Des entreprises françaises solidement implantées en Roumanie
Sortie d’une décennie de rattrapage économique marquée par des vagues de forte récession, la Roumanie a atteint ces dernières années des rythmes de croissance record. Nombre d’entreprises françaises ont accompagné l’ouverture de l’économie roumaine, en particulier depuis l’envolée des investissements étrangers en 2004. Les quatre plus importantes, Renault, Société Générale, Orange et GDF, réalisent un chiffre d’affaires dépassant un milliard d’euros.
Avec l’entrée de la Roumanie au sein de l’Union européenne, l’intérêt des entrepreneurs français pour le marché roumain s’est renforcé et devrait demeurer soutenu pendant de longues années. « La Roumanie demeure une opportunité d’affaires à l’horizon 2014 » a estimé Pierre-Antoine Gailly, président de l’UCCIFE, lors du Comité consultatif régional pour les Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO) qui se tenait pour la première fois à Bucarest fin janvier 2008. « Avec une croissance de 6-7% par an » précise-t-il, « la Roumanie est un pays avec un puissant potentiel de drainage des investissements étrangers, en général, et des investissements français, en particulier ».
La main d’œuvre roumaine bon marché a toujours représenté en ce sens un atout incontestable : avec un coût horaire de 2,68 euros en 2006, la Roumanie figure parmi les pays les moins chers de l’UE, selon l’Office européen des statistiques (Eurostat), bien en dessous de la moyenne des 27 de 20,35 euros et loin derrière la Suède (32,16 euros) ou la France (30,31 euros). Sa compétence également, puisqu’elle bénéficie de l’héritage d’une tradition industrielle bien ancrée. La fin de ce mythe pour les investisseurs étrangers a-t-elle sonné avec la grève de l’usine Dacia de Pitesti ce printemps ? En tous les cas les signes d’un rattrapage économique accéléré sont aujourd’hui bien visibles. La hausse des salaires de la main d’œuvre roumaine spécialisée serait la deuxième la plus forte de l’UE en 2007, tandis que les prix des terrains ou des immeubles ont connu, avec la perspective d’adhésion à l'UE, une croissance moyenne de l'ordre de 30% en 2006 dans l’ensemble du pays et en particulier dans les zones touristiques.
Cet emballement des prix de l’immobilier traduit un décalage entre l’offre et la demande. A Bucarest où vivent deux millions de Roumains, le besoin de logement est estimé à 200 000 nouvelles habitations. Bouygues Construction compte bien en profiter en investissant 35 à 40 millions d’euros pour la construction de deux bâtiments comprenant 500 appartements sur un terrain de 14 000 m2 situé dans le quartier de Ghencea, à l’ouest de la capitale. En 2007, le volume total des investissements immobiliers a atteint le niveau record de 2,2 milliards d’euros.
La hausse spectaculaire enregistrée par le marché roumain du bâtiment a également entraîné un développement sans précédent de l’industrie des matériaux de construction. Lafarge, par exemple, prévoit une hausse de 20% de son chiffre d’affaires en 2008, grâce à la forte demande de matériaux de construction qui atteint près de 10 millions de tonnes en 2007. Le cimentier français a ainsi récemment annoncé qu’il investirait 58 millions d’euros pour augmenter de plus d’un million de tonnes sa capacité de production de ciment dans ses trois usines roumaines d’ici la fin de l’année. La croissance économique du pays au premier semestre 2008, plus forte qu’à la même période en 2007 (7,4% contre 6%) est d’ailleurs impulsée par le secteur de la construction.
En fait, la Roumanie offre aujourd’hui l’image d’un pays en pleine rénovation. La plupart des grandes villes ont engagé de vastes chantiers pour agrandir leurs espaces résidentiels et pour développer leurs parcs de bureaux. La multiplication des centres commerciaux bouleverse également le paysage roumain. Avec une vingtaine de nouveaux projets, leur nombre devrait doubler en 2008. La Roumanie ne comptait que deux hypermarchés en 2002. Les groupes français de la grande distribution sont en première ligne dans ce secteur. Carrefour qui a ouvert sept hypermarchés depuis son implantation en 2001, compterait ainsi en ouvrir six autres, moyennant un investissement de 150 millions d’euros. Il a également conforté sa position sur le marché roumain en acquérant la chaîne locale de supermarchés Artima pour 55 millions d’euros, soit 21 000 m2 de surface de vente supplémentaire, qu’il entend re-styliser sous la marque Carrefour Express. Arrivé plus tardivement, en 2006, le groupe Auchan a investi 300 millions d’euros dans cinq magasins, dont un dans le quartier de Titan de Bucarest. Il compte ouvrir deux nouveaux hypermarchés à Bucarest et à Suceava en 2008.
Dans un pays qui peut se targuer d’avoir l’une des croissances les plus rapide de l’UE, les flux d’investissements français ne devraient pas se tarir. Le directeur général de la Chambre de commerce de Sibiu, Eugen Iordanescu anticipe ainsi « une deuxième vague d’investissements français à Sibiu » portée notamment par les fournisseurs de l’industrie automobile. Déjà en janvier 2007, Faurecia avait annoncé une prise de participation de 50% dans la société roumaine Euro APS et pris le contrôle opérationnel de la joint venture qu’il détient avec le croate AD Plastik.
Avec un stock d’investissements de près de 5 milliards d’euros, la France est l’un des tout premiers investisseurs en Roumanie. Quelques 5 000 entreprises à capitaux français emploient 90 000 Roumains. Cette forte présence doit aujourd’hui pour beaucoup à l’engouement que le marché roumain a suscité auprès des grands groupes hexagonaux dès la chute du régime communiste. Alcatel s’est implanté à Timisoara dès 1991. Quinze ans plus tard sa filiale roumaine est devenue un centre névralgique du groupe de télécommunications en Europe centrale. Au moment des premières privatisations, à la fin des années 1990, la défiance prévalait encore à l’égard de la Roumanie. Pourtant, les entrepreneurs français ont su anticiper l’expansion de ce marché. La BRD-Société Générale est aujourd’hui la deuxième banque du pays et la seule banque française sur ce marché. Avec 700 agences, elle est présente dans tous les secteurs d’activité et aspire désormais à dépasser les 19% de parts de marché qu’elle détient actuellement auprès des particuliers et des entreprises. Patrick Gellin, Président Directeur général de la BRD Société Générale, souligne d’ailleurs que « les entreprises françaises cherchent une rentabilité sur le long terme. Renault par exemple, a attendu plusieurs années avant de faire des bénéfices. »1 L’investissement d’envergure et sur le long terme qu’a réalisé le constructeur automobile français en Roumanie a d’ailleurs été salué par le Premier ministre Calin Popescu-Tariceanu lors de l’inauguration en mai dernier d’un site Renault-Dacia de production de boîtes de vitesse de haute technologie à Mioveni. « Lorsque Ford est venu en Roumanie, il a jeté le gant, s’engageant à 675 millions d’euros d’investissements. Renault relève le gant très légèrement parce que ses investissements prévus pour les trois années [à venir] viendront s’ajouter aux investissements déjà considérables qui ont dépassé, à ce que je sache, le chiffre actuel d’un milliard d’euros ».
Cette forte implantation française a participé à la résurrection de l’industrie automobile roumaine, avec d’autres groupes dans les branches en amont ou en aval, comme le fabricant de pneus français Michelin qui a investi plus de 220 millions d’euros depuis l’acquisition en 2001 du site de Victoria Floresti, dans le département de Prahova (dans le sud du pays). D’ici 2010, sa capacité de production devrait être multipliée par deux et dépasser 8 millions d’unités. La production actuelle de 4 millions d’unités est destinée pour 14% à équiper les Logan et le reste à l’exportation. Ces investissements ont également permis de procéder à une transformation technologique de l’usine, permettant d’élargir la gamme de production aux pneus de grandes tailles, (le diamètre de 15 inches représentant désormais 50% de la production).
Mais les regards des entreprises se tournent surtout aujourd’hui vers la manne des fonds structurels européens et les opportunités d’investissements qu’elle ouvre. Pour la période 2007-2013, la Roumanie devrait en effet recevoir 22 milliards d’euros, hors développement rural. Le programme de modernisation des infrastructures routières du gouvernement roumain se révèle particulièrement attrayant pour des sociétés déjà leaders sur le marché européen. Colas a ainsi remporté son premier grand chantier de génie civil en Roumanie en avril dernier, d’un montant de 40 millions d’euros. Les travaux pour la construction d’une voie de contournement de la ville de Suceava, au nord du pays, ont débuté en juin et doivent être achevés d’ici 2011. Colas fait également partie des 12 entreprises pré-qualifiées pour la construction de l’autoroute Cernavoda-Constanta, projet d’une valeur de 400 millions d’euros dont une partie est financé par un prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI), dont l’attribution sera dévoilée en août.
Dans le sillage des efforts de modernisation des infrastructures roumaines, de grands projets se profilent également, dans lesquels les opérateurs français veulent jouer leur va-tout. Dans le domaine des transports ferroviaires, un projet d’envergure est ainsi en discussion au plus haut niveau du gouvernement, pour prolonger la ligne de TGV Vienne-Budapest jusqu’à Bucarest et Constanta. Dans le secteur de l’énergie, thème majeur de la coopération impulsée entre les deux pays, Areva est également sur les rangs pour la construction d’une deuxième centrale nucléaire d’ici une vingtaine d’année. Autant de projets qui, s’ils ne sont pas acquis aux entreprises françaises, s’engagent dans le contexte d’un dialogue renforcé entre les autorités des deux pays, placé sous le sceau du partenariat stratégique scellé par les présidents Sarkozy et Basescu. C.H.
1 – BBW, Claudia Ariton, 6/07/2007.
Renault : une présence durable en Roumanie
En acquérant 51% du capital de Dacia en 1999, le groupe Renault s’est lancé dans une étape qui s’est avérée cruciale pour son développement. Fin 2002, Renault avait déjà investi 300 millions d’euros, spécialement pour la modernisation de l’usine et le développement du réseau commercial. En 2004, la célèbre Logan sort des chaînes de montage de Pitesti, au nord-ouest de Bucarest. Quatre ans après son lancement, la « voiture à 5 000 euros » tient ses promesses, avec un million de véhicules vendus dans le monde et une vente sur cinq du groupe. Malgré le conflit social qui a paralysé l’usine pendant trois semaines en avril 2008, le constructeur automobile a investi 100 millions d’euros pour porter la capacité de production à 300 000 Logan contre 223 000 en 2007. En 2009, elle devrait atteindre 400 000 véhicules. Parallèlement, Renault compte doubler les effectifs de son centre technique qui deviendra avec près de 3 000 ingénieurs, le plus grand centre d’ingénierie du groupe après le technocentre de Guyancourt en France et qui sera doté d’un centre d’essai en 2009.