Varsovie met le cap sur la libéralisation de l’économie
Fort d’un marché de 40 millions d’habitants, la Pologne s’affiche parmi les économies les plus dynamiques d’Europe. Nourrie par la demande interne et les investissements, la croissance s’est élevée à 6,2% en 2006 puis à 6,5% en 2007. Si les prévisions tablent sur un léger ralentissement en 2008, le lancement des projets économiques du nouveau gouvernement devrait contribuer à maintenir une activité soutenue et ouvrir de nouvelles opportunités aux entrepreneurs français.
Elu en octobre 2007, le Premier ministre Donald Tusk a érigé durant sa campagne électorale l’Irlande en modèle de développement. Si la rupture annoncée devrait se traduire par une politique plus prudente dans les faits, il ne compte pas moins remettre l’économie au centre des préoccupations du gouvernement. Ses priorités se portent sur la réduction de la dette et du déficit publics, une réformes fiscale prévoyant notamment la suppression de l’impôt sur les placements bancaires dès 2009, une réforme de l’administration et l’adoption de l’euro à l’horizon 2012. Il doit en outre faire face à la pénurie de main d’œuvre sur le marché du travail et aux pressions inflationnistes.
Pour mettre en œuvre un programme se voulant résolument libéral, le gouvernement pourra s’appuyer au cours de son mandat sur deux principaux leviers d’action : les fonds structurels européens et l’attractivité du marché polonais. Pour la période 2007-2013, la Pologne recevra en effet 85 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 22 milliards d’euros acquis au titre du fonds de cohésion et 14 milliards d’euros au titre de la politique agricole commune (PAC). L’utilisation de ces fonds devrait servir à renforcer les infrastructures, le réseau de transport, mais aussi les capacités de main d’œuvre et la politique environnementale et sociale. Le secteur des infrastructures autoroutières devrait également bénéficier du lancement de grands projets dans la perspective de la Coupe d’Europe de football co-organisée avec l’Ukraine en 2012. Ce secteur devrait d’ailleurs recevoir un tiers des investissements prévus pour préparer cet événement, d’ores et déjà estimés à 23 milliards d’euros.
Les fonds européens et les préparatifs de l’Eurofoot devraient pleinement bénéficier au développement des régions. De ce point de vue, l’un des principaux défis qui attend le gouvernement consiste à favoriser les coopérations intercommunales que le principe d’autonomie des communes rendait peu efficace. Le Premier ministre Donald Tusk semble d’ailleurs avoir confirmé le maintien de la politique de redistribution en faveur du développement régional qui prévaut en Pologne depuis le début de la transition économique. Celle-ci a permis de faire émerger un réseau de grandes villes relativement dense et bien réparti sur le territoire, à l’exception des régions de l’Est (voir carte). Mais il s’agit désormais de faire profiter les régions du rayonnement des pôles urbains pour réduire les fractures de développement entre villes et campagnes, ainsi qu’entre l’Ouest et l’Est du pays.
Katowice, Poznan ou Lodz sont en effet devenues des atouts majeurs du pays pour attirer les investissements étrangers. Significativement, la Basse-Silésie et sa capitale Wroclaw ont détrôné la Mazovie (voïvodine de Varsovie) comme première destination des investissements étrangers dans le pays en 2006.
En 2007, plus de 13 milliards d’euros ont été investis en Pologne par des entreprises étrangères, selon l’Agence de promotion de l’investissement (PAIIZ), au travers de 57 projets, soit 14 de plus qu’en 2006 et surtout une hausse des capitaux investis de 200 millions d’euros. Au regard des autres pays de la région, l’attractivité de la Pologne se distingue par la quasi absence de privatisations, dont le programme a été gelé durant le mandat du précédent gouvernement. En outre, avec moins d’investissement en green field que les années précédentes, les entreprises étrangères ont plutôt tendance à approfondir leur présence sur le marché polonais à l’instar de l’entreprise française Dalkia. A la faveur d’une offre publique d’achat lancée le 17 décembre 2007, la filiale co-détenue par Veolia Environnement et EDF est ainsi devenue en acquérant 97,9% des parts en février 2008, l’actionnaire majoritaire de la société Praterm, qui produit et distribue de la chaleur en Pologne. Déjà propriétaire de deux des plus gros réseaux de chaleur à Poznan et Lodz, Dalkia étend ainsi son activité à l’ensemble du pays. Praterm est en effet présente dans 21 villes et assure ses services auprès de 520 000 habitants. Autre exemple d’expansion des activités, Carrefour Polska est devenu en juin 2007 le numéro deux de la grande distribution alimentaire en termes de chiffre d’affaires avec l’acquisition d’Ahold Polska.
De nouvelles opportunités devraient également s’ouvrir avec la relance du programme de privatisations, qui devrait susciter un nouvel engouement des investisseurs étrangers pour l’économie polonaise. Différentes études pointent en effet le recul du pays en termes d’attractivité. AT Kerney a notamment rétrogradé la Pologne de la 5ème place à la 22ème place en 2007, en ce qui concerne l’indice de confiance auprès des investisseurs étrangers. Pour la période 2008-2011, le gouvernement envisage de privatiser 740 sociétés selon un plan adopté fin avril dernier. Au nombre des grands projets, figurent l’ouverture du capital de la compagnie aérienne Lot, la vente de 47,8% des parts de la Bourse de Varsovie, ou la privatisation de la banque PKO BP. D’autres projets ambitieux concernent aussi le secteur minier, les transports ou la chimie.
Si la France n’est plus en tête des investisseurs étrangers, les entreprises de l’Hexagone ont durablement marqué le paysage économique polonais. Elles ont en effet pris part jusqu’à présent à la privatisation de 40% des entreprises publiques, créant quelque 175 000 emplois. Trois ans après l’adoption d’un plan d’action commerciale pour la Pologne par le gouvernement français, le nouvel élan que veut insuffler le Premier ministre Donald Tusk à l’économie polonaise peut se révéler prometteur pour le développement des échanges entre les deux pays. C.H.