La lettre diplomatique

Article – Bulgarie
La Lettre Diplomatique N°79 – Troisième trimestre 2007

La Bulgarie, pont entre mer Noire et Méditerranée

L’intégration de la Bulgarie dans le monde euro-atlantique, a fondamentalement modifié sa position géopolitique. En effet, du temps de la guerre froide, la frontière bulgaro-turque avait été l’une des plus sensibles qui séparait l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) du bloc soviétique. Ses rapports avec la Turquie qui revêtaient un caractère d’autant plus vital qu’elle abritait chez elle une minorité turque forte d’un demi-million de personnes en ont également subi les conséquences.
Riveraine de la mer Noire, placée au cœur des Balkans auxquels une de ses chaînes montagneuses a donné ce nom, la Bulgarie, bien que n’étant pas riveraine de la Méditerranée en partage certains traits. Pays charnière reliant l’Europe centrale et méditerranéenne à la Russie et au Proche-Orient, sa position revêt, dans le contexte international actuel, une nouvelle importance.

La Bulgarie et son environnement régional
A cheval entre mer Noire et Méditerranée, dont elle n’est séparée que par la Thrace, la Bulgarie partage 1 808 kilomètres de frontières au nord avec la Roumanie, au sud 240 kilomètres de frontière avec la Turquie et 494 kilomètres avec la Grèce, et à l’ouest 318 kilomètres avec la Serbie et 148 kilomètres avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). Point de passage traditionnel des routes menant de l’Europe centrale au Bosphore et débouché naturel des oléoducs issus du Caucase, cherchant à éviter cet isthme particulièrement utilisé, la Bulgarie se trouve désormais placée à un centre de communication vital dont elle cherche à faire le meilleur usage.
Sa diplomatie s’est efforcée d’abord d’établir et d’entretenir des relations confiantes et normalisées avec l’ensemble de ses voisins. Sofia cherche à bénéficier de la stabilisation de la région afin d’en tirer des bénéfices économiques et commerciaux accrus. La Bulgarie a ainsi d’abord développé de bonnes relations avec la Grèce, avec laquelle elle a la religion orthodoxe en partage et qui lui a apporté son plein soutien pour sa candidature à l’Union européenne (UE) et à l’OTAN. Ceci ne fut cependant pas si aisé que cela puisque qu’elle avait reconnu rapidement l’indépendance de l’ARYM. Bien que les Macédoniens partagent largement des racines communes avec les Bulgares, il n’existe pas encore de voie ferrée les reliant. Aussi, depuis 2004 plus d’une quarantaine d’accords de coopération on été signés entre les deux pays. Certes la question du statut des minorités reste sensible de part et d’autre de la frontière mais les deux capitales ont manifesté la volonté d’intensifier leur coopération et Sofia a assuré ses partenaires de son soutien pour l’adhésion de Skopje à l’UE et à l’OTAN.
Avec Bucarest, autre pays de confession orthodoxe, et riverain de la mer Noire, le dialogue politique s’est intensifié, non seulement à propos de la crise du Kosovo mais sur l’ensemble des questions régionales. La décision de construire un deuxième pont sur le Danube qui reliera le port de Vidin et la ville de Calafat, par route et par rail, et qui coûtera 236 millions d’euros confère à ces rapports une nouvelle tournure.
La Bulgarie participe activement à l’ensemble des travaux des enceintes régionales, à vocation politique, comme le processus de coopération du Sud-Est de l’Europe, militaire, comme le cycle de réunion des ministres de la Défense du Sud-Est européen ou les forces multinationales pour la paix dans le Sud-Est de l’Europe1, soit économiques, comme le TRACECA, l’Organisation de la Coopération économique de la mer Noire et la Commission du Danube. Elle y œuvre sans relâche pour l’adoption d’une « stratégie à long terme » pour l’Europe du Sud-Est ainsi que pour une « stratégie régionale de développement » concernant également la mer Noire. Ces approches qui s’intègrent dans la politique européenne de voisinage revêtent une importance accrue du fait des évolutions en cours en Ukraine et en Transnistrie. Sofia s’est également impliquée dans les travaux d’élaboration du Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Différentes consultations à trois se sont poursuivies avec succès (Roumanie-Grèce-Bulgarie et Roumanie-Turquie-Bulgarie) en se concentrant sur la question des trafics illégaux, de la coopération frontalière et de la protection de l’environnement.
C’est dans cette optique d’équilibre entre ses voisins et le souci d’apporter une contribution à la question des approvisionnements énergétiques de l’Europe que la Bulgarie a donné son accord à la construction d’un oléoduc traversant son territoire, reliant Bourgas à Alexandroupolis.
Le 15 mars 2007, le Président Vladimir Poutine signait avec les premiers ministres grec et bulgare, Costas Caramanlis et Sergueï Stanichev, un accord pour la construction de cet oléoduc estimé à un milliard d’euros qui transportera le brut destiné aux marchés européens, américains et asiatiques.

La Bulgarie est devenue l’un des points d’ancrage de l’OTAN face au Moyen-Orient
L’adhésion à l’OTAN a constitué l’une des premières priorités de la diplomatie bulgare. Dans cette optique, la Bulgarie a modernisé ses forces armées, le « Plan 2004 » en ayant réduit le format de 65 000 à 45 000 hommes et prévu le transfert du contrôle du Service de protection nationale et du Service des renseignements généraux au Conseil des Ministres. La crise du Kosovo et le contexte de l’après-11 septembre lui ont fourni l’occasion de démontrer son engagement aux côtés des Alliés. Après le feu vert donné à la conférence de Prague de novembre 2002, la Bulgarie est devenue membre à part entière de l’OTAN le 29 mars 2004.
Sofia a participé au départ, à la coalition menée par Washington en Irak, en y envoyant un contingent de 500 hommes, placé sous commandement polonais dont le Parlement en vota le retrait, le 5 mai 2005.
La Bulgarie a tenu aussi à se montrer un partenaire fiable des Etats-Unis dans le contexte de leur approche du Grand Moyen-Orient. C’est ainsi qu’elle a finalisé le 24 mars 2006, un accord, signé en mai 2005, permettant l’utilisation par les forces de l'US Army de trois sites militaires (terrain de manœuvre de Novo Selon et bases aériennes de Bezmer et Graf Ignatievo) et d’un dépôt logistique. Les Etats-Unis ont obtenu satisfaction sur le statut juridique de leurs forces qui sont soumises en priorité à la juridiction américaine notamment dans le domaine disciplinaire. Depuis le refus opposé par la Turquie d’offrir la disponibilité de son sol aux forces américaines afin d’envahir l’Irak, la position de la Bulgarie la plus avancée de l’OTAN en direction du Proche-Orient revêt une importance accrue. N’oublions pas que la Bulgarie qui avait offert ses installations logistiques de la base aérienne de Sarafovo, près de Burgas, lors du déclenchement de l’opération américaine contre l’Afghanistan, a décidé en mai 2007, d’envoyer un contingent de 400 hommes à Kaboul et à Kandahar afin d’y assurer des missions de protection des zones aéroportuaires.
Mais la politique extérieure bulgare est loin de se cantonner à ces aspects. Sofia a tenu dans le même temps à s’affirmer comme un membre fidèle de l’UE sur bien des points faisant l’objet de divergence avec les Etats-Unis. Pour ce qui concerne la Cour pénale internationale, par exemple, elle a repoussé l’offre de Washington de signer un accord bilatéral. P.B.


1 – Qui réunissent l’Italie, la Grèce, l’ARYM, l’Albanie, la Roumanie, la Turquie et la Bulgarie.

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