La lettre diplomatique

Article – Ethiopie
La Lettre Diplomatique N°82 – Deuxième trimestre 2008

L’Amharique à l’Institut national des langues et civilisations orientales

Par Mme Delombera Negga, Maître de conférences en langue et linguistique amhariques à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

Créé en 1795, l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)* est le seul établissement universitaire où sont enseignées plus de quatre-vingt-dix langues des cinq continents. Parmi elles, figure l’amharique, proposé dès 1898 dans un contexte de bonnes relations entre la France et l’Ethiopie de cette fin du XIXème siècle.
L’amharique fut ainsi l’une des toutes premières langues africaines à être enseignées en France. Parlé par une grande majorité d’Ethiopiens (environ 70 millions d’habitants) en tant que langue maternelle, langue seconde ou véhiculaire, l’amharique est la langue de l’enseignement, de l’administration, des lois et actes officiels, des médias. Il est riche d’une littérature variée, populaire et savante, dont les plus anciens témoignages remontent au XIIIème siècle. Aujourd’hui, tous les genres y sont représentés : poésie, chanson, essai, roman, nouvelle, théâtre, etc. Un grand nombre d’ouvrages nouveaux sont imprimés chaque année dans le pays.
Dispensé au sein du département Afrique, son enseignement comprend des cours de langue et de civilisation. Il peut être complété par une initiation à la langue tigrigna, parlée à la fois dans le nord de l’Ethiopie et en Erythrée. Chacune de ces deux langues s’écrit au moyen du syllabaire guèze (ou « éthiopien classique »), augmenté de quelques caractères nécessaires aux besoins spécifiques de l’une et de l’autre.
Les étudiants d’amharique ont la possibilité de préparer un diplôme propre à l’INALCO, allant du certificat en un an au diplôme avancé de langue en trois ans, ou des diplômes nationaux comme la licence, le master et le doctorat. Dans les cours, l’accent est mis sur la connaissance de la langue amharique, la maîtrise de son écriture, de sa grammaire et de sa pratique orale, mais aussi de l’histoire et de la culture du pays et de la région. Le cursus comprend également des enseignements de linguistique, de littérature orale, d’histoire, d’ethnologie et de géopolitique, entre autres.
En ce qui concerne la recherche, les thèses de doctorat soutenues dans le cadre des études éthiopiennes portent sur l’histoire politique, culturelle et religieuse, ainsi que sur la linguistique et la littérature amhariques. Des colloques, des journées d’études et des conférences sont organisés régulièrement depuis plus de vingt ans, dont les actes sont publiés avec le concours de l’INALCO et du CNRS. Signalons le dernier événement en date (31 janvier 2008), une journée d’études regroupant les récents travaux des enseignants de la section et des étudiants en master et en doctorat.
Soutien indispensable à la recherche, la Bibliothèque des Langues orientales met à la disposition des étudiants, enseignants et chercheurs, un fonds de documents éthiopiens qui regroupe des incunables rares et un grand nombre d’ouvrages imprimés principalement en amharique, en guèze et en tigrigna. Ce fonds, initialement constitué par des dons d’enseignants et d’étudiants, a bénéficié après la seconde guerre mondiale et surtout dans les années 1960, d’une politique d’acquisition qui a coïncidé avec une période d’essor de la production et de la diffusion éditoriales en Ethiopie.
Les étudiants d’amharique sont, par ailleurs, régulièrement informés des publications scientifiques portant sur les pays de la Corne de l’Afrique, ainsi que des calendriers de colloques et de conférences, grâce au Bulletin de l’Association pour la Recherche scientifique en Afrique de l’Est (Aresae) et le Bulletin de l’Association des anciens élèves de l’INALCO (Orients). Ceux d’entre eux qui se rendent en Ethiopie pour un séjour linguistique, des enquêtes de terrain, ou encore pour rédiger leur mémoire de thèse sur place, ont la possibilité d’être accueillis par le Centre français d’Etudes éthiopiennes (CFEE) à Addis-Abeba qui est à même de leur apporter le soutien logistique.
Depuis plus d’un siècle, l’enseignement de l’amharique s’est poursuivi sans interruption, grâce à la qualité et à la personnalité d’enseignants tels que Casimir Mondon-Vidalhet, Marcel Cohen, Joseph Tubiana, Makonnen Argaw et Michel Perret qui ont grandement contribué à son développement.

* Langues’O 1795-1995. Deux siècles d’histoire de l’Ecole des langues orientales, Paris, éditions Hervas, 1995, 477 p.


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