privée.

Pour redonner de la vigueur à notre partenariat économique, il faut que nous menions à bien le cycle de Doha au sein de l’OMC, y compris en ce qui concerne l’élimination des subventions aux exportations agricoles, la réduction substantielle des aides nationales qui entrainent des déséquilibres commerciaux et l’amélioration de l’accès aux marchés.

Les chefs de gouvernement doivent évaluer les idées neuves provenant de la société civile et du monde des affaires afin de tracer une voie et de fixer des objectifs pour le développement des relations économiques transatlantiques pour l’année à venir, comme nous nous sommes engagés à le faire l’année dernière lors du Sommet Etats-Unis-Union européenne qui s’est tenu en Irlande. Les échanges et les investissements entre les Etats-Unis et l’Europe atteignent 2,5 trillions de dollars et nous employons plus de 12 millions de citoyens de part et d’autre. Les enjeux sont considerables et nous ne pouvons les ignorer. Nous pouvons bâtir sur ces succés et relever les nombreux défis qui nous font face. C’est à vrai dire une période propice qui s’est ouverte pour de nouveaux départs, et qui commence par voir l’Amérique et l’Europe avancer ensemble, comme des partenaires. Nous disposons, de mon point de vue, de deux décennies pour façonner le monde avant que des puissances économiques émergentes comme la Chine et l’Inde ne commencent à le faire. C’est le meilleur moyen que je connaisse pour assurer l’épanouissement de la paix et de la prospérité. C’est le seul moyen d’avancer.


Tous droits réservés ® La Lettre Diplomatique