La lettre diplomatique

Article – Bulgarie
La Lettre Diplomatique N°79 – Troisième trimestre 2007

L’économie bulgare s’ancre solidement dans l’UE

Au fur et à mesure que se concrétisèrent, au début des années 2000, les perspectives d’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne (UE), la situation économique du pays s’améliora notablement du fait des politiques menées par les gouvernements d’Ivan Kostov, puis de l’ex-Roi Siméon Saxe Cobourg Gotha, consolidées depuis par l’avènement du gouvernement de coalition de Sergei Stanichev, formé à l’issue des élections de juin 2005. Le chemin n’avait pas été aisé à parcourir car la Bulgarie avait dû subir le choc d’une transition particulièrement difficile, étant parmi les anciens pays socialistes, le plus dépendant des pays du Comecon.
Aussi, l’économie bulgare, malgré quelques retards structurels, qui devraient assez rapidement être comblés, est désormais en mesure de bénéficier de son adhésion à l’Union européenne (UE) ce qui devrait lui assurer un rythme de croissance soutenu.
Les bases traditionnelles de l’économie bulgare ont été profondément modifiées
Après la crise financière des années 1996-97, un cadre macro-économique plus stable fut introduit, orienté essentiellement vers la recherche d’une croissance soutenue : réduction de la fiscalité des particuliers et des entreprises, lutte accrue contre la corruption, restructuration de la dette publique, réactivation de la bourse et plafonnement des dépenses publiques.
Ainsi l’inflation, qui avait atteint le taux de 100% pendant les années 1990 (avec un pic de 122% en 1994), fut peu à peu endiguée et la monnaie nationale, le lev, indexée à l’euro, après l’avoir été au Deutsch Mark. Plusieurs vagues de privatisations furent lancées, malgré les obstacles politiques, voire judiciaires, auxquels les dernières se sont heurtées. Prenant acte de ces réformes, la Commission accorda, en 2002, à la Bulgarie le statut de « réelle économie de marché ».
Le secteur bancaire et financier, jadis très centralisé fut restructuré et entièrement privatisé. La Banque bulgare du commerce extérieur, la Bulbank, qui détenait le monopole des opérations financières avec l’étranger fut privatisée en 2000 ainsi que la DSK, la Banque nationale d’épargne, unique institution financière habilitée à recevoir les comptes des particuliers en 2003. A cette date, 82,3% des actifs appartenant à l’Etat avaient été privatisés. La privatisation des deux dernières grandes entreprises publiques, le groupe Bulgartabac, et la Compagnie bulgare de télécommunications (BTC) s’avéra plus malaisée puisqu’elle fut annulée par les tribunaux, ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention des pouvoirs publics et de la Commission de Bruxelles, qui avait fait de la réforme du secteur judiciaire l’une des conditions de l’entrée de la Bulgarie dans l’UE. Celle-ci fut donc menée à son terme. Ces difficultés ayant été aplanies, les dernières privatisations purent intervenir en 2004. Un obstacle important à l’adhésion de la Bulgarie à l’UE fut ainsi levé.
Ces diverses restructurations dans le secteur industriel et des services se traduisirent par de fortes réductions d’effectifs. Le taux de chômage grimpa de 11% en 1995 à 18% en 2001, puis retomba à 10,7% en 2005, 9,1% en 2006 à la faveur de l’expansion de l’économie, dont le taux de croissance s’est établi à 5,1% l’an depuis 2000, et même 6,5% en 2006. Le chômage touche avant tout les travailleurs à faible qualification dont l’insertion professionnelle s’avère difficile, et les jeunes (19,5% de taux de chômage chez les jeunes de moins de 24 ans). Le taux d’activité (soit le pourcentage d’actifs par rapport à la population totale âgée de 15 ans et plus) est de 51,3% en 2006, soit 3 415 700 personnes, contre 49,7% en 2005.
Bien que l’agriculture, jadis principal pilier de l’économie bulgare, a vu son importance se réduire, elle représentait tout de même 9,3% du PIB en 2005 et 8,5% en 2006 contre 32,1% pour l’industrie et 54,3% pour les services. Les exportations de produits agricoles ont vu leur part diminuer. Les principaux produits exportés restent toujours les céréales, le vin, le tabac, les betteraves à sucre, ainsi que des graines de tournesol, les fruits frais ou conditionnés, les légumes et le bétail. Dans le cadre de l’enveloppe 2007-2013, le secteur agricole bulgare percevra 1,702 milliards d’euros d’aides, ce qui lui permettra d’accélérer son adaptation au marché communautaire.

Une gestion macro-économique globalement satisfaisante
Durant ces années de transition, la Bulgarie a réorienté ses échanges extérieurs. En 2005, 52% de ses exportations se sont dirigées vers l’UE à 15 contre moins de 5% vers les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), alors que ces derniers représentaient jadis 75% des échanges extérieurs bulgares. A l’intérieur de l’UE, l’Italie représente avec 12% des exportations bulgares, son principal débouché, suivie de l’Allemagne (9,8%), la Grèce (9,5%) la Belgique (5,9%) et la France (4,6%). Quant à la Turquie, elle absorbe 10,5% des exportations bulgares. Cette situation s’est accompagnée d’une diminution relative du secteur habillement et textile dans les exportations totales qui, du fait de la concurrence asiatique, principalement chinoise, ne représentaient que 16% des exportations totales en 2005. Cependant les exportations de matières premières, dont une modeste quantité de produits pétroliers, (51 000 barils par jour en 2005), de produits métalliques et sidérurgiques, ainsi que du petit matériel et des véhicules, sont en croissance rapide.
Du côté des importations, la situation est différente. La Bulgarie dépend largement de la Russie pour ses approvisionnements énergétiques surtout en ce qui concerne le gaz dont elle importe plus de 3 milliards de m3 par an. En 2005, 16% de ses importations totales provenaient de la Fédération de Russie. Cependant, l’UE à 15 fournissait en 2005 autour de 44% des achats de la Bulgarie. Avec, en tête, l’Allemagne (14%) et l’Italie (9%). Mais en fait la Bulgarie a surtout augmenté ses importations en provenance de ses voisins, lesquelles ont progressé de 400% depuis 1999. La Grèce (6%) et la Turquie (5%) sont redevenus ainsi d’importants partenaires commerciaux de la Bulgarie.
Un des problèmes macro économiques récurrents qu’ait eu à affronter la Bulgarie fut la persistance de son déficit des paiements courants qui a atteint 11,8% du PIB en 2005, le déficit commercial s’élevant même à 20,4% du PIB. Ce déséquilibre commercial provient d’une hausse continue des importations facilitées par l’expansion du crédit. Certes, les exportations ont également progressé, mais à un moindre rythme du fait de l’appréciation du lev et de la croissance modérée au sein de la zone euro. Les exportations ont bondi de 18% en 2005, mais cette hausse correspond largement à la hausse des prix des produits énergétiques raffinés dans le pays et réexportés.
La stabilisation des finances publiques s’est avérée pleinement couronnée de succès puisqu’un excédent de 897,9 millions d’euros a été dégagé pour 2006, soit 3,8% du PIB. Dans le premier budget « européen » de la Bulgarie les recettes s’élèvent à 41,8% du PIB et les dépenses à 41%, ce qui représenterait donc un excédent de 0,8 % du PIB. Les priorités du budget 2007 sont :
– l’absorption maximale des fonds européens ;
– l’augmentation des dépenses sociales et de leur efficacité ;
– le développement des technologies de l’information et du capital humain ;
– l’accélération du processus de convergence, notamment par l’accroissement des investissements.

L’afflux d’investissements étrangers a contribué à la croissance et au rééquilibrage des comptes
Ces déficits courants n’ont pas entravé outre mesure la croissance car ils ont été financés en grande partie par les flux d’investissements directs étrangers (IDE). Ce phénomène contraste avec la période antérieure, puisque de 1992 à 1998 le total des IDE n’a atteint que 1,8 milliards de dollars soit 225 dollars per capita. Les capitaux étrangers manifestaient alors leur défiance vis-à-vis de l’instabilité financière et politique du pays, marquée notamment par un moratoire temporaire sur la dette bulgare. Ces facteurs négatifs ont été peu à peu éliminés par les politiques menées par les gouvernements successifs. Le maintien d’un taux de change fixe a créé un climat plus favorable aux investissements étrangers, stimulé par le processus de la privatisation et la vente de larges portions de sociétés publiques. Ainsi, en 2003, la banque DSK, fut vendue au groupe hongrois OPT. En 2004, le flux des IDE s’éleva à un niveau sans précédant de 2,728 milliards d’euros (13,9%) du PIB, pour redescendre à 1 789 milliards d’euros, soit 8,3% du PIB en 2005. L’Autriche occupa le premier rang des investissements étrangers pendant la période 1996-2005 avec 16% du total, suivi de la Grèce (10,6%), l’Italie (7,3%), la Belgique (6,4%) et Chypre (5,7%), principalement dans le secteur bancaire pour cette dernière. Les investissements en provenance des Etats-Unis n’occupent qu’une place modeste avec 5,4%. Ces dernières années, la Bulgarie a reçu également des apports significatifs d’IDE de la part du Royaume-Uni, de la France, de la Suisse, de la République tchèque, de l’Allemagne, la Hongrie et les Pays-Bas.
Au terme d’un processus de rationalisation et de restructuration, la dette extérieure fut réduite à 70% du PIB en 2005 et la dette extérieure du secteur public à 24% du PIB, comparés à un taux de 100% en 1997. Elle est cependant remontée à 19,2 milliards d’euros pour 2005, soit 78,4% du PIB, progression essentiellement due à la progression de la dette privée qui s’élève désormais à 60% du PIB. En 2006, la Banque mondiale estimait que la Bulgarie, attirait la plus forte proportion d’IDE relativement à son PIB parmi l’ensemble des anciens pays socialistes d’Europe de l’Est.
La Bulgarie qui devrait pleinement profiter de son adhésion à la zone euro, qu’elle envisage de rejoindre en 2009 ou 2010, dispose d’une substantielle marge de croissance qu’il lui revient d’utiliser avec efficience. P.B.

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