La lettre diplomatique

Article – Inde
La Lettre Diplomatique N°64 – Quatrième trimestre 2003

L’Inde affiche de nouvelles promesses

En cinq années consécutives de sécheresse, l’Inde n’avait connu de meilleure mousson que celle qui a inondé ses champs en 2003. Dans un pays où le secteur agricole génère 25% du PIB, cette excellente nouvelle qui laisse présager une hausse de la production agricole de 7,5% pour 2003-20041 , a semé l’enthousiasme et la confiance au sein des milieux économiques indiens, ouvrant de larges perspectives à la reprise économique.
Estimé à plus 7%, le taux de croissance pour 2003 efface la mauvaise performance de 2002 (4,7%), alors que l’inflation est maintenue à son niveau le plus bas, autour de 4-5%. Tiré vers le haut par une balance des services (notamment informatiques) excédentaire, l’excédent de la balance courante de 3,7 milliards de dollars (soit 0,6% du PIB) compense le lourd déficit commercial de 2002 (12,5 milliards de dollars). L’année 2003 se termine en outre avec l’appréciation de la roupie par rapport au dollar et des réserves de devises dépassant les 90 milliards de dollars. L’investissement repart lui aussi à la hausse, notamment l’investissement direct étranger (IDE) qui  atteindrait en 2003 4,8 milliards de dollars, et plus significativement l’investissement de portefeuille2. L’Inde est donc sur les starkings blocks, d’autant qu’elle à de sérieux atouts pour faire son entrée dans la compétition internationale.
Sa grande richesse est, avant tout, d’avoir su ouvrir sa main d’œuvre manufacturière bon marché à un large panel de secteurs d’activités industrielles allant de l’industrie textile à l’industrie spatiale ou à la biotechnologie. En 2001, cinq millions d’étudiants étaient inscrits dans les quelque 8 000 établissements d’enseignement supérieur, dont certains, comme les instituts de gestion, n’ont rien à envier à la réputation internationale des universités américaines ou européennes. Résultat de cette formation massive aux technologies de pointe, l’Inde est devenu le troisième réservoir au monde de main d’œuvre technique et scientifique. Battant toute concurrence en termes de coût du travail pour des capacités d’excellence, celui-ci détourne de plus en plus l’intérêt des firmes multinationales, notamment anglo-saxonnes, vers ces nouvelles « silicon valley » du Sud que sont Bangalore, Chennaï ou Hyderabad. Elles y délocalisent leurs activités de services ou de NTIC, en particulier pour le développement de logiciel.  Selon la société d’étude américaine Gartner, l’Inde serait ainsi en mesure de concurrencer d’ici 2006 les Etats-Unis et l’Europe sur le secteur des technologies de l’information, grâce à la quantité croissante d’activités qui y sont délocalisées. C’est d’ailleurs un des éléments qui différencie la situation indienne de celle que connaissait la Chine au début des années 90, alors en pleine ascension : certains y voient le principal atout de l’Inde sur l’impressionnante montée en puissance de la Chine3.
D’autres observateurs appellent néanmoins à tempérer les excès d’optimisme. L’important chantier de réforme engagé par New Delhi après la crise des paiements de 1991 est en effet encore loin d’être achevé et se trouve même quelque peu ralenti à l’approche des élections nationales de 2004. La privatisation des deux principales compagnies pétrolières annoncée en début d’année 2003 a ainsi été une nouvelle fois retardée. Le gouvernement indien fait face à un déficit budgétaire qui pèse pour 10% sur le PIB tandis que la dette du service public atteint 100% du PIB. Si l’on tient compte des réformes à introduire en matière de fiscalité, d’investissement étranger ou de convertibilité de la roupie, ce sont autant de facteurs qui alourdissent le décollage de l’Inde. Or, on estime que 8% de croissance par an sont nécessaires pour agir efficacement contre la pauvreté. Celle-ci touche encore près de 350 millions de personnes dans ce pays où les contrastes sont forts, à l’image du technopôle naissant d’Hyderabad, créé au milieu des rizières de l’Andar Pradesh4.  
L’avenir de l’économie indienne dépend donc fortement de la reprise du programme de réformes. Mais affichant de nouvelles promesses de croissance après quelques années d’incertitudes, le moteur du développement indien semble renouer avec la dynamique conquérante propre à ce peuple qui, après cinq millénaires d’existence, continue de surprendre par sa cohésion et sa capacité d’adaptation. C.H.

1 – Selon le prévisions de la banque de conseil DSP Merill Lynch
2 – Sources Dree
3 – Foreign Policy, Yasheng Huang et Tarun Khanna, juillet/août 2003.
4 – L’Express, Eric Chol, « Tout n’est pas rose à Cyberbad », 3/05/01.

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