Snecma mise sur le savoir-faire indien
En mai 2002, le groupe aéronautique et spatial français, Snecma, inaugurait à Bangalore un centre de recherche et développement, Snecma Aerospace India (SAI), animé par 20 ingénieurs indiens. Aujourd’hui, celui-ci en compte 100, atteignant l’objectif fixé lors de sa création. Confirmant sa confiance à l’égard du savoir-faire technique et scientifique indien, la croissance de SAI concrétise la volonté de Snecma de s’insérer plus fortement dans le paysage industriel et technologique de l’Inde.
Entité indépendante, ce centre ne conduit pas de projets complets destinés à être commercialisés, « Snecma voulant rester le gardien de la maîtrise d’œuvre, mais aussi en raison des risques tant en termes commerciaux que de confidentialité » explique Jean-Baptiste Jarin, membre de la direction des Affaires internationales de Snecma. Comparant SAI à un « bureau d’études déporté », il le présente « comme une fraction d’un système», dont les recherches sont partagées entre les différentes sociétés du groupe. Celles-ci sont axées autour de quatre domaines : les logiciels embarqués (système FADEC), l’optimisation de chaîne de codes (XAO), la conception de pièces (CAO) et le calcul scientifique.
Si son objectif à terme est néanmoins d’intéresser des clients de l’industrie aéronautique indienne, la création de SAI vise surtout pour Vincent Gorry, Représentant de Snecma en Inde, à consolider la visibilité du groupe français dans ce pays. Elle vient ainsi renforcer une stratégie de développement qui a conduit Snecma à cultiver une présence de longue date au sein de la communauté scientifique et des milieux industriels indiens ; à « s’implanter durablement dans le tissu local », résume Jean-Baptiste Jarin. SAI répond d’ailleurs aux attentes du gouvernement indien qui cherche à favoriser la production locale, « le made in India », précise Vincent Gorry. Cette stratégie semble en outre porter ses fruits à l’image de la conclusion, en février 2003, d’un protocole d’accord avec Hindustan Aeronautics Ltd (HAL), le leader indien du secteur aéronautique, pour le co-developpement d’un moteur d’hélicoptère qui sera non seulement utilisé pour des hélicoptères indiens mais aussi pour des hélicoptères européens.
De plus, SAI permet à Snecma de démontrer ses capacités de coopération avec l’ingénierie indienne. En dehors de l’obstacle de la langue qui se pose, d’ailleurs, dans les deux sens note Jean-Baptiste Jarin, l’adaptation s’est faite de part et d’autre, côté français aux besoins de la culture industrielle locale, et côté indien, aux objectifs français. Les ingénieurs indiens possédant de loin tout le savoir-faire technique, le transfert de connaissances s’est surtout porté sur le développement de produits, par le biais de stages en France.
Au-delà, Snecma cherche aussi à tirer profit de l’environnement favorable au développement de ses activités de recherche qu’offre Bangalore, « berceau de l’aéronautique indienne ». Pour Vincent Gorry, le choix de Bangalore répond à la volonté du groupe de se rapprocher des technopôles mondiaux de l’industrie aéronautique et spatiale comme il le fit avec l’essor de Toulouse ou de Seattle. Immense vivier de capital humain hautement qualifié, Bangalore est également un cas unique au monde, associant au coût relativement faible de cette main-d’œuvre scientifique, les caractéristiques d’une « silicon valley » avec des infrastructures de télécommunications performantes et une émulation technologique favorisée par les centaines de centres d’excellence qui s’y sont implantés.
Snecma, comme les entreprises françaises en général, a bénéficié des bonnes relations entretenues par l’Inde et la France. L’image positive que cette dernière renvoie aux Indiens doit beaucoup, à cet égard, à son refus d’appliquer l’embargo décrété contre l’Inde par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne après la reprise de ses essais nucléaires en 1998. En plus d’offrir un « marché très ouvert aux Français », Vincent Gorry s’accorde avec Jean-Baptiste Jarin pour considérer avec optimisme l’avenir économique de l’Inde, amenée à devenir de plus en plus attrayante. A leurs yeux, « l’Inde est un marché aussi important que la Chine » pour Snecma, et ce bien que l’Inde ait commencé sa politique d’ouverture plus tard et sur un mode plus prudent. C.H.