La lettre diplomatique

Article – Arabie Saoudite
La Lettre Diplomatique N°85 – Premier trimestre 2009

Vers un nouvel essor des relations franco-saoudiennes

Par M. Christian Bodin, Chef de la Mission économique française en Arabie saoudite

Jamais, sans doute, les relations entre la France et l’Arabie saoudite n’ont atteint, au plan politique, un tel niveau d’excellence. Si les positions françaises et saoudiennes sont convergentes, depuis des décennies, sur la question israélo-palestinienne, l’attitude qu’a prise notre pays à propos de la guerre contre l’Irak est à l’origine d’un sentiment exceptionnel d’estime et de sympathie que l’on retrouve présent dans toutes les couches de la population saoudienne, du grand décideur public ou privé, à l’homme de la rue.
Première puissance pétrolière mondiale par l’ampleur de ses réserves (260 milliards de barils), sa capacité de production (10,5 millions de barils/jour), sa part des échanges de pétrole (25% du marché mondial) l’Arabie est un partenaire stratégique de la France, dont elle est le troisième fournisseur de pétrole.
L’augmentation du prix des hydrocarbures enregistrée ces dernières années (autour de 35 dollars pour le baril de brent début mai 2004), le niveau élevé de la demande adressée à l’Arabie (8,7 millions de barils/jour en moyenne 2003) est à l’origine d’un afflux de capitaux dans le royaume.
L’année 2003 aura permis au pays de dégager un important excédent  budgétaire (5,7% du PIB) pour la seconde fois en 22 ans, de diminuer le poids de sa dette publique (85% du PIB), d’enregistrer un doublement de son excédent courant (27 milliards de dollars et 12,8 % du PIB). Le PIB aura augmenté de 6,4%  (dont 4% pour le PIB hors hydrocarbures) pour s’établir à 210 milliards de dollars.
Les cours des actions ont progressé de 76% en 2003, et de 31% depuis le début de l’année. La capitalisation boursière atteint, au 6 mai, 220 milliards de dollars, soit plus de 100% du PIB. Les résultats des entreprises sont orientés à la hausse et l’immobilier continue sa progression.
Le début de l’année 2004 ne semble pas marquer de retournement de conjoncture. Le prix du pétrole poursuit sa hausse. La production de l’Arabie (8,3 millions de barils/jour en avril) continue de dépasser largement le quota OPEC du pays (7,638 millions de barils) alors que le ministre du pétrole a pris l’engagement d’approvisionner le marché.  
L’activité devrait donc, en 2004, rester encore très soutenue dans tous les secteurs de l’économie saoudienne.
Le gouvernement poursuit sa politique de réforme pour accorder une place plus large au secteur privé national ou international. Après la privatisation réussie de 30% de Saudi Telecom Company, d’autres privatisations devraient intervenir, à court terme, dans le secteur de la banque, des assurances, de la production d’eau et d’électricité, de la gestion de ces réseaux, de la téléphonie mobile. Des partenariats avec des entreprises étrangères, dont des entreprises françaises, vont se nouer pour faire face aux besoins de développement du pays dans de nombreux domaines.
Cette modernisation de l’économie, motivée par le besoin de créer des emplois pour une population très jeune et en forte croissance, va être amplifiée par l’accession, que l’on peut penser prochaine, de l’Arabie à l’OMC. Dans le même temps, les relations commerciales avec l’Union européenne pourraient être renforcées grâce à la signature d’un accord de libre-échange entre l’UE et le Conseil de Coopération du Golfe.
La France est le seul grand pays européen a avoir un déficit commercial structurel avec l’Arabie saoudite (13e déficit en 2002 et 2003), les Britanniques et les Allemands dégageant de confortables excédents. L’Arabie est notre troisième fournisseur de pétrole et sa part dans nos achats ne devrait que croître compte tenu de la déplétion des réserves de la Mer du Nord. Ses exportations de produits dérivés du pétrole devraient aussi augmenter dans les années à venir.
En période longue, nos exportations progressent en valeur absolue mais perdent régulièrement des parts de marché. L’appréciation de l’Euro semble avoir été plus pénalisante pour nos exportateurs que pour leurs concurrents (allemands en particulier, dont la part de marché progresse rapidement).
L’excellente  image de notre pays, la bonne image de nos produits ne contrebalancent pas la perception mitigée qu’ont les Saoudiens de nos entreprises : pas assez agressives sur un marché qu’elles croient, à tort, totalement dominé par les américains.
Les relations économiques et commerciales entre les deux pays ont donc une importante marge de progression.
La France peut toutefois se réjouir de très beaux succès en Arabie : Banque Saudi Fransi (participation CALYON) est la 5ème banque du pays ;  le succès de Danone, associé à AL SAFI, est exemplaire ; Schneider Electric connaît dans ce pays un de ses plus forts taux de croissance du monde ; TOTAL va participer à l’ouverture de l’amont gazier en association  avec SHELL et SAUDI ARAMCO ; EADS et ALCATEL ont vendu deux nouveaux satellites à ARABSAT (dont le royaume est le premier actionnaire) ; ALSTOM vient de remporter un nouveau contrat de plus de 800 millions d’euros qui fait de lui un partenaire majeur de l’Arabie dans le domaine de la production d’électricité ; THALES est implantée depuis des décennies dans les domaines civils et militaires ; SYSTRA et SNCF International sont retenues pour les études des grands projets ferroviaires du pays. Dans le domaine de la distribution l’implantation (sous forme de franchise) d’enseignes françaises (Géant et bientôt Carrefour) devrait également dynamiser les exportations de certaines de nos PME.  
De nouveaux projets dans de nombreux domaines vont encore renforcer la présence de la France dans ce pays et donner davantage de contenu  économique au « partenariat stratégique » établi en 1996 par le Président Chirac et le Prince Abdallah. L’accord de protection et d’encouragement réciproque des investissements donne un cadre favorable au développement des relations économiques et financières entre les deux pays.
Les turbulences que traversent la région ne semblent pas devoir, à ce stade, remettre en cause les bonnes perspectives économiques du pays. La situation économique très favorable dont jouit actuellement l’Arabie, la multiplication de ses projets d’infrastructures et industriels, l’envie qu’ont les entrepreneurs saoudiens de travailler davantage avec leurs homologues français devraient donc permettre de donner un nouvel essor aux relations entre les deux pays.

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