La lettre diplomatique

Article – Arménie
La Lettre Diplomatique N°79 – Troisième trimestre 2007

L’envol économique arménien se poursuit

L’Arménie occupe, dans la zone tempérée, un haut plateau continental et montagneux. Son altitude, lui vaut des étés chauds et des hivers rigoureux et le pays ne dispose que de 17% de terres arables et de 15% de surfaces forestières dont une partie a été déboisée en raison de la crise énergique qui l’a durement frappée. En effet, elle avait hérité d’une situation économique et écologique désastreuse. Le niveau du lac Sevan,* une des ses attractions touristiques, a fortement diminué du fait de pompages excessifs. A cet héritage, en voie d’être résorbé se sont ajoutés les effets négatifs du conflit du Haut-Karabakh qui a provoqué un afflux de plus de 350 000 réfugiés. C’est à la lumière de ces quelques éléments qu’il convient d’apprécier les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour rénover l’économie du pays et l’insérer dans la mondialisation.

L’Arménie a repris le chemin d’une croissance élevée

En quelques années, l’économie arménienne, a en effet subi une transformation radicale. La part de l’industrie dans sa production totale est passée de 44 ,5 % du PIB en 1990 à 20,4% en 2005. Dans le même temps, elle a enregistré une chute de 60% de son PIB en 1992-1993 par rapport à 1989. Mais dès la cessation des hostilités dans le Haut-Karabakh, elle a entamé une vigoureuse expansion atteignant un taux moyen de croissance de 13% durant la période 2002-2006. Cette forte croissance continue comme l’atteste le taux de 11,2 % enregistré au cours du premier semestre 2007 qui ne se situe que très légèrement au-dessous de celui-ci a atteint au premier semestre de 2006 11,8%. Comme auparavant, la construction, le commerce et les services financiers se sont avérés les moteurs de cette expansion. Ces derniers, avec le secteur immobilier, ont même connu une croissance de 25%. Ces performances méritent d’être soulignées étant donné l’environnement économique auquel est confronté le pays, dont les frontières terrestres avec l’Azerbaïdjan et la Turquie sont coupées depuis 1993.
Cette croissance exceptionnelle s’est traduite par une élévation moyenne des revenus salariaux de 15% et la hausse des revenus a été encore plus élevée du fait des transferts de la diaspora. Les 800 000 Arméniens qui ont quitté le pays depuis l’effondrement de l’URSS, sont venus gonfler les rangs de la diaspora dont le nombre atteint les 7 millions de personnes, principalement établies aux Etats-Unis, en France, au Moyen-Orient et en Amérique latine, alors que 2,5 millions d’entre elles se trouvent dans les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), pour l’essentiel en Russie. Aussi compte tenu d’un taux d’inflation contenu à 4,5% entre la mi-2006 et la mi-2007, les revenus des ménages et les salaires ont progressé de 15 à 20%.
L’industrie, bien qu’elle soit encore la principale activité économique du pays, a progressé de manière beaucoup plus lente. En 2006, elle a connu une légère contraction de 0,1%, la progression des industries alimentaires et la métallurgie n’ayant pas été suffisante pour endiguer la forte contraction de la branche textile qui souffre comme partout de la concurrence asiatique ainsi que la baisse de la production du tabac. Ces difficultés paraissent cependant largement conjoncturelles puisque le secteur manufacturier fait actuellement l’objet d’une vaste restructuration qui devrait assez rapidement porter ses fruits. L’Arménie dispose en effet de réserves de cuivre, de molybdène, d’uranium et d’or, et elle devrait pleinement tirer profit du boom actuel du secteur minier dans le monde dès que la modernisation de la mine de Zangezur, cuivre molybdène, achetée par le groupe allemand Cronimet aura été achevée. La Compagnie arménienne de cuivre, seconde entreprise minière du pays, a également, lancé sa modernisation grâce à un prêt russe de 200 millions de dollars. En revanche, le secteur diamantifère, jadis force motrice de l’économie nationale, ne contribue qu’à hauteur de 1% du PIB. Il s’est encore contracté à hauteur de 31% lors du premier semestre 2007 succédant à une baisse de 22% en 2006. Les autorités entendent cependant stopper ce déclin en tirant partie de l’accord de coopération signé avec le géant russe du secteur Alrosa.
L’agriculture de son côté, s’est contractée de 2% en 2006-2007 ne contribuant plus que pour 13% au PIB, les conditions atmosphériques défavorables ayant détérioré la production vivrière et fruitière. Mais là encore, ce secteur devrait bénéficier de l’important apport de fonds provenant du programme d’aide américain Millennium Challenge Account (MCA) à hauteur de 236 millions de dollars sur cinq ans. L’essentiel de ce paquet (146 millions de dollars) est destiné à l’amélioration du système d’irrigation, le reste (67 millions) étant consacré à la réhabilitation des routes rurales qui en avaient largement besoin.

Echanges extérieurs et partenaires commerciaux de l’Arménie
Du fait des besoins liés à sa reconstruction et à la réduction des exportations traditionnelles, agricoles ou minières, le déficit commercial du pays s’est accru de 511 millions de dollars durant le premier semestre 2006 à 838 millions durant le premier semestre 2007. La hausse des importations de presque 40% à hauteur de 1,37 milliard de dollars ayant été bien supérieure à celle des exportations, augmentant de 20% et s’établissant à 527 millions de dollars. Ce commerce extérieur s’est concentré encore davantage en direction des pays de la CEI dont la part dans les échanges extérieurs arméniens est passée de 29 % au cours du premier semestre 2006 à 33% au cours du premier semestre 2007.
La Fédération de Russie est le principal partenaire de l’Arménie avec une part de marché de 14,6%. Elle est également le premier investisseur, le stock de ses participations atteignant désormais 800 millions de dollars, devant l’Allemagne avec 9,2%, suivis par les Pays-Bas et le Kazakhstan autour de 6% chacun. Les intérêts russes se répartissent dans de larges secteurs, transformation des métaux, banques et assurances, informatique, mines, commerce et services. Bien que la France ne détienne que 3% des parts de marché, elle est l’un des premiers investisseurs en Arménie avec 120 entreprises implantées, dont les plus importantes sont notamment Pernod Ricard, Crédit Agricole, Alcatel, Véolia, Aréva, Castel, Saur…
En 2006, les échanges russo-arméniens ont progressé de 55%. La Russie fournit des machines et de l’équipement, des voitures et des camions, des produits agricoles et alimentaires et l’Arménie exporte des produits alimentaires, des métaux, des produits chimiques, de la joaillerie, ainsi que des boissons alcoolisées. La fermeture de la frontière entre la Fédération de la Russie et de la Géorgie, intervenue à l’automne 2006, par laquelle transitaient une bonne partie des exportations arméniennes n’a guère porté atteinte à ces échanges bilatéraux, puisque les exportations arméniennes en direction de la Russie ont doublé au cours du premier semestre 2007. Elles empruntent en effet d’autres chemins : soit la voie ferrée reliant la Mer Noire puis par navire jusqu’au port russe de Novorossisk ; soit la voie ferrée puis le ferry entre le port géorgien de Poti et le port ukrainien de Kavkaz ; soit encore la route par camions via le Caucase et enfin par la voie aérienne.
L’Arménie bénéficie, on l’a vu, d’importants transferts en provenance de sa diaspora estimés à un milliard de dollars par an dont l’essentiel provient de la communauté arménienne résidant en Russie. Ces transferts représentent 19% du PIB et 30% des dépenses budgétaires. Elle bénéficie également de flux d'investissements directs croissants qui ont atteint en 2006 leur sommet à 343 millions de dollars, chiffre en passe d’être dépassé en 2007 puisque ceux-ci ont atteint 98,6 millions de dollars au cours du premier trimestre. Le Liban avec 40% des investissements de cette période occupe le premier rang du fait du plan de croissance de la compagnie libanaise K-Telecom, devenue la première entreprise de communication du pays. En novembre 2006, l’entreprise russe Vimpelcom. a racheté la participation de 90% détenue par l’entreprise grecque OTE dans Armentel, jadis détentrice du monopole des télécommunications.
Ces résultats économiques se sont traduits par un recul constant de la pauvreté qui est passée de 56% de la population totale à 38% en 2004 puis à 29% en 2006. Quant à l’endettement de l’Etat, il a été contenu à un quart du PIB. Dans le même temps, la monnaie nationale, le dram, a été réévaluée de 580 à 340 pour un dollar. Fort de ces résultats, le nouveau gouvernement a présenté, le 21 juin 2007, devant l’Assemblée nationale, un plan de développement économique mobilisateur qui devrait « permettre à l’Arménie de se placer dans le groupe des pays à revenu moyen élevé dès la fin de 2009 » et de réduire le taux de pauvreté à 12% de la population. P.B.

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