La mondialisation à visage humain se fera grâce à la conscience planétaire
Par S.E.M. Olzhas Suleimenov, Ambassadeur, Délégué permanent du Kazakhstan auprès de l’Unesco
Depuis les débuts de leur histoire, les peuples de la Terre aspirent à la prospérité et à la sécurité. Cependant, il a fallu des milliers d’années pour que les hommes commencent à comprendre qu’un pays pris isolément ou un groupe de pays n’étaient pas de force à accomplir cette tache. Seuls les efforts conjoints de l’Humanité entière peuvent y conduire. C’est ainsi qu’on point les prémisses d’une prise de conscience, au niveau planétaire, du fait que la Terre entière est la patrie de l’Homme pensant et que le seul peuple digne d’être élu est l’Humanité entière.
Egalement, depuis des temps immémoriaux le monde a été divisé en deux parties de l’univers : les pays du Levant et les pays du Couchant. Certains historiens et politiciens, saisis par leur emportement, ont vu dans les extrêmes oppositions et leurs rapports réciproques uniquement l’aspect du combat. D’autres, plus sérieux, ont essayé de mettre en évidence les faits attestant l’unité des contraires et se sont retrouvés beaucoup plus proches de la vérité.
De la hauteur des connaissances et de l’expérience modernes, nous voyons l’Orient et l’Occident comme les deux hémisphères du cerveau de l’Univers. C’est cette pensée qui doit fonder l’idéologie de la mondialisation.
Le monde n’a jamais été aussi vulnérable ni aussi interdépendant qu’aujourd’hui. Des problèmes de sécurité considérables se posent dès lors que les Etats sont déstabilisés par le terrorisme, l’extrémisme, les séparatismes agressifs et que les conflits qui éclatent dégénèrent souvent en affrontements armés. Ce qui nous préoccupe, c’est que les brusques explosions de violence que connaissent diverses régions suscitent des spéculations sur un « choc des civilisations », selon lesquelles le monde serait divisé en cultures, idéologies et conceptions religieuses opposées les unes aux autres.
La communauté internationale doit tirer la sonnerie d’alarme face à une telle situation, faisant le barrage aux phénomènes qui menacent de confirmer la thèse du « choc ». Certes, l’UNESCO s’y emploie ardemment. Mais les efforts doivent être intensifiés par la prise de conscience plus profonde et par l’action plus précise, fondées sur le fait que sans le dialogue tolérant, sans la conscience de l’interdépendance générale, il est impossible d’assurer la paix et le progrès.
Car bien que la mondialisation soit irréversible, le caractère de son évolution dépend de nous, membres de la communauté internationale. Le Kazakhstan est persuadé que les processus de mondialisation ont atteint un tel niveau et une telle puissance qu’il faut que leur développement s’appuie sur une base conceptuelle reconnue par tous.
Nous devons, en utilisant les possibilités offertes par l’UNESCO et d’autres organismes internationaux, renforcer la composante humaniste de la mondialisation afin que l’Occident ne continue plus d’être opposé à l’Orient, afin que disparaissent les fossés économiques, sociaux et technologiques qui séparent le Nord et le Sud.
C’est pour cette raison que le Kazakhstan a proposé à la 32ème session de la Conférence générale de l’UNESCO en octobre 2003, d’adopter une décision visant à proclamer 2006 « Année Internationale de la conscience planétaire et de l’éthique du dialogue entre les peuples ». Cette initiative a été saluée par l’UNESCO.
Dans sa résolution 30, approuvant la proposition du Kazakhstan, la Conférence générale de l’UNESCO a rappelé qu’un authentique dialogue n’est possible que lorsqu’il se déroule dans une atmosphère de respect absolu et d’incarnation des valeurs fondamentales communes à tous, et a exprimé la conviction de la nécessité du cadre conceptuel pour la mondialisation afin d’éviter des conséquences fâcheuses pour l’ensemble de l’humanité.
Cette décision permet, en effet, d’engager une grande réflexion à l’échelle mondiale, entre les gouvernements et dans la société civile, sur l’élaboration du projet et des règles morales de la mondialisation prévoyant, notamment, une observation stricte des principes de l’éthique du dialogue international et reflétant la prise de conscience de l’interdépendance des peuples.
Nous sommes satisfaits de cette démarche de l’UNESCO dont le Kazakhstan était à l’origine, car elle contribue à renforcer le dialogue des civilisations et des cultures en le dotant d’un objectif majeur – celui de la conscience planétaire.
La République du Kazakhstan apporte son soutien inconditionnel à la mise en œuvre de tous les programmes de l’UNESCO, notamment, ceux dirigés envers l’encouragement de l'identification, la protection et la préservation du patrimoine culturel et naturel considéré comme ayant une valeur exceptionnelle pour l’humanité. A cet égard, il est à noter que notre pays participe activement à l’application de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée par l'UNESCO en 1972. Les deux sites font désormais partie de la Liste du Patrimoine mondial : le Mausolée de Khoja Ahmed Yasawi et les pétroglyphes du paysage archéologique de Tamgaly.
Le mausolée de Khoja Ahmed Yasawi est une perle de l’architecture médiévale de l’Asie centrale qui a contribué de manière importante non seulement au progrès de l’architecture religieuse islamique mais aussi au développement spirituel des peuples de l’Asie centrale. Le 24 Juin 2004, le Salon Opéra du Grand Hôtel de Paris a accueilli la cérémonie solennelle consacrée à l’inscription du Mausolée sur la Liste du Patrimoine mondiale, durant laquelle le Directeur-Général de l’UNESCO, M. Kochiro Matsuura a remis au Ministre de la Culture de la République du Kazakhstan, M.Dussen Kasseinov, le Certificat de cette première inscription d’un site national kazakh sur la Liste du Patrimoine mondiale.
Les pétroglyphes du paysage archéologique de Tamgaly qui ont été inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondiale très récemment, le 30 Juin 2004, lors de la 28ème session du Comité du Patrimoine Mondial, représentent un ensemble dense de gravures sur pierre, avec les images sacrées, les autels et les lieux de culte, ainsi que les établissements et sites associés, constituant un témoignage important sur l’existence et les croyances des peuples de pasteurs des steppes d’Asie centrale, depuis l’Age du Bronze jusqu’à nos jours.
Je voudrais ajouter qu’il est très important pour que l’attention accordée au patrimoine matériel se double d’une attention accrue portée envers le patrimoine culturel immatériel. Cela prenne une dimension particulière si on prend en considération le cas de mon pays où les traditions orales constituent un des éléments fondamentaux de la culture kazakhe. Actuellement, le Kazakhstan est engagé dans la préparation du dossier de candidature de la grande épopée kazakhe « Kyz Jibek » à la 3ème Proclamation des chefs d’œuvres du patrimoine immatériel de l’humanité ce qui répond aux objectifs de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée par l’UNESCO en 2003.
Parmi une multitude d’événements qui nous ont suivi durant l’année précédente je voudrais attirer l’attention sur l’organisation par la Délégation Permanente du Kazakhstan auprès de l’UNESCO, des activités solennelles consacrées au 200ème anniversaire de Mahambet Utemissov, un grand poète-héros, figure emblématique de la culture kazakhe. Durant le colloque international « La poésie médiévale kazakhe » marquée par la participation chaleureuse de M. le Directeur-général de l’UNESCO Kochiro Matsuura, nous avons fait une présentation d’un tout premier recueil de poèmes de Mahambet en français intitulé « L’armoise rouge de la steppe ».
L’année 2004 est aussi une année particulièrement riche en émotions pour mon pays dans différents domaines de notre coopération avec l’UNESCO. Notamment, commencé trois ans auparavant, voila qu’on voit s’achever le projet de conservation et de restauration de la cité ancienne d’Otrar située à l’endroit stratégique de jonction entre les nomades et les agriculteurs et jadis servant de pont important pour les caravanes de la Route de la Soie.
Cette année et l’année 2005 le Kazakhstan célèbre sous l’égide de l’UNESCO le 100ème anniversaire de la naissance du peintre kazakh Abilkhan Kasteev qui, en étant le fondateur de l'école professionnelle nationale de peinture, a contribué de façon importante à l'art du XXème siècle en Asie centrale, et le 100ème anniversaire de la naissance d'Alkei Khakan Margulan, érudit passionné par l'archéologie, l'ethnographie, l'histoire, les études orientales et la philosophie, et qui est mondialement connu pour avoir considérablement contribué à faire connaître les sciences et les lettres kazakhes.
La République du Kazakhstan envisage de continuer à coo-pérer très étroitement avec l’UNESCO dans tous les domaines de son activité, notamment, dans le domaine des énergies renouvelables et de recherches approfondies des effets de l’énergie atomique sur le biosphère, en s’efforçant de contribuer à la réalisation des buts et objectifs fondamentaux de l’UNESCO tels la paix, la tolérance, le respect et la connaissance d’autrui, la préservation de notre Terre dans toute sa beauté pour les générations à venir.