La lettre diplomatique

Article – Ethiopie
La Lettre Diplomatique N°82 – Deuxième trimestre 2008

L’Ethiopie, un futur grand producteur africain d’hydroélectricité

Par M. Michel de Vivo, Secrétaire général de la Commission internationale des Grands Barrages (CIGB)

L’Ethiopie a rejoint en 2006 la Commission Internationale des Grands Barrages (voir encadré), devenant ainsi le 88ème pays membre de cette organisation qui fête cette année son quatre-vingtième anniversaire.
Ce pays de la Corne de l’Afrique a une relation étroite avec l’hydroélectricité puisque l’essentiel de sa capacité de production électrique est basée sur elle (700 MW sur 800), le reste étant apporté essentiellement par des génératrices au fioul. Le potentiel hydroélectrique éthiopien est immense, grâce aux rivières qui dévalent des hauts-plateaux et qui représentent 85% de l’eau qui coule dans le Nil égyptien. Le ministère des Ressources hydrauliques estime qu’il s’élève à plus de 38 000 MW de puissance installée, l’équivalent de vingt-trois réacteurs nucléaires EPR. Cela représenterait 160 000 GWh par an. Ce potentiel commence à être réalisé, avec notamment trois grands projets proches de leur aboutissement.
Le barrage de Tekeze, 185 mètres de haut, va générer à lui seul 225 MW et permettre l’irrigation des terres asséchées du Nord, où l’on pourra donc cultiver davantage de café. Construit avec l’aide des Chinois, il devrait être achevé en 2009. Le barrage de Gilbel Gibe, extension d’un petit barrage existant, devrait lui ajouter 420 MW à la capacité de production éthiopienne. Enfin, le projet de Belesse (235 MW), développé par une compagnie italienne, devrait être terminé en 2010. Il permettra d’alimenter en eau potable la région ainsi que d’irriguer les cultures.
Au total, la capacité éthiopienne va donc augmenter de 1 155 MW, soit 240% ! Actuellement, seuls 15% des Ethiopiens ont accès à l’électricité, mais ce pourcentage devrait monter à 20% en 2012, grâce aux projets en cours. L’Ethiopie compte aussi utiliser ces projets pour vendre de l’électricité à ses voisins : Soudan, mais aussi Djibouti et Kenya. Le Soudan s’est engagé à acheter une capacité de 200 MW, qui remplacera ses centrales diesel, coûteuses et polluantes. Double bénéfice donc : diminution des émissions de gaz à effet de serre soudanaises et amélioration du revenu éthiopien disponible pour les projets de développement.
A plus long terme, le gigantesque barrage de Kara Dobe, un projet conjoint avec le Soudan et l’Egypte, permettrait de générer 1 000 MW supplémentaires. Un accord signé en 2001 par les trois pays prévoit de construire une série
de barrages dans la Province d’Oromia, dont Kara Dobe serait le premier. Il s’agirait du plus gros complexe hydroélectrique éthiopien.
La CIGB a consacré ces dernières années des efforts importants pour construire une capacité de formation pour les pays en développement. Avec son adhésion à la CIGB, l’Ethiopie pourra disposer d’un espace de formation et de contact, notamment pour améliorer la maintenance des barrages existants. Les ingénieurs éthiopiens pourront également contribuer à l’amélioration des connaissances dans le domaine des barrages en zone aride.

CIGB-ICOLD
La Commission Internationale des Grands Barrages (CIGB) est une organisation de professionnels fondée en 1928 et composée de 88 pays membres. Sa mission consiste à faire progresser le savoir mondial dans la conception, la construction, l’exploitation et la sécurité des barrages. Elle s’occupe aussi activement des aspects sociaux et environnementaux du développement des grands barrages, ainsi que de la gestion des ressources en eau pour répondre à la demande mondiale.
Forum d’échange de savoir et d’expérience, la CIGB organise tous les ans une réunion dans un pays chaque fois différent. Un congrès technique a lieu tous les trois ans. C’est près d’un siècle de connaissance technique que la CIGB recueille, à la recherche permanente du progrès avec ses 23 comités techniques et ses 500 experts.


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