France-Israël : Une amitié durable
Par le Dr Yehuda Lancry, Co-Président du Groupe de Haut Niveau franco-israélien et ancien Ambassadeur d’Israël en France
Le Groupe de Haut Niveau pour la promotion de la relation bilatérale franco-israélienne, mis en place voilà deux ans, est né d’une nécessité et d’une volonté. Nécessité, d’une part, de combler le déficit d’image préoccupant accumulé entre les deux pays ; d’autre part, volonté de doter une relation bilatérale, toujours solidement ancrée en dépit de vents contraires occasionnels, de quelque supplément d’âme.
En septembre 2002, Dominique de Villepin et Shimon Pérès, alors chefs de leurs diplomaties respectives, bénéficiant de l’actif soutien du Président Jacques Chirac, ont décidé de la création du Groupe de Haut Niveau. Outil rare, voire peu ordinaire dans un canevas diplomatique bilatéral habituel, cette nouvelle structure que scelle un document fondateur, distille, sinon une ambition, du moins une aspiration : renouer avec les résonances primordiales de la prodigieuse alliance contractée par la France avec Israël au lendemain de l’avènement de notre Etat et pendant deux premières décennies, cruciales dans sa constitution.
La feuille de route du Groupe de Haut Niveau – le « relevé de conclusions » en terminologie diplomatique – s’appuie, d’abord, sur les solides acquis du domaine bilatéral classique : dialogue politique, stratégique, échanges commerciaux, culturels, coopération scientifique et sécuritaire, vocation d’Israël à l’adhésion au Mouvement de la Francophonie ainsi qu’à l’OCDE. Ensuite, le Groupe de Haut Niveau stipule, en plus d’une extension et d’une dynamisation du champ d’action bilatéral, la mise en place d’un dialogue sociétal. Objectif : un regain d’amitié, de confiance et de visibilité entre les deux sociétés qui partagent de nombreuses valeurs en commun. Ainsi s’est tenu en mai dernier, à l’Université de Tel-Aviv, un premier forum d’intellectuels franco-israélien. Un échange conçu en remarquable état des lieux d’une relation à la recherche du meilleur rendement possible après le choc sismique de l’après 67.
En parallèle, des échanges au niveau de relais d’opinions : journalistes, mouvements de jeunesse, boursiers, expositions, artistes, ou encore la récente création du Haut Conseil pour la Recherche et pour la Coopération scientifique et technologique, inspirent une dynamique et une approche prometteuses.
Indépendante de la prospection du Groupe de Haut Niveau, la visite d’Etat du Président Moshé Katsav en France fut sans doute un moment-crête dans cette recherche valorisatrice. Chacun aura apprécié le signal fort de la République et du Président Jacques Chirac à l’endroit d’Israël et de son peuple, à travers la visite de Moshé Katsav : l’amitié franco-israélienne est une réalité solide et durable quels que soient les aléas politiques. Ceux-ci, il nous faudra les atténuer ; quant à celle-là, nous la cultiverons de plus belle. Tel est l’enjeu du Groupe de Haut Niveau.
L’incontournable dialogue
L’initiative du Premier ministre Sharon, celle du désengagement unilatéral de Gaza, a sans doute valeur de progrès idéologico-politique dans le cheminement du Chef du gouvernement israélien. Parti, lors de son premier mandat, d’une position encore diffuse sur « les douloureux compromis » nécessaires pour la paix, le voici donc fort de l’adoption de la « Feuille de Route » avec comme résultante, à terme, un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël. Les déclarations d’Ariel Sharon sur la nécessité de « partager la terre » et de « mettre fin à l’occupation » le confirment dans sa retentissante mutation politique et idéologique.
Pour autant, ne serait-il pas plus sage de « transformer l’essai » sur Gaza en un vrai banc d’essai du dialogue et de la logique de paix retrouvés avec le partenaire palestinien ? Cette initiative unilatérale, plutôt qu’elle ne prolonge la « Feuille de Route » en brise le ressort et en vide le contenu. Il y a, par conséquent, besoin d’une rapide conversion de l’unilatéral au bilatéral.
Ne veut-on plus de Yasser Arafat ? Soit ! Parlons, alors, à Abu Ala et à son gouvernement, parlons au peuple palestinien et à sa société civile. La concession territoriale qui s’esquisse à Gaza et dans le nord de la Samarie, est un premier pas dans le bon sens. Elle dessine, en pointillé, l’architecture d’un horizon politique significatif à soumettre aux Palestiniens. A eux donc de relever le défi et de mettre fin à leur terrorisme suicidaire. Le dialogue, la démarche bilatérale, sont la texture d’une future coexistence. Ce sont les outils nécessaires pour responsabiliser le leadership palestinien et l’assister dans l’incontournable thérapie d’une société palestinienne métastasée par le terrorisme.
Oui, hors le dialogue point de salut, non plus pour la société israélienne. Plutôt que d’imposer aux Israéliens de Gaza et d’autres territoires le démantèlement aveugle de leurs implantations – sur fond d’unilatéralisme non moins aveugle – il faut les convaincre du bien fondé d’une solide logique de paix avec le partenaire palestinien. Alors pourra-t-on, grâce à un vrai discours de paix et une réalité de paix retrouvée de part et d’autre, atteler les Israéliens des territoires à une mission sublime : une paix définitive et une coexistence harmonieuse avec les Palestiniens.
Devant l’absolue nécessité de s’opposer au « droit du retour » des Palestiniens dans ses frontières finales, l’Etat d’Israël (sauf à promouvoir son suicide sous la pression démographique palestinienne combinée à la démocratie israélienne) doit exercer un autre choix. Plutôt que de démanteler les implantations sujettes à évacuation de Gaza comme
ailleurs, en vertu d’un accord de paix et d’un statut définitif bilatéral, Israël doit, c’est le bon sens même, les offrir aux Palestiniens et à leurs réfugiés. Plutôt que de se retrouver, à l’image de Yamit (démantelée au Sinaï), avec plus d’une centaine d’implantations réduites en poussière – autant de « monuments » à la « gloire » de l’ex-occupant – Israël doit pouvoir transformer les implantations en puissant vecteur de réconciliation. Ainsi, au réfugié palestinien rêveur de ses cités perdues de Palestine, répondra le rapatrié israélien des territoires, rêveur de ses cités perdues de Judée-Samarie. C’est dans cette douloureuse rêverie croisée, dans cette macération des mémoires des deux peuples, que germera, dans une lente et prometteuse maturation, une harmonie des consciences et une durable coexistence que j’ai le
privilège de co-présider avec le Professeur David Kayat dont la lumineuse contribution, dès le point de départ, est déterminante. Illustre professeur de médecine, c’est aussi sa vocation de guérisseur et de talentueux lecteur de symptômes apte à la recherche de remèdes, qu’apporte, précieusement David Kayat au Groupe de Haut Niveau.