Le Scorpène : emblématique contrat d’armement franco-malaisien
Bien que couvrant un large spectre d’échanges datant des années 90 dans des secteurs assez étendus, la signature du contrat de fourniture en juin 2002 de deux sous-marins de type Scorpène par la France à la Malaisie pour un montant estimé à environ 1 milliard d’euros, représente sans conteste, une étape majeure supplémentaire de l’évolution de la coopération franco-malaisienne dans le domaine de l’armement.
Développé à l’origine conjointement par les chantiers navals français DCN et les chantiers navals espagnols Navantia (ex-Izar), le Scorpène, sous-marin conventionnel destiné aux missions de lutte anti-surface, anti-sous-marins, aux opérations spéciales et à l’entraînement, intègre les avancées les plus récentes y compris en matière de hautes technologie des sous-marins militaires à haute performance. Et notamment, bon nombre des progrès développés pour les dernières classes des bâtiments submersibles de la Marine nationale française. Ce qui explique sans doute le succès rencontré à l’export par Armaris (société commune de DCN et Thales) qui assure la maîtrise d’œuvre française de la création de la force sous-marine malaisienne basée sur le sous-marin de type Scorpène, également commandé par les marines indienne (six unités) et chilienne (deux unités).
Avec 66,4 mètres de long, 12,3 mètres de haut et 6,2 mètres de diamètre, les Scorpène constituent avant tout une somme de technologies qui leur confèrent au plan opérationnel un statut de remarquable outil de défense. Déplaçant environ 1 700 tonnes en plongée, le Scorpène est doté de moteurs diesels très puissants qui l’autorisent à recharger rapidement ses batteries et à réduire le temps d’exposition de son schnorchel (50 jours d’autonomie en moyenne). Les caractéristiques hydrodynamiques poussées du profil de coque du Scorpène lui permettent aussi de se déplacer à grande vitesse en plongée (supérieure à 20 nœuds) avec une profondeur d’immersion allant au-delà des 300 mètres. Générant un minimum de bruit, le Scorpène accroît la capacité d’écoute de ses sonars et augmente ainsi sa protection contre une éventuelle détection adverse. Tous les équipements du Scorpène sont isolés de la coque suivant les principes de double suspension des équipements vibrant, réduisant de manière optimale sa signature acoustique.
Le système intégré de traitement de l’information qui centralise les fonctions du système de conduite, celles du système tactique et des systèmes d’aide aux opérations et au commandement, fait appel à une automatisation très poussée. Toute l’architecture décisionnelle est entièrement reliée au système de combat SUBTICS qui comprend un ensemble de capteurs et de moyens de traitements de données associés à des systèmes de lancement d’armes à longue portée, torpilles filoguidées et missiles anti-navires à changement de milieu. Le système de manutention des armes est réputé rapide, silencieux et flexible, assurant le lancement de tout type d’arme à toute profondeur et en toute sécurité. Avec ses six tubes lance-torpilles et sa capacité d’emport de 18 armes lourdes, le Scorpène passe aussi pour être le sous-marin le plus armé de sa catégorie. Conçu pour un équipage de base réduit à 31 marins, soit trois équipes qui se relaient pendant la durée de la mission, le Scorpène a fait l’objet d’importants efforts visant à fortement réduire les coûts du cycle de vie, diminuer la durée de maintenance nécessaire et par conséquent, augmenter la disponibilité à la mer du navire entre les visites générales.
Sous la maîtrise d’œuvre d’Armaris, la société française Navfco, branche navale du Groupe Défense Conseil International en coopération avec la Marine espagnole et à travers la société ISDEFE, a entamé une importante collaboration avec la Marine royale malaisienne. Elle a pour but d’accompagner la création de la force sous-marine malaisienne et la mise en œuvre des deux sous-marins commandés. Afin de mener à bien cette mission, Navfco a conçu 4 contrats liés entre eux (Ouessant, Formation, Scorpène, Malsout) se déroulant en 4 phases distinctes. La première phase a consisté à la remise en état par DCN Brest du « Ouessant », dernier sous-marin de type Agosta de la Marine nationale retiré du service actif en juillet 2001 avec pour objectif de l’utiliser comme centre de formation, aidé d’un équipage constitué de sous-mariniers en activité, tous détachés par la Marine nationale française auprès de Navfco. Signé courant 2003, le contrat « Formation » comprend l’élaboration de programmes d’enseignement et l’implantation d’une école dédiée qui a débuté au Centre d’Instruction naval (CIN) de Brest. Il est prévu la formation de 156 sous-mariniers malaisiens par Navfco parmi lesquels doivent être sélectionnés les équipages du Scorpène ainsi que les futurs membres de l’Etat-major, de l’escadrille et du centre de formation de la Marine royale malaisienne. Navfco assurera ensuite les essais du premier Scorpène construit à Cherbourg. La constitution de l’équipage malaisien du premier sous-marin devrait s’achever en 2008, date de livraison prévue du premier sous-marin, le second devant être livré en 2009. Un soutien du personnel malaisien en France est néanmoins directement pris en compte depuis la fin 2002 dans le cadre du contrat « Malsout » qui prévoit le soutien logistique de l’équipe de projet malaisienne et leurs famille à Cherbourg, préparant à terme l’arrivée à Brest de près de 180 marins malaisiens dans le cadre du contrat « Formation ». Les élèves sous-mariniers malaisiens en formation en France depuis le 7 avril 2005 ont d’ailleurs commencé à recevoir leur certificat et insignes lors de cérémonies officielles organisées au CIN de Brest. 29 sous-mariniers malaisiens ont ainsi reçu leur certificats et insignes lors d’une cérémonie qui s’est déroulée le 16 mars 2007 en présence de l’amiral Ramlan, chef d’Etat-major de la Marine royale malaisienne, de l’amiral Boiffin, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique de la Marine nationale française ainsi que des dirigeants des société Armaris et Navfco, cette dernière dispensant la formation. Le certificat supérieur, remis à 19 d’entre eux, valide le module « Advanced Submarine Course », permettant d’approfondir la connaissance des systèmes embarqués.
Loin d’être un investissement de prestige, la constitution de la force sous-marine malaisienne ambitionne de constituer, à terme, une réponse crédible et efficace aux défis que constituent l’évolution de l’environnement stratégique et militaire régional qui s’est considérablement accélérée en à peine une décennie. Cela donne lieu au renouvellement et à la modernisation des équipements de défense de la plupart des pays de la région qui avaient dû mettre entre parenthèses leurs principaux projets au moment de la crise asiatique de 1997, chacun ayant néanmoins conservé la ferme volonté de peser sur l’équilibre des forces en présence tout en participant au contrôle et à la stabilité des routes maritimes qui passent par le Détroit de Malacca à l’importance capitale.
Le programme d’acquisition militaire de la Malaisie devrait donc, selon toute logique, continuer de s’appuyer sur le partenariat privilégié entrepris avec les industriels de la défense européens et français. Hormis une seconde tranche de sous-marins qui pourrait, à plus ou moins longue échéance, venir s’ajouter à la flotte actuellement en formation, certains analystes relèvent l’intérêt manifesté rien qu’au plan naval pour le Bâtiment de projection et de commandement (BPC) ainsi que pour les Transports de chalands de débarquement (TCD) sur le modèle de ceux en dotation dans la Marine nationale française. Si l’on ajoute à ces perspectives l’intérêt suscité par les hélicoptères Tigre ou NH90, voire dans l’armement terrestre, le VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie) de Nexter (ex Giat Industries) ou les importantes opportunités que représentent la mise en œuvre d’une interopérabilité complète des systèmes avec l’intégration d’une architecture C4I à laquelle le groupe Thales déjà fortement présent en Malaisie, s’intéresse de près, il est raisonnable de penser que la coopération franco-malaisienne en matière d’armement et de défense a de bonnes chances de connaître un avenir radieux. F.B.