L’Autriche : 60 ans d’engagement au sein de l’UNESCO
Par S.E.M. Harald Wiesner, Ambassadeur, Délégué permanent de l’Autriche auprès de l’UNESCO
Le 7 novembre 1947, la Conférence générale de l’UNESCO a décidé d’accueillir l’Autriche, la Hongrie, l’Italie et la Suisse en son sein. Depuis lors, le destin de l’Autriche s’est étroitement lié à celui des Nations unies.
Notre adhésion à l’UNESCO a été saluée par l’ensemble des décideurs politiques de notre jeune (Deuxième) République érigée sur les ruines de la Seconde guerre mondiale, ainsi que par la population, dans la mesure où cette dernière n’était pas accaparée par la nécessité d’assurer ses ressources vitales. Le Conseil allié qui exerçait des droits de souveraineté dans l’Autriche occupée, a également approuvé l’appartenance de notre pays à l’UNESCO. Et grâce à l’adhésion de pays voisins (la Hongrie, l’Italie et la Suisse), la première pierre d’une zone de paix en Europe centrale était posée, cette zone devant revêtir plus tard une importance de premier plan pour la paix en Europe, en particulier durant la guerre froide.
A la différence de la ratification de la Charte des Nations unies, notre adhésion à l’UNESCO n’a pas soulevé de problème juridique. Après l’indépendance de l’Autriche en 1955, un intense débat s’est engagé quant à savoir si l’appartenance à l’UNESCO d’un Etat neutre permanent, statut revendiqué par la République autrichienne, était compatible avec le droit international en vigueur.
Durant l’après-guerre, l’Autriche a participé de manière active au travail de l’UNESCO malgré les conditions économiques difficiles. Elle a établi en 1970 sa première Représentation permanente auprès de l’Organisation. Une Commission autrichienne pour l’UNESCO a aussi été créée en 1949 afin de garantir la diffusion au sein de la population des informations sur l’UNESCO et ses principes.
Au plus fort de la confrontation entre les blocs militaires en Europe, l’éventualité d’une menace sur sa neutralité a mis l’Autriche devant un dilemme : s’armer ou défendre sa liberté reconquise et garantie par la neutralité, sur le terrain de la politique internationale. L’Autriche a opté pour une solution intermédiaire, tout en mettant l’accent sur des activités à caractère universel au sein des différentes organisations des Nations unies. Jamais plus l’Autriche ne devrait être annexée militairement par un autre Etat sans que la communauté internationale ne prenne de sanctions contre l’agresseur. Le 13 mars 1938 reste trop ancré dans la mémoire des Autrichiens ; les troupes du Troisième Reich entraient alors en Autriche et mettaient fin à la Première République instaurée depuis la fin de la Première guerre mondiale. Seuls quelques pays avaient alors protesté dans l’enceinte de la Société des Nations, contre cette opération contraire au droit international.
Après la guerre, notre pays a considéré qu’aucun pays n’oserait annexer par la force un Etat membre des Nations unies. Le Centre international de Vienne est né de ces réflexions, à la fin des années 1970. Sur l’insistance de l’Autriche, plusieurs organisations spéciales y ont fusionné, ainsi que des unités de secrétariat des Nations unies.
L’Autriche a également appréhendé l’UNESCO comme une organisation de plus en plus capable d’opposer de la résistance à la mondialisation et à l’impérialisme linguistique et culturel qui l’accompagne. C’est d’ailleurs pour ces raisons que l’Autriche a aussi adhéré au mouvement de la francophonie et qu’elle est devenue un membre particulièrement actif de l’UNESCO ; organisation qui n’est pas encore complètement anglicisée.
Le 60ème anniversaire de l’adhésion de l’Autriche à l’UNESCO constitue une occasion pour fixer de nouvelles priorités à sa politique concernant l’Organisation. Alors que la Déclaration universelle des droits de l’homme célèbre, elle aussi, les 60 ans de son adoption, l’UNESCO doit plus que jamais être amenée à diffuser les valeurs des droits de l’Homme. Pour notre pays, l’UNESCO devrait en effet se concentrer davantage sur l’enseignement des droits de l’Homme et l’éducation à ses valeurs, conformément à ses statuts. Nous avons émis à cet égard des réflexions, en convoquant notamment une Conférence internationale sur les droits de l’Homme à Vienne en 1993, à l’issue de laquelle a été adoptée la Déclaration de Vienne. Cette déclaration est toujours d’actualité.
En tant que petit pays d’Europe centrale, la République d’Autriche soutient également tous les efforts de l’UNESCO visant à préserver la diversité culturelle dans le monde. Après la récente adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, l’élection de l’Autriche au sein du Comité chargé de ces domaines représenterait un signe majeur de reconnaissance que l’on accorde à la valeur de nos efforts.
En Autriche, la tradition de tolérance et de compréhension mutuelle entre les différentes religions et cultures, trouvent ses racines dans la monarchie austro-hongroise. C’est sur le territoire autrichien que les communautés musulmanes et juives ont ainsi, pour la première fois, été légalement reconnues en tant que communautés religieuses. Et cet esprit de compréhension mutuelle qui s’est forgé tout au long de notre histoire, a été préservé jusqu’à nos jours. A la différence d’autres régions d’Europe, l’Autriche n’a pas connu de heurts violents soulevés par des causes religieuses. Le gouvernement fédéral autrichien a tiré profit de ce caractère fondamental de la population autrichienne et encourage activement, et depuis longtemps, le dialogue entre les religions, les cultures et les civilisations comme en témoignent les nombreuses conférences dédiées, avec succès, à ce thème primordial en Autriche.
C’est durant la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne que la polémique sur les caricatures a éclaté. Ce furent les Etats rassemblés au sein de l’UNESCO qui, ici à Paris, au siège de l’Organisation, ont embrasé ce conflit entre les ambassades, conduisant à l’éclatement d’une violence au nom de la religion, jusqu’alors inconcevable. Ces Etats ont réglé le conflit avec l’aide active de l’Autriche. Notre gouvernement poursuit aujourd’hui ses efforts en vue de trouver de nouveaux moyens et de nouvelles voies permettant d’endiguer la violence de nature religieuse ou culturelle. Des conférences internationales devant souligner le rôle de la femme dans l’équilibre des civilisations ont par exemple été organisées à Vienne. L’accent a surtout été mis dans un premier temps, sur l’engagement des femmes pour la paix au Proche-Orient. Ces initiatives autrichiennes s’inscrivent actuellement dans le cadre des conférences de l’UNESCO.
Enfin, depuis son adhésion à l’Union européenne, le 1er janvier 1995, l’Autriche essaye également de mettre en œuvre dans un cadre européen les différents aspects de sa politique au sein de l’UNESCO. Nous travaillons ainsi étroitement avec d’autres pays membres de l’UE dans des domaines qui ne sont pas régis par « Bruxelles ».
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