La lettre diplomatique

Article – Autriche
La Lettre Diplomatique N°79 – Troisième trimestre 2007

Le Conseil de l’Europe et la diplomatie dans le monde actuel

Par S.E.M. Wendelin Ettmayer, Ambassadeur, Représentant permanent de l’Autriche auprès du Conseil de l’Europe

En ma qualité d’Ambassadeur de l’Autriche auprès du Conseil de l’Europe, je viens d’un pays qui possède déjà une grande tradition à Strasbourg : trois secrétaires généraux du Conseil de l’Europe, deux présidents de l’Assemblée parlementaire et un président du Congrès des municipalités et des régions étaient des Autrichiens. Un grand nombre d’éminents juristes qui ont contribué au développement des droits de l’homme sont venus de mon pays. La Convention européenne des droits de l’homme a été élevée au rang constitutionnel en Autriche. Ainsi les aspirations primordiales de la Représentation permanente de l’Autriche auprès du Conseil de l’Europe portent sur un développement encore plus approfondi des droits de l’homme, la protection des minorités, la consolidation de l’Etat de droit et la garantie des droits sociaux à l’avenir.
En analysant les relations internationales au début du XXIème siècle, il faut constater que le monde est divisé : tandis qu’une partie des Etats suit une politique étrangère d’une manière traditionnelle, ce qui veut dire sur la base d’une « Realpolitik » et une politique de puissance, pour beaucoup d’autres Etats le soutien du bien-être personnel des citoyens est devenu la légitimation des activités concernant également la politique extérieure. Durant des siècles, la politique étrangère d’un pays relevait d’une politique de puissance, le « power-politics ». Le but de la politique étrangère était le maintien de la souveraineté et de la puissance d’un Etat. « Grands » dans l’histoire, ont été ceux qui ont conquis des territoires et qui ont augmenté la puissance stratégique de leurs pays. Les moyens pour achever ce but étaient la Realpolitik et la guerre. Le soldat et le diplomate formaient une unité.
Le monde a changé. A l’inverse de ce qu’était la politique étrangère officielle pendant des générations, la promotion du bien-être de nos citoyens occupe aujourd’hui une place primordiale dans les relations internationales. De nos jours, la politique étrangère est au service de l’homme : les luttes contre la pauvreté, contre la faim et contre le SIDA sont devenus des priorités essentielles, ainsi que le développement démographique ou la question, comment peut-on nourrir l’humanité à long terme ?
D’innombrables conférences ont lieu afin de résoudre le problème du développement et la protection de l’environnement. Le Conseil de l’Europe joue un rôle précurseur dans le domaine des droits de l’homme, de l’émancipation des femmes et du bien-être des enfants.
Les nouveaux moyens de cette nouvelle politique étrangère sont des contacts personnels à travers les frontières et des grandes conférences. Les acteurs en sont des organisations non-gouvernementales, les médias et les entreprises multinationales. Considéré dans son ensemble, on pourrait dire qu’aujourd’hui, l’objectif de beaucoup d’effort est de transposer le modèle de l’Etat-providence dans un cadre international. La promotion du bien-être personnel est devenue une légitimation essentielle des relations internationales. Parallèlement à ce développement on peut constater que la guerre comme moyen de politique nationale est devenue impensable sur notre continent.
Après le traité de Westphalie, un système d’Etats indépendants a été établi en Europe, dont les relations ont été caractérisées par des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale. Les Etats n’ont pas été subordonnés à une autorité supérieure et l’intérêt national était le motif suprême dans la gestion des affaires étrangères. En conséquence, l’utilisation de la force pour promouvoir ces intérêts a été considérée comme légitime. Selon ce modèle, la politique étrangère d’un pays s’est orientée selon des intérêts nationaux.
A l’inverse de cette politique, après de terribles souffrances causées par les deux guerres mondiales en Europe, la promotion du bien-être de nos citoyens est devenue plus importante pour nos gouvernements que l’augmentation de la puissance militaire dans nos Etats. Ainsi, la légitimité des relations internationales a changé. La souveraineté et la puissance nationales jouent encore un rôle dans le vocabulaire qui détermine nos discussions, mais de plus en plus d’efforts ont été faits pour améliorer le niveau de vie et la condition humaine sur le plan international.
Déjà en 1945, les Nations unies ont été chargés d’accomplir un grand nombre de tâches sur le plan économique et social. Des compétences particulières ont été ajoutées dans le domaine des droits de l’homme, du développement et de l’environnement.
Avec le Conseil de l’Europe, une organisation internationale a été créée sur notre continent, qui a franchi de nouvelles frontières : dès ce moment les structures démocratiques d’un Etat et la sauvegarde des droits de l’homme ne relevaient plus de la compétence intérieure d’un Etat mais de la communauté internationale. On a entamé la création d’une Europe unifiée sur la base de valeurs communes. Les citoyens de chaque pays membre du Conseil de l’Europe ont obtenu le droit de faire appel à une instance supranationale, c’est-à-dire à la Cour européenne des droits de l’homme. Ceci est le point culminant qui démontre très clairement, que de nos jours, dans les relations internationales, le bien-être de nos citoyens est devenu plus important que la puissance de l’Etat.
Dans ce sens, la tâche primordiale du Conseil de l’Europe est de créer une communauté des valeurs sur notre continent. Nous avons déjà beaucoup œuvré : tandis que l’Asie se distingue par la croissance économique ; l’Amérique par sa puissance militaire ; c’est la réalisation des droits fondamentaux qui caractérise notre continent. Dans l’avenir, nous devons continuer sur ce chemin.

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