La lettre diplomatique

Article – Mongolie
La Lettre Diplomatique N°81 – Premier trimestre 2008

La Mongolie à l’histoire prestigieuse et à la vaste biodiversité

Dans son ouvrage consacré à la Mongolie, Jacqueline Thevenet1 tient à apporter quelques précisions terminologiques tant il est vrai que le langage courant tend parfois à confondre des termes par nature différente. Le Mongol, substantif ou adjectif étant le seul correct aux côtés de mongolique, expression d’origine ancienne, guère employée que dans l’expression une « tâche mongolique », mongoloïde, aux traits physiques proches des Mongols, comme les Inuits et les Amérindiens, mongilisant, personne versée dans l’étude des langues et des civilisations mongoles, alors que Moghol et Grand Moghol fut le nom donné en Occident à une dynastie de princes turcs originaires d’Asie centrale. Au cours de l’histoire, maintes ethnies ont peuplé le territoire de l’actuelle Mongolie. La plupart étaient nomades et formaient des confédérations plus ou moins puissantes dont les héritages persistent dans les formations politiques actuelles, sachant que 30% de la population du pays a sauvegardé son mode de vie nomade. C’est pour se protéger contre les incursions des Xiongnu, apparus vers 245 avant l’ère chrétienne, que fut édifiée la Grande Muraille de Chine. Au XIIIème siècle, Temudjin unifia les tribus mongoles et fut proclamé par les siens Tchinggis khaan, soit grand khan, empereur universel, ou Gengis Khan, nom sous lequel il est connu dans l’histoire. L’« aigle aux yeux d’or »2 forgea le plus vaste empire de tous les temps s’étendant des rivages du Pacifique jusqu’à la Thrace. Puis, quelques siècles plus tard le territoire mongol fut envahi à la fin du XVIIème siècle par l’Empire russe qui annexa le nord du pays, la région du lac Baïkal. La mort du dernier Bogdo Gegen (« Bouddha vivant ») permit au gouvernement provisoire de proclamer la République populaire de Mongolie, deuxième pays communiste du monde le 26 novembre 1924. Ourga fut renommée Oulan-Bator, (qui signifie le « Héros rouge »). Elle subsista, sous l’égide de l’Union soviétique, jusqu’à la proclamation de la République de Mongolie. Si la majorité des citoyens (85%) sont d’origine mongole et parlent le khalkha, il y a également des minorités kazakhes (7%) qui se trouvent essentiellement dans la haute chaîne de l’Altaï aux sommets culminant à plus de 4 300 mètres, 4,6% de Toungouses et 3,4% d’autres ethnies, dont les Touvains ainsi que des Russes et des Chinois. Parmi les Mongols eux-mêmes, on distingue environ 25 ethnies différentes.
Ne faisant pas partie formellement de l’Asie centrale, la Mongolie n’en occupe pas moins une position charnière dans l’Asie du centre, à la croisée des cinq grands écosystèmes asiatiques. La steppe herbeuse au centre, qui occupe 20% de la superficie du pays, partie la plus fertile du pays avec les monts Khangaï, dont l’espèce reine est l’armoise odorifante ; le désert et la steppe désertique du Gobi, domaine d’élection du chameau de Bactriane ; puis les hautes montagnes et les milieux alpins avec la steppe semi-boisée ; et, au nord, la taïga, couverte de vastes forêts denses de mélèzes et de pins où l’on trouve des edelweiss, des ancolies, des matricaires…Grâce à la diversité de ses régions, la Mongolie abrite une importante quantité d’espèces qui retiennent l’attention par leur adaptation et leur rareté à l’échelle mondiale. Tel est le cas du chameau sauvage de Bactriane (voir page 117), de l’hémione (espèce d’âne sauvage), le mazaalai (l’ours de Gobi), la panthère des neiges, le saïga et le cheval de Prjevalski qui a fait le délice de générations de cavaliers.
La principale religion de la Mongolie est le bouddhisme tibétain, une forme distinctive de Vajrayana qui regroupe à peu près la moitié de la population, le reste se répartissant entre athées, chamanistes (6%) ou chrétiens et musulmans (4%) en particulier chez les Kazakhs. Depuis les années 1990, on a assisté à la résurgence des pratiques lamaïstes, ce qui a permis la restauration de certains monastères et l’instauration d’écoles monastiques.
Fort légitimement les autorités nationales, en coopération avec l’UNESCO ont cherché à tirer parti de ce riche passé. C’est dans le cadre des projets des « Routes de la soie », des «  Routes de la steppe d’Asie centrale (1991) et de l’expédition de l’UNESCO le long de la route nomade de Mongolie, qu’a été créée à Oulan-Bator, en 1998, l’Institut international d’étude des civilisations nomades (IISNC). Ses quatre membres fondateurs, le Kazakhstan, le Kirghizstan la Mongolie et la Turquie ont entrepris avec une pléiade d’institutions associées un programme de recherches sur l’interaction entre populations nomades et sédentaires, le dialogue des civilisations, la place du nomadisme dans la globalisation. Le professeur de langue mongole Jacques Legrand, est actuellement le Président de l’INALCO de Paris. Parmi les principaux sites de la Mongolie figure au premier rang celui de l’Orkhon, en passe d’être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité. Cette vallée couvre une vaste zone de pâturages sur les deux rives de l’Orkhon et comprend de nombreux vestiges archéologiques datant du VIème siècle, notamment Karakorum, capitale mongole aux XIIIème et XIVème siècles qui accueille chaque année le Naadam, festival qui occupe une place importante dans l’histoire de l’Asie centrale. Il célèbre chaque juillet, l’indépendance de la Mongolie par rapport à la Chine et se compose de sports traditionnels mongols, comme le tir à l’arc, la course de chevaux et la lutte mongole.
L’extension du bouddhisme ne s’est pas opposée aux anciennes pratiques ancestrales spirituelles des Mongols, le tengriism et le chamanisme. L’invocation de Tengri, le « grand ciel bleu » reste encore aujourd’hui prégnante dans les moindres gestes quotidiens. On en trouve le symbole dans le drapeau national dans lequel le « soyombo », symbole de liberté et d’indépendance fait référence en partie au soleil, à la lune, aux flammes, aux poissons et à l’eau, au dedans et au dehors, au masculin et au féminin, et qui présente certaines analogies avec le yin et le yang. Pour de larges portions de la population, les arbres, les montagnes, les animaux, revêtent un caractère sacré. Les multiples symboliques de la forme et de la couleur sont aussi largement respectées. S’il est une chose dont les visiteurs de la Mongolie s’enthousiasment dès qu’ils mettent le pied sur le sol du pays, c’est la yourte, « gher » en mongole, remarque Jacqueline Thevenet. La yourte apparaît comme un espace sacré de symboliques, dont la porte d’entrée est toujours orientée au Sud. On y pénètre par le pied droit sans toucher le seuil et par la gauche. Le foyer se trouve au centre et les provisions à droite. Voir dresser une yourte est pour un Occidental, poursuit Jacqueline Thevenet, un sujet d’étonnement et d’émerveillement, car en moins de deux heures tout est en place et habitable. Or il ne s’agit pas d’un simple déménagement mais de l’érection d’une nouvelle demeure, apportée en pièces détachées du campement précédent.
Aussi le tourisme se développe-t-il dans le pays ; il attire encore un nombre restreint de visiteurs, mais représente déjà 10% des recettes du pays. P.B.


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