UE et OTAN, piliers de la sécurité de la Pologne
Entretien avec M. Andrzej Person, Président de la délégation de la Sejm et du Sénat de la République de Pologne auprès de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense (Assemblée de l’UEO)
La Lettre Diplomatique : Monsieur le Président, comment définiriez-vous la stratégie actuelle de la Pologne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières ? D’après vous, quelles sont les menaces qui pourraient affecter la Pologne au cours des dix à vingt prochaines années ?
M. Andrzej Person : La stratégie polonaise de sécurité a été adoptée en novembre 2007 par le Président de la République, sous la dénomination officielle de « stratégie nationale de sécurité de la République de Pologne ». D’après ce document, les principales menaces pour la sécurité de la Pologne dans les années à venir sont :
– les changements démographiques liés à l’émigration des citoyens polonais, la baisse de la croissance démographique et le vieillissement de la population ;
– les écarts croissants de niveau de vie des populations vivant dans différentes régions et la perte de cohésion sociale ;
– l’immigration clandestine ;
– la dépendance de l’économie polonaise d’une seule source d’approvisionnement en pétrole et en gaz ;
– la perspective d’une rupture du processus d’intégration européenne, l’incapacité de l’UE à renforcer une politique étrangère commune, l’affaiblissement des liens euro-atlantiques ;
– l’enracinement de régimes totalitaires sur le continent européen et le durcissement des attitudes de confrontation ;
– le crime international organisé ;
– le terrorisme international organisé ;
– les menaces pour l’environnement.
L.L.D. : La Pologne a engagé la transformation de son armée, dont un tiers des effectifs sont des appelés, en une armée professionnelle entièrement basée sur le volontariat. Comment cette évolution peut-elle influer sur la sécurité actuelle du pays ?
A.P. : La transformation des armées de conscrits en armées professionnelles représente un phénomène général en Europe. La Pologne partage l’avis répandu qu’une armée professionnelle est plus à même de répondre aux exigences technologiques modernes et aux nouveaux défis sécuritaires.
L.L.D. : Le budget actuel de la défense représente 1,95% du PIB, mais étant donné que 20% sont consacrés à la modernisation, pensez-vous que la Pologne aura du mal à suivre le cap et à mettre en œuvre l’Objectif global 2010 de l’UE ?
A.P. : La transformation des forces armées polonaises et la réalisation de l’Objectif global 2010 ne nous semblent pas incompatibles.
L.L.D. : Jusqu’en octobre 2007, la Pologne était nettement en faveur du déploiement d’éléments du bouclier antimissile américain sur son sol. Estimez-vous que cette position a changé quelque peu ? Comment un tel déploiement affectera-t-il les relations de la Pologne non seulement avec la Russie mais aussi avec l’UE ?
A.P. : Nous nous inscrivons en faux contre l’affirmation que la Pologne
« insistait » pour que des éléments du bouclier antimissile américain soient déployés sur son sol. Il serait plus exact de dire que la Pologne était et est prête à accepter le déploiement de ces éléments. Globalement, depuis octobre 2007, la position de la Pologne n’a pas varié sur le fond. Le bouclier antimissile est sensé accroître la sécurité des Etats-Unis. Il a aussi un potentiel pour contribuer à la sécurité de l’Europe. Nous posons comme condition à un tel déploiement qu’il n’ait pas de retombée négative sur la sécurité de la Pologne. Les négociations entre la Pologne et les Etats-Unis sont parvenues à un stade où le respect de cette condition pourra être vérifié d’une manière positive. C’est peut-être ce fait qui est perçu comme un changement de la position de la Pologne ces derniers mois.
L.L.D. : Les relations entre la Pologne et la Russie ont récemment connu certaines tensions, mais le nouveau gouvernement semble vouloir davantage s’engager dans un dialogue politique que son prédécesseur. Comment expliqueriez-vous ce changement ? Comment les relations entre les deux pays sont-elles, selon vous, appelées à évoluer ?
A.P. : Le nouveau gouvernement, en quête d’instruments plus efficaces pour la politique étrangère de la Pologne, semble opter plutôt pour la souplesse que pour une offensive vaine. La Russie profitera peut-être de l’occasion et abandonnera l’argument de la phobie anti-russe des Polonais qu’elle a brandie traditionnellement dans sa politique étrangère, sans grande réussite. En ce qui concerne les relations futures entre la Russie et la Pologne, il est difficile de faire des prévisions en raison des nombreux aléas à prendre en compte, mais l’optimisme est de rigueur.
L.L.D. : La Pologne a fait savoir à maintes reprises que l’OTAN était le principal pilier de sa sécurité. Comment la Pologne compte-t-elle contribuer à l’accroissement du rôle de l’Alliance, notamment dans des missions de maintien de la paix ? Au regard du caractère essentiel que représente également la politique étrangère de sécurité et de défense (PESD) de l’UE, de quelle manière la Pologne entend-elle contribuer aux opérations de l’UE et à l’Objectif global 2010 ?
A.P. : La Pologne a participé jusqu’à aujourd'hui à des missions de l’OTAN « hors zone » comme au Kosovo et en Afghanistan, et continuera en ce sens à l’avenir. Elle continuera également a contribuer à des missions de l’UE comme celles où elle s’est engagée (en Bosnie-Herzégovine, au Congo). Elle prévoit en outre la formation de deux groupements tactiques de l’UE, l’un avec l’Allemagne, la Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie d’ici 2010, et l’autre avec la France et l’Allemagne d’ici 2013.
L.L.D. : De quelle manière la Pologne peut-elle encourager l’innovation technologique de l’industrie européenne de défense par le truchement de structures comme l’Agence européenne de défense ?
A.P. : La Pologne contribue au développement des capacités de l’Europe dans ce domaine en participant à différentes équipes de projet (PT) organisées dans le cadre des six équipes de développement intégrées (IDT) de l’Agence européenne de défense comme sur le renseignement (IDT Inform) avec l’Intellligence PT ; le commandement (IDT Command) avec les équipes Satcom PT, Command Information Systems PT, Command Information Assurance PT, Software Defined Radio PT ; l’engagement (IDT Engage) avec le projet de soldat du futur ou 21st Century Soldier PT ; la protection (IDT Protect) avec les équipes Chemical, Biological, Radiological, Nuclear Explosives, Ordnance Disposal PT, CBRN Detection, Identification and Monitoring PT, Maritime Surveillance PT ; le déploiement (IDT Deploy) avec Strategic Transportation PT ; l’assistance avec Medical PT (IDT Sustain). Elle compte également participer à de nouvelles initiatives comme celle de Camp Protection PT (IDT Protect).