La lettre diplomatique

Article – Arménie
La Lettre Diplomatique N°79 – Troisième trimestre 2007

Desserrer la dépendance énergétique

L’Arménie, reste largement dépendante en matière énergétique, bien qu’elle soit parvenue à réduire considérablement sa consommation par rapport à l’époque où elle était une économie planifiée. Grâce à la quasi disparition des industries excessivement consommatrices et à la mise en œuvre de politiques d’économies d’énergie, elle a su réduire de moitié sa consommation totale et diminuer ses importations de gaz, qui sont passées de 6,3 milliards de mètres cubes par an en 1990 à 1,7 milliards en 2005. Aujourd’hui, elle importe 60% de ses besoins d’énergie primaire qui proviennent presque exclusivement de Russie. Mais elle cherche à tirer partie de sa position de pays charnière situé sur l’axe Caspienne-Mer Noire et de son voisinage avec l’Iran.
Dans un passé récent, l’Arménie a dû faire face à une série d’obstacles que les autorités se sont efforcées progressivement de lever. La fermeture, dès 1992, du principal gazoduc en provenance de Russie transitant par l’Azerbaïdjan, l’a privé d’un précieux débouché. Sa vigoureuse reprise économique, à compter de 1995, a suscité une reprise de sa consommation électrique, qu’il fallait bien satisfaire. Aussi l’unique centrale nucléaire, construite au cours des années 1980, Metsamor – munie de deux réacteurs nucléaires de type WER 4406 -, qui avait dû être fermée en mars 1989 à l’issue du tremblement de terre de 1988 et réouverte en novembre 1995 produisait à elle seule de 30% à 40% de l’électricité totale du pays. Des pressions internationales croissantes, principalement en provenance de l’UE, s’efforcèrent certes d’obtenir sa fermeture prévue initialement pour 2004 mais qui ne fut jamais réalisée. La Commission propose une aide de 100 millions d’euros à cet effet alors que des études locales estiment à 900 millions d’euros le coût de l’opération. Metsamor est l’une des cinq principales centrales du pays produisant de l’électricité, deux autres thermiques utilisent du gaz russe et les deux dernières sont des centrales hydrauliques. La construction de plus de 40 nouvelles centrales hydrauliques est désormais prévue et devrait augmenter la capacité de production électrique de 12%.
Le rôle de la Russie, allié privilégié de Erevan, apparaît prépondérant dans ce secteur stratégique : les entreprises russes possèdent pas moins de 80% des actifs énergétiques de l’Arménie. C’est ainsi que la société d’Etat Systèmes d’énergie unifiés (EES) assure le management financier de la centrale de Metsamor. Depuis 2006, une de ses filiales, Internergo, a pris le contrôle de la société Réseaux électriques d’Arménie (ENA, Electricity Networks of Armenia ) s’engageant à investir 20 millions de dollars dès la première année dans le réseau. Au surplus, au terme d’un échange de dettes contre droits de propriété, l’essentiel de la production électrique arménienne se trouve dans des mains russes, Gazprom ayant obtenu la cession de la cinquième tranche de la principale centrale thermique du pays, celle de Hrazdan, passée à ArmRosGazprom, seul opérateur du réseau de distribution de gaz dans le pays. En dépit de ces liens étroits unissant les deux pays, Gazprom n’a pas hésité à procéder dans le cadre de sa politique commerciale globale à une augmentation de ses tarifs, quoique de façon beaucoup plus modérée qu’à l’égard des autres pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), portant de 56 à 110 dollars le prix des 1 000 mètres cubes tout en laissant courir un certain délai pour l’application de cette mesure.
De ce fait, l’Arménie, désireuse de desserrer sa dépendance énergétique, s’est tournée sans réticence vers l’Iran avec lequel elle partage une frontière de 35 km le long du fleuve Araxe. Les deux pays ont conclu un premier accord portant sur la construction d’un gazoduc dont le premier tronçon a été ouvert solennellement en mars 2007. En vertu de celui-ci, l’Iran fournira à l’Arménie 36 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de vingt ans au tarif préférentiel de 80 dollars les 1 000 mètres cubes. Dans un premier temps, elle importera 400 millions de mètres cubes par an puis portera ces quantités progressivement à 1,1 puis à 2, 3 milliards par an. Ce gazoduc permettra également d’effectuer le transit de gaz turkmène vers l’Arménie via l’Iran. Parallèlement, les deux pays ont décidé d’accroître leur coopération en matière électrique en envisageant la construction d’une troisième ligne de transport d’électricité, la mise en exploitation de la deuxième ligne Agakar-Shinuayr venant d’être inaugurée et en augmentant les quantités d’énergie électrique transportées entre les deux pays à 1000 MW. L’Iran est pour sa part intéressé à développer sa coopération dans le domaine de l’énergie hydraulique et des sources alternatives d’énergie comme l’éolien. ainsi que la mise en exploitation du cinquième réacteur de la centrale thermique de Hrazdan. P.B.

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