L’ENA, un vecteur dynamique de la coopération franco-russe
Par Mme Jacqueline Repellin,
Chef du Département Europe à la Direction des Relations internationals de l’Ecole nationale d’administration (ENA)
La coopération entre l’Ecole nationale d’administration et la Fédération de Russie a débuté dès les années 1990 et n’a cessé depuis de s’amplifier. Le dernier aboutissement en a été l’inauguration de l’Ecole supérieure d’Administration publique (ESAP) à Moscou le 21 mars 2007, en présence du Responsable de l’Appareil du gouvernement et Vice-Président du gouvernement de Russie, Sergueï Narychkine, du Recteur de l’Université Lomonossov, M. V.A Sadovnichiï, du Président du Conseil de surveillance de la compagnie « Bazovyï element », M. Oleg Deripaska, de l’Ambassadeur de France en Russie, S.E.M. Stanislas de Laboulaye, et du Directeur de l’Ecole nationale d’Administration, M. Antoine Durrleman. La présence de représentants russes et français de haut niveau au cours de cette cérémonie souligne toute l’importance accordée à cette nouvelle institution. « C’est un établissement scolaire inédit d’un type nouveau, dans lequel on ne fera pas qu’étudier mais où on préparera aussi à l’action pratique des spécialistes dans le domaine de l’Etat » a souligné M. Narychkine qui est aussi à la tête du comité de parrainage de l’ESAP. Le Vice-Premier ministre a d’ailleurs invité un étudiant à effectuer son stage dans l’administration gouvernementale. Le défi de cette Ecole est clair. Il sera d’attirer et de garder au service de l’Etat les meilleurs qui sont aujourd’hui attirés par les salaires et le dynamisme du privé, dans une Russie où ne cesse de grandir le besoin de cadres dirigeants qualifiés.
L’ENA et l’ESAP ont fixé les axes de leur programme de coopération pour l’année 2007 autour de trois séminaires dont le premier s’est déroulé à Moscou du 18 au 22 juin sur le thème de la décentralisation ; le second et le troisième se dérouleront cet automne respectivement sur le thème de « la gestion des risques et des crises » et celui de « l’administration électronique ». Les deux institutions étudient en outre la possibilité de créer un master commun en 2008.
Le développement de la coopération franco-russe en matière d’administration publique illustre plus largement la participation de l’ENA aux relations de partenariat qui animent les deux pays. Il s’inscrit dans le sillage de l’accord cadre signé au début des années 1990 entre la fonction publique française et l’administration russe puis de sa participation au « Plan présidentiel de formation des cadres de la Russie » mis en œuvre entre 1998 et 2003. L’Ecole a été choisie comme l’un des principaux opérateurs pour la mise en place de ces actions de formation en matière d’administration publique grâce auxquelles des séminaires à Moscou et des visites d’études en France ont été régulièrement réalisées à l’attention d’un public de hauts fonctionnaires russes soigneusement sélectionnés.
L’établissement de liens entre l’ENA et l’ESAP fait suite à un accord de coopération signé entre l’ENA et l’Université d’Etat de Moscou M.V Lomonossov (MGU) le 20 septembre 2005. Celui-ci vise à appuyer la création d’une école d’administration portée par la MGU et soutenue par l’administration présidentielle. Pendant plusieurs mois le projet a été mûri et soigneusement préparé par l’équipe de direction de cette nouvelle école (dont le Directeur adjoint est un ancien élève russe de l’ENA) afin d’organiser une sélection de jeunes candidats de très haut potentiel. Sur les 30 candidats au concours, 18 ont été retenus (dont 17 citoyens de Russie et 1 du Tadjikistan).
Au-delà, l’ENA s’est efforcée de mettre en place des partenariats privilégiés avec d’importantes institutions de formation russes. Le MGIMO, institut très réputé dans le domaine des relations internationales, a ainsi constitué dés le départ le principal vivier de recrutement des élèves russes admis aux cycles internationaux de l’Ecole. Jusqu’au début des années 2000, un échange régulier s’est instauré avec la venue de professeurs du MGIMO à l’ENA pour comprendre les méthodes d’ingénierie pédagogique utilisées à l’Ecole et avec l’envoi d’experts français sur des thématiques souhaitées par notre partenaire russe. L’Académie polaire de Saint-Pétersbourg a également bénéficié de ce partenariat. Fondée en 1992 par le ministère de l’Education de la Fédération de Russie, elle a pour vocation de former des cadres administratifs des territoires autonomes du Nord de la Russie et de l’Extrême Orient. De 1995 à 2002, l’IIAP puis l’ENA ont organisé des cycles d’un mois sur les institutions françaises au profit de jeunes fonctionnaires diplômés de l’Académie. La coopération entre l’ENA et l’Académie de la Fonction publique s’est intensifiée avec l’élaboration d’un accord de coopération après la venue à Paris en décembre 2003 de son recteur, M. Egorov et la visite à Moscou, en 2005, de M. Antoine Durrleman. En 2001, l’ENA a par ailleurs conclu un accord avec le Haut Collège d’Economie prévoyant notamment l’aide à la mise place d’actions de formation initiale et continue, l’envoi de spécialistes pédagogique et l’échange d’informations sur les méthodes pédagogiques. En avril 2002, le Directeur de l’ENA a participé au colloque international organisé par le Haut Collège sur le thème de la modernisation de l’économie russe. La même année, des membres du Haut Collège ont participé à des formations organisées par l’ENA sur le thèmes suivants : nouveaux modes d’intervention économique de l’Etat, gestion des ressources humaines et management de la fonction publique. En septembre 2005, le Haut Collège a également reçu la visite de M. Antoine Durrleman.
Les élèves russes dans les cycles internationaux de l’ENA
L’Ecole forme aux côtés des élèves français un grand nombre d’étudiants ou de jeunes fonctionnaires étrangers. Ils sont intégrés dans l’un des cursus internationaux qu’elle propose en fonction de leur profil, de leur parcours antérieur et de leurs souhaits de carrière. Cette coopération a également revêtu de multiples formes afin de s’adapter au mieux à la demande de nos partenaires russes.
Entre 1992 et 2007, 22 élèves de nationalité russe ont ainsi été formés dans le cadre du cycle international long, aux côtés d’environ 6 000 anciens élèves français et près de 3 000 anciens élèves étrangers. Deux élèves russes sont actuellement en cours de scolarité au sein de la promotion 2006-2008. L’originalité de ce cycle d’une durée de 18 mois est d’intégrer le plus largement possible les élèves étrangers, d’abord sélectionnés par nos ambassades puis par la direction de l’Ecole, à la scolarité des élèves de la promotion française. L’un des buts de ce cycle est de créer un réseau d’anciens élèves, français et étrangers, qui au cours de leur scolarité commune auront appris à se connaître et à travailler ensemble. Ce type de formation représente pour les élèves étrangers une incontestable source de richesses, grâce aux contacts qu’ils établissent avec l’administration française et avec leurs collègues français. C’est aussi une source de richesses pour ces derniers grâce à la connaissance de cultures différentes ; c’est enfin une source de richesses pour la France, grâce à l’existence de ce réseau d’anciens élèves étrangers dont certains seront appelés à occuper des responsabilités importantes dans leur pays.
Quinze élèves russes ont également bénéficié du cycle international court, d’une durée de 9 mois. Ce cycle généraliste accueille des hauts fonctionnaires de plus de 30 ans, ayant déjà une expérience professionnelle confirmée. Leur scolarité est commune avec celle des administrateurs français nommés au « tour extérieur » qui ont une obligation de formation avant leur prise de fonction. Enfin, quatre élèves russes ont participé jusqu’à présent au cycle international d’administration publique. S’étendant sur six mois, ce cycle spécialisé est proposé aux fonctionnaires de plus de 25 ans possédant également dans leur domaine une expérience administrative. Mais contrairement aux deux précédents, il n’intègre pas de fonctionnaires français.
Parallèlement aux cycles internationaux, l’Ecole accueille régulièrement des participants russes au sein des cycles courts d’administration publique organisés sur des thématiques très variées tels que la décentralisation, la gestion des crises, les techniques de négociation internationale, les marchés publics, la mise en place des politiques publiques et leur évaluation….
A ces chiffres s’ajoutent, les 18 anciens auditeurs russes de l’Institut international d’administration publique avec lequel l’ENA a fusionné au début de l’année 2002. De plus, une association russe des anciens de l’ENA (ARENA) que préside M. Viatcheslav Evseev (promotion 2001-2003), a été inaugurée officiellement par le Directeur de l’ENA, M. Antoine Durrleman, le 20 septembre 2005 à Moscou. Cet accueil de jeunes fonctionnaires russes au sein des cycles internationaux est un exemple de la volonté affirmée par l’Ecole de mener une ouverture européenne dans son sens le plus large possible. Elle a désormais acquis le statut d’une véritable école européenne de gouvernance.
Une participation à la coopération multilatérale
L’ENA a également apporté un soutien actif au mouvement de modernisation de l’administration russe, au travers des deux volets du projet TACIS « Réforme administrative » financé par la Commission européenne.
L’ENA a ainsi été l’un des partenaires les plus dynamiques du projet « Réforme administrative I » piloté par Thales (France). D’un montant de 4 millions d’euros, il a été mis en œuvre entre juillet 2003 et décembre 2005, avec pour objectif général d’appuyer le processus de réforme de l’Etat et de renforcement de la fonction publique en Russie. Les principaux bénéficiaires de ce projet ont été l’administration présidentielle, le ministère du Développement économique et du Commerce, le ministère du Travail, le Haut Collège d’économie (HCE), l’Académie de la fonction publique (RAGS) et l’Université d’Etat de Moscou (MGU).
Ce projet a permis dans un premier temps d’assister les décideurs fédéraux dans la mise en œuvre de la réforme administrative russe, et plus particulièrement dans ses aspects relatifs à la réforme de la fonction publique. Il s’agissait notamment d’élaborer des recommandations concernant la loi sur la fonction publique municipale et la rédaction des textes d’application de la loi sur la fonction publique fédérale. Cette première composante du projet a également permis d’établir des relations durables entre la Fédération de Russie et le réseau européen des directeurs généraux de la fonction publique (EuPAN). La seconde composante a contribué au développement d’initiatives pour la modernisation entreprises au sein des ministères et des administrations situées à Moscou, de même que dans cinq régions pilotes sélectionnées par le Président Poutine pour expérimenter de nouveaux modes de gestion publique*.
L’ENA a également remporté le second volet du projet TACIS de Réforme administrative dans le cadre d’un consortium mené par la Fondation Nicolaas Witsen (Pays-Bas). Les bénéficiaires étaient les mêmes que lors de la première phase.
D’un montant de 4 millions d’euros, ce projet s’est déroulé entre avril 2004 et décembre 2006. Il a concentré ses efforts, en particulier, sur le conseil aux organes décisionnaires aux niveaux fédéral et local pour la création et la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion des ressources humaines. A titre d’expérience pilote, l’oblast de Moscou a ainsi mis en place, avec l’assistance du projet, de nouvelles procédures d’évaluation de son personnel.
L’ENA a également joué un rôle clef dans la formation de 340 fonctionnaires fédéraux et régionaux et de 100 formateurs en management public et gestion des ressources humaines. Des formations de formateurs on également été dispensées pour le développement de programmes à distance en management public. Que ce soit par l’accueil d’élèves et de jeunes fonctionnaires au sein de ses cycles de formation ou au travers de sa participation à la modernisation de l’administration publique russe, l’ENA s’est ainsi affirmé comme l’un des vecteurs dynamiques des relations de coopération entre la France et la Russie.
|