L’environnement : priorité des EAU
En rejoignant les pays signataires du protocole de Kyoto près d’un mois avant sa mise en vigueur le 16 février dernier, les Emirats arabes unis ont renforcé leur détermination à faire du développement durable une politique à part entière. Devenus pionniers dans ce domaine à l’échelle de la région sous l’impulsion du Cheikh Zayed, les Emirats doivent pourtant compter sur d’importants défis. L’essor de l’économie émirienne s’est en effet appuyé sur l’édification d’une imposante industrie pétrolière, avec les risques de pollution et de marée noire (30 000 pétroliers naviguent chaque année au large des eaux émiriennes) que cela implique. Faisant du tourisme, en particulier du tourisme de luxe, un des fers de lance de sa diversification économique Dubaï n’hésite pas à développer des projets pharaoniques avec la création d’îles artificielles, au risque de bouleverser les écosystèmes sous-marins. Enfin, l’ascension des Emirats comme centre des affaires incontournable du Moyen-Orient, ne va pas sans provoquer l’accroissement des flux de trafic aérien, maritime et routier.
Autant d’ambitions qui posent donc des problèmes cruciaux dans la mise en œuvre d’une politique de protection de l’environnement. La prise de conscience s’est pourtant manifestée dès 1983 avec la création de l’Agence fédérale pour l’environnement (AFE), regroupant aujourd’hui 20 agences fédérales et gouvernementales. En février 2000, le pays s’est doté d’une structure réglementaire, complétée depuis par l’adoption d’un certain nombre de décrets, formant aujourd’hui le socle d’une stratégie nationale environnementale. L’AFE a d’ailleurs récemment approuvé le lancement de 14 projets prioritaires constituant la première phase de cette stratégie, concernant entre autres domaines, l’énergie, la gestion des ressources hydrauliques, le dessalement d’eau de mer, le retraitement des produits chimiques ou la surveillance du milieu marin.1 La création en 2002 d’une base de donnée en matière environnementale, l’AGEDI, témoigne également des efforts réalisés pour approfondire la connaissance des ressources écologiques du pays, sans compter les travaux conduits par l’ERWDA pour la surveillance des espèces animales et de leur habitat.
Au-delà des mesures institutionnelles, la fédération émirienne a porté cette préoccupation sur le terrain. Dans le domaine industriel, les compagnies pétrolières ont été contraintes de limiter les opérations de torchage. La compagnie pétrolière nationale ADNOC a en outre lancé en 2004, le projet BEEAT sur le traitement des déchets de ses compagnies, dont la société de recyclage d’Abu Dhabi Takreer a récemment annoncé qu’elle allait en prendre la direction. Désignée comme la plus grave menace sur le plan de la pollution atmosphérique d’ici dix ans par M. Majid Al Mansouri, Secrétaire général de l’Agence pour la recherche environnementale et le développement de la faune (ERWDA), la pollution engendrée par la saturation du trafic routier a déjà fait l’objet d’une première réponse, avec l’introduction en janvier 2003 de l’essence sans plomb. Témoignant du rôle avant-gardiste joué par les Emirats arabes unis dans la région, la création d’une zone maritime protégée par le Cheikh Hamdan ben Zayed Al-Nahyane, Ministre d’Etat aux Affaires étrangères, a fait de l’île de Qarnein la première réserve de son genre du Golfe arabe internationalement reconnue. Elaborée pour protéger les pêcheries de perles qui ont fait jadis la réputation des Etats de la Trêve, cette mesure répond également à un soucis de plus en plus aigu dans la fédération de protéger et de valoriser une très riche biodiversité. Les plages de l’île de Qarnein hébergent par exemple la nidification des tortues caret, tandis que ses eaux abritent la tortue verte, mais aussi de nombreux poissons tropicaux, dont les mérous, importants pour la pêche locale, les barra-cudas ou encore les requins. Les Emirats servent par ailleurs de refuge à de nombreuses colonies d’oiseaux migrateurs et ses montagnes abritent des espèces en voie d’extinction comme le léopard ou l’oryx d’Arabie.
Les efforts sont aujour-d’hui orientés vers l’information et la sensibilisation de la population. Dans un pays où les ressources naturelles sont surexploitées et où la production de déchets atteint 941 kg/ habitant (en 2001), soit un des niveaux les plus élevés du monde, l’implication de la population dans la cause environnementale apparaît comme une priorité. Des initiatives d’origine publique ou privées sont déjà mise en œuvre en ce sens, comme
l’« Environment Spellethon » dans les écoles en partenariat avec l’Organisation mondiale pour la protection de la nature (WWF) ou les opérations organisées par l’ERWDA, le Nature Network soutenu par l’Emirates Bank et, plus largement, avec l’intégration des sciences de l’environnement dans le programme d’études de l’enseignement public. En qualifiant la protection de l’environnement de « devoir national » à l’occasion du Jour national de l’Environnement, le Président Cheikh Khalifah Ben Zayed Al-Nahyane entend donc suivre les traces de son père et initiateur de cette politique de dévelop-pement durable, Cheikh Zayed. C.H.
1 – Gulf news, Stanley Carvalho, 30/01/05.