La lettre diplomatique

Article – Hongrie
La Lettre Diplomatique N°61 – Premier trimestre 2003

Perspectives et actions européennes

Par M. Péter BALÁZS,
Secrétaire d’Etat hongrois aux Affaires étrangères, membre de la Commisssion des Affaires étrangères de la Convention sur l’avenir de l’Europe

Le tournant fondamental qui a commencé en Hongrie vers la fin des années 1980 par le changement du système politique et économique s’achèvera par l’adhésion à l’Union européenne. Au total huit états de l’Europe centrale et orientale suivent cette voie à l’heure actuelle. Le processus qui aboutira en l’an 2004 à l’élargissement de l’UE était court et extrêmement rapide si l’on considère sa portée historique. Pourtant la même période pourrait sembler trop longue pour les nouveaux États-membres de l’Union. La Hongrie a particulièrement ressenti le « ralentissement politique » qui avait précédé l’élargissement. Ce pays avait soulevé le premier, dès les années 1980, l’idée de son adhésion aux structures «euro-atlantiques». Elle a aussi soumis, avant tous les autres candidats, sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 1er avril 1994, suivi par la Pologne huit jours plus tard (les autres candidats se présentant au cours des années 1995 et 1996). Ces deux pays avaient donc attendu quatre ans avant de pouvoir commencer les négociations d’entrée à l’UE en mars 1998.
Les négociations sur l’élargissement de l’Union européenne vers l’Est et le Sud ont duré presque cinq ans. Pendant les derniers mois et semaines, vers la fin de l’an 2002 des sujets de plus en plus durs ont été portés à l’ordre du jour. Le 13 décembre 2002 à Copenhague, au cours des dernières heures, les parties se sont concentrées sur quelques éléments des transferts financiers. Le marchandage qui clôtura les négociations ne fut vraiment pas à la hauteur de l’importance de l’évènement historique. En cette heure solennelle, les chefs de gouvernement des 25 États-membres de la future Union européenne élargie et des trois pays candidats, notamment la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie auraient dû partager leurs visions sur le futur de l’Europe et du monde.
Depuis lors, des discussions d’une importance croissante à ce sujet ont eu lieu devant le forum de la Convention européenne à Bruxelles. Elles aboutiront probablement au cours de l’année courante ou prochaine à l’ouverture d’une nouvelle conférence intergouvernementale (CIG). La CIG adoptera un Traité constitutionnel dont le texte sera le fruit de la concertation conjointe de 28 États européens, membres et candidats de l’UE. Entre-temps, dans les nouveaux pays membres des référendums devraient confirmer la volonté de leurs peuples d’adhérer à l’Union européenne. La ratification du Traité d’élargissement devrait aussi être accompli dans les 25 États et au Parlement européen.
Quel est l’enjeu de la Convention européenne avec cette toile de fond ? Et plus particulièrement, quelle est son importance pour les nouveaux venus de l’intégration européenne ? Ces pays ont l’espoir de devenir membres d’une organisation respectueuse et dynamique qui gardera – voire renforcera – sa capacité d’action. Pour ce faire, elle devra disposer de compétences larges, d’institutions fortes et de ressources financières adéquates. La Convention est sans doute sur la bonne voie pour trouver des solutions à ces problèmes. Depuis le 6 février, les premiers éléments d’un projet de texte du futur Traité constitutionnel sont sur la table des conventionnels. Le vrai défi serait d’une envergure plus étendue : identifier les valeurs communes qui relient les peuples d’Europe, définir le modèle d’intégration pour la grande Europe au 21ème siècle et de se faire une image de « l’Union européenne en 2010 ». Les valeurs enracinées dans les traditions culturelles et historiques européennes trouveront leur place dans la partie d’introduction du Traité constitutionnel englobant aussi la Charte des droits fondamentaux. Le modèle d’intégration qui assurera l’harmonisation des intérêts des États européens semble prendre la forme d’une structure mixte se composant d’éléments communautaires et intergouvernementaux. L’Union européenne pourra avoir plus de membres en 2010 si elle est capable d’améliorer son efficacité dans les conditions de plus en plus dures de la mondialisation avec 25 États-membres. Elle devra développer une politique très dynamique de bon voisinage avec les trois régions qui l’entourent, notamment la Méditerranée, les Balkans et la Communauté des états indépendants. La compétitivité de la grande Europe dans le monde dépendra largement du succès de la Convention en ce qui concerne la simplification, la transparence et l’efficacité des organes et procédures de l’UE. Les perspectives semblent être lointaines, mais l’action et les réponses sont immédiates. Il faut agir ensemble et vite pour l’avenir commun de notre Europe.

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