« Cuba a historiquement joué un rôle important au sein de l’UNESCO »
Entretien avec S.E.M. Hèctor Hernàndez Gonzàlez-Pardo, Ambassadeur, Délégué permanent de Cuba auprès de l’UNESCO
La Lettre Diplomatique : Malgré sa taille modeste, Cuba est reconnu comme étant une nation très active au sein de l’UNESCO. A quels facteurs attribuez-vous cet engagement ?
S.E.M. Hèctor Hernàndez Gonzàlez-Pardo : Cuba entretient avec l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), une vaste et très fructueuse relation. La Havane abrite ainsi l’un des rares bureaux régionaux de l’UNESCO sur la Culture qui soit en dehors de son siège.
Cuba a été le premier pays a créer dans notre continent, il y a 60 ans, une Commission nationale pour l’UNESCO. Cela s’explique par la nature progressiste et la sensibilité des intellectuels cubains à l’égard des domaines d’intérêt de l’Organisation.
Cette tradition au sein de la société civile cubaine s’appuie sur un véritable soutien que lui apporte l’Etat depuis le triomphe de la Révolution cubaine, le 1er janvier 1959, et ce pour deux raisons fondamentales :
– Tout d’abord, l’œuvre immense et les projets à court et à moyen terme du Gouvernement révolutionnaire dans les champs d’action de l’UNESCO, n’ont pas d’équivalent : les progrès et les réussites accomplis par Cuba durant ces 49 dernières années sont connus et reconnus dans les domaines de l’éducation, la culture, la science et la communication. D’une certaine façon, dans un scénario idéal, Cuba pourrait constituer un forum naturel pour la promotion de l’ensemble de ces domaines. Notre pays a beaucoup à montrer et beaucoup à dire dans l’enceinte de l’UNESCO, pour le bénéfice de toute l’humanité.
– Deuxièmement, Cuba dispose d’une politique étrangère qui lui est propre depuis 1959, ce qui est la conséquence de sa réelle accession à l’indépendance. Une partie de cette politique étrangère consiste à défendre le multilatéralisme. Il est vrai que Cuba a historiquement joué un rôle important au sein de l’UNESCO ; mais si vous analysez son rôle dans d’autres organisations internationales, vous vous rendrez compte clairement que toutes figurent au sein des priorités de la politique étrangère cubaine.
A cela s’ajoute le fait, de mon point de vue, que l’UNESCO constitue le forum par excellence – et l’unique qui soit défini constitutionnellement – du débat intellectuel et de la saine confrontation des idées. Et le monde a besoin de ce débat, peut-être plus aujourd’hui que jamais auparavant. Cuba a toujours été partisan du dialogue et de la négociation pour atteindre n’importe quel objectif. Plus encore, je dirais qu’aujourd’hui, si l’UNESCO n’existait pas, il faudrait l’inventer.
L.L.D. : Cuba a récemment pris la présidence du Mouvement des Pays Non-Alignés (en espagnol MNOAL) et a réactivé ce groupe au sein de l’UNESCO. Quels sont les objectifs de ces initiatives ?
S.E.M.H.H.G-P. : Ma délégation s’est engagée à remplir le mandat adopté lors du XIVème Sommet du MNOAL qui a eu lieu en septembre 2006 à La Havane. Le vaste soutien qu’a reçue cette initiative est illustré par le nombre extraordinaire d’ambassadeurs et de représentants des pays membres et observateurs du Mouvement présents lors de la réactivation du Groupe à l’UNESCO qui s’est effectuée au siège de l’Organisation, sous la présidence du Ministre cubain des Affaires étrangères Felipe Perez Roque.
Le Mouvement comprend dans les déclarations et dans les principaux documents auxquels ont souscrits les Chefs d’Etat et de Gouvernement, des positions de principe relatives au thèmes débattus et qui font l’objet d’attention de l’UNESCO comme, par exemple, la question de la défense de la diversité culturelle. Pour cette raison, le Groupe du MNOAL à l’UNESCO peut et doit occuper un rôle dans les débats sur ces thèmes et d’autres qui soient d’intérêts pour les Non-Alignés. Toutes les délégations des pays membres du Mouvement aspirent à donner au rôle du Groupe dans les débats et les réflexions, un caractère constructif et qui permette de renforcer le travail de l’UNESCO et les idéaux qui sont à l’origine de sa création.
D’un autre côté, le Mouvement des Non-Alignés demeure d’actualité, ce qui a été clairement confirmé par l’analyse et la voix des pays membres du Mouvement, mais aussi par la réalité de la situation internationale. La vérité est que le conflit Est-Ouest a disparu, mais ils existe de nombreuses inégalités à l’échelle planétaire alors que le nombre des problèmes globaux et des conflits continuent d’augmenter. On ne doit pas seulement s’occuper des puissants ; il est aussi nécessaire d’écouter la voix, unie, de nos pays qui représentent la plus grande partie de la population mondiale.
L.L.D. : Quel est, selon vous, la réussite la plus importante que Cuba ait obtenu à l’UNESCO ces dernières années ?
S.E.M.H.H.G-P. : Mon pays s’est montré, historiquement et traditionnellement, très sérieux en ce qui concerne l’accomplissement des engagements pris avec les organisations internationales. Cuba a joué un rôle actif tout au long du processus préparatoire d’importantes Conventions de l’UNESCO, dont celle sur la défense de la diversité et des expressions culturelles ainsi que sur la défense du Patrimoine immatériel. Nous avons récemment remis au Directeur général de l’UNESCO, les Instruments de la ratification du gouvernement cubain. Cuba perçoit les réussites de l’UNESCO comme des succès qui lui sont propres, de la même façon qu’il peut être attristé et déçu quand l’Organisation ne peut atteindre certains objectifs qui lui sont inhérents.
Mais dans le dilemme que pose votre question, je crois que la décision du Conseil exécutif de reconnaître l’efficacité de la méthode d’alphabétisation « Yo si puedo » (« Moi je peux ») représente une reconnaissance importante de la pédagogie cubaine, non sans difficultés inutiles d’ailleurs qui ne peuvent être imputées à l’Organisation. Cette méthode est aujourd’hui appliquée et adaptée dans plus de 14 pays. Il s’impose probablement à présent comme le programme qui a atteint les meilleurs résultats à l’échelle internationale. Comme on le sait, Cuba l’a mis à la disposition de l’UNESCO de façon désintéressée.
L.L.D. : La Délégation de Cuba a également organisé une grande quantité d’activités artistiques et culturelles. Pensez-vous continuer à ce rythme ?
S.E.M.H.H.G-P. : L’UNESCO étant un espace dédié à la culture, il est logique que nous nous efforcions de montrer la richesse et la diversité artistique et littéraire de notre pays. Entre autres évènements, nous avons en effet organisé une Semaine du cinéma cubain, des présentations de l’auteur-compositeur-interprète Amaury Perez, par ailleurs membre du Mouvement de la Nueva Trova, du Chœur Schola Cantorum Coralina et du Chœur Entrevoces (et du Chœur national de Cuba) ; des présentations de livres… Nous avons l’intention d’organiser des expositions de photographies, des concerts de musique pour piano et une grande exposition d’arts plastiques pour 2008… La qualité est le principe qui guide cette programmation.
La vérité c’est que nous nous sentons satisfaits par l’accueil que nous ont réservé non seulement nos collègues diplomates accrédités à l’UNESCO, mais aussi des fonctionnaires de l’Organisation et du public en général.
L.L.D. : Vous sentez-vous à l’aise dans la mission qui vous a été assignée de représenter Cuba auprès de l’UNESCO?
S.E.M.H.H.G-P. : Il est juste de reconnaître que la France constitue un siège digne pour l’Organisation. C’est un pays avec de grands mérites dans les champs de l’Histoire, de la Pensée et de la Culture ; et les autorités françaises remplissent correctement leurs engagements. Nous avons une excellente relation de travail avec la Fédération française des Clubs de l’UNESCO. En outre, j’ai rencontré parmi mes collègues ambassadeurs et délégués, des personnes très intelligentes, avec beaucoup d’expérience dans beaucoup de cas, et, pour la grande majorité, désireuses de renforcer le rôle de l’UNESCO et attachées à ses principes. L’accroissement des femmes ambassadeurs, par ailleurs très actives, retient particulièrement mon attention. J’ai noué des relations d’amitié, de respect mutuel et de très bons rapports de travail avec presque toutes et tous. Je vous le dis avec sincérité, j’ai rencontré beaucoup d’affection et de sensibilité à l’égard de mon pays. Je pourrais en dire autant du Secrétariat et des fonctionnaires de l’Organisation.
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