Cap « France Tech Russie 2003 »
C’est à Sotchi, sur les rives de la mer Noire, que le Président français Jacques Chirac venu en visite de travail le 19 juillet 2002, a annoncé l’organisation de l’exposition « France Tech Russie 2003 » à Moscou, du 7 au 10 octobre 2003. Qualifiée d’événement clé pour la coopération industrielle et technologique franco-russe par les Premiers ministres russes et français lors de leur rencontre à Toulouse en novembre 2002, cette manifestation est organisée par Ubi France et la Mission économique de Moscou sous le haut patronage du Ministre russe de l’Industrie, de la Science et de la Technologie, M. Ilya Klebanov. Rassemblant 150 à 200 entreprises françaises opérant dans toute une variété de secteurs économiques allant de l’agriculture à l’aérospatial en passant par les transports, les NTIC, les banques et l’environnement, elle a pour ambition de réunir près de 10.000 visiteurs professionnels, médias, ainsi que décideurs politiques et économiques des deux pays, afin de promouvoir le savoir-faire des entrepreneurs français.
Avec près de 400 entreprises installées en Russie en 2003, alors qu’elles n’étaient qu’une centaine au début des années 1990, la France cherche à se tailler une meilleure place dans cet énorme marché où elle reste, avec 4% de part de marché, encore très en retard par rapport aux autres pays occidentaux. Les investisseurs français ont ainsi tenu le choc de la crise financière en honorant d’importants projets d’investissements entrepris avant 1998. Malgré sa déconvenue en 1999, le groupe Renault est revenu en février 2003 sur son projet d’usine d’assemblage de voitures d’Avtoframos (filiale détenue à 62% par le groupe français et à 38% par la Mairie de Moscou). Chères aux vœux du Premier ministre russe, M. Mikhaïl Kassianov, d’autres implantations françaises dans l’industrie mécanique se sont développées avec, notamment, le démarrage prévu pour la fin de l’été 2003 de l’usine de production de laine de verre de la filiale russe du groupe Saint-Gobain (Saint-Gobain Isover Oy). Dans l’agro-alimentaire et la grande distribution, des IDE français (investissements directs étrangers) ont également été réalisés comme l’inauguration en 2003 par Lactalis, premier producteur européen de fromage, de l’usine de production de fromage fondu située à Istra ou encore l’extension des activités d’Auchan qui a ouvert jusqu’à présent trois hypermarchés dont le plus grand de Russie, dans la banlieue nord de Moscou.
Depuis 2000, les milieux d’affaires français manifestent en fait un véritable regain d’intérêt pour la Russie comme en témoigne la multiplication des délégations d’entreprises, de salons professionnels et d’opérations de promotion. Elément significatif, les exportations françaises ont augmenté de plus 76% entre 1999 et 2001 et ont continué leur progression en 2002. Cet engouement bénéficie d’une part de la volonté commune des deux pays de développer la coopération bilatérale autour du partenariat industriel et technologique réaffirmé à l’occasion de la visite officielle du Président russe Vladimir Poutine en France en février 2003. D’autre part, il tient pour beaucoup à l’amélioration de l’environnement économique russe. Depuis son arrivée à la tête de l’Etat, le Président Vladimir Poutine s’est en effet engagé dans une politique réformiste qui a valu à la Russie de se voir attribuer fin 2002 le satisfecit d’« économie de marché » par Bruxelles et Washington. Alors que la crise de 1998 avait fait chuter les entrées de capitaux au point que la Russie s’était retrouvée exportateur net de capitaux, manquant ainsi de ressources financières pour moderniser son économie, celle-ci semble avoir désormais stabilisée sa situation économique. Le PIB a augmenté de 20% en volume depuis 1998 et le niveau de sa production industrielle est revenu à celui de1994. Pour la première fois, au deuxième trimestre 2003, les entrées nettes de capitaux devraient être supérieures aux sorties, en s’élevant à 6 milliards de dollars selon le vice-Président de la banque centrale de Russie, M. Oleg Viouguine. Présentant des fondamentaux macroéconomiques assainis, elle atteint aujourd’hui un niveau de croissance significatif (5% pour les 12 mois en cours, qu’il faut attribuer en partie à l’envolée du prix du pétrole avant la crise irakienne), qu’il reste à maintenir sur le long terme, mais dont le Président russe a pu se prévaloir lors du Sommet du G-8 d’Evian en juin 2003.
En ce qui concerne le cadre des affaires, les réformes ont permis d’alléger la fiscalité dès 2001 et de rendre la législation fiscale plus conforme à la pratique des pays de l’OCDE, pour ce qui est notamment de la déductibilité des charges. Des experts français concluaient en juin 2002 que le risque pour les investisseurs étrangers en Russie était désormais « quantifiable » et que la sécurité des expatriés n’était plus un problème majeur. Les évaluations du risque-Russie ont quant à elles été révisées, notamment par l’OCDE et par des sociétés de consulting tel que la A.T. Kerney qui la place maintenant à la 17ème position (sur les 60 pays qu’elle étudie) et qui prévoit une croissance des investissements directs en Russie en raison de l’attrait potentiel qu’elle suscite. Selon la CNUCED, « avec ses capacités technologiques et les compétences de sa main-d’œuvre, la Russie a en main des atouts appréciables, encore inexploités, pour attitrer des IDE et devenir une plate-forme technique internationale. » De ce point de vue, la British Petroleum semble ouvrir la voie à d’autres IDE en réalisant le plus vaste investissement étranger en Russie depuis 1991 ( 6,5 milliards de dollars) dans un secteur généralement très fermé aux investisseurs étrangers ( l’exploitation des ressources naturelles). Toutefois, « leur attrait durable dépend de la possibilité qu’auront les investisseurs étrangers d’acquérir des participations minoritaires, voire majoritaires dans des entreprises locales. » Les flux d’IDE poursuivent de fait leur décroissance depuis l’an 2000 (ils sont passés de 2,7 milliards à 2,5 milliards de dollars en 2001). En outre, des difficultés subsistent encore d’ordre réglementaire, douanier ou fiscal. Une récente enquête de l’OCDE sur le climat des investissements en Russie faisant valoir les problèmes de transparence et de barrières administratives, conclut que « le cadre juridique et réglementaire est (…) constamment compromis par des défaillances lorsqu’il s’agit d’appliquer et de faire respecter des règles ». Ces problèmes devraient s’estomper avec la poursuite du processus de réforme qui semble avoir marqué une pause à l’approche des prochaines échéances présidentielles, notamment sur le chapitre de la « dé bureaucratisation ». Dans la perspective d’une adhésion à l’OMC, ce processus pourrait connaître une accélération, bien que les modalités d’intégration de l’économie russe dans le commerce international soient encore sujettes à un important débat de fond. Il est incontestable toutefois que la Russie est aujourd’hui devenue un pôle de croissance et un partenaire commercial incontournable. Ch.H.