France-Afrique du Sud : vers un partenariat stratégique
Premier partenaire de la France en Afrique sub-saharienne, l’Afrique du Sud devrait s’affirmer comme une des priorités des autorités françaises en matière d’échanges commerciaux et d’investissements avec les pays émergents. Si seul le pétrole lui fait défaut, le poids lourd du continent africain est placé en tête des producteurs mondiaux de minerais (au premier rang pour l’or, le manganèse, le platine et le chrome, au troisième rang pour le diamant). Ses grands groupes, tel Eskom dans l’électricité, MTN ou Vodacom dans les communications, le fabricant d’armes Denel, ont conquis le continent ou figurent en très bonne position à l’échelle internationale. L’Afrique du Sud s’affirme également parmi les premiers compétiteurs de l’Inde en matière de technologies de l’information.
La France n’y occupe encore qu’une position modeste, avec 4,2% de part de marché au 7ème rang des investisseurs étrangers. Mais dans la lignée de l’axe politique Paris-Pretoria inauguré par le Président Thabo Mbeki lors de sa visite en France en novembre 2003, les autorités sud-africaines ont manifesté leur volonté de voir émerger un partenariat économique renforcé avec la France. Faisant écho à cette volonté, la Chambre de commerce et d’industrie franco-sud-africaine (FSACCI) a lancé à la mi-novembre 2004, une campagne « J’adore South Africa » destinée à promouvoir les échanges commerciaux entre l’Afrique du Sud, la France et les pays francophones. Avec l’inauguration, le 21 octobre 2004, du premier magasin Louis Vuitton, l’un des leaders mondiaux du luxe, en Afrique subsahraienne, le développement des relations économiques franco-sud-africaines se voient offrir un précieux gage de confiance.
Avec plus de 70 filiales employant près de 33 000 personnes, les grands groupes français sont déjà bien représentés en Afrique du Sud. Détenant à parts égales (50/50) avec Eskom la société Phambili Nombane Energy Services (PNES), EDF est engagée depuis 2002 dans un projet doté d’un budget de 8,1 millions d’euros, concernant l'électrification rurale par énergie solaire de 15 000 foyers dans la province du Kwazulu Natal, dans le cadre du consortium qu’il forme avec Total (35 %). Dans le secteur de l’énergie, Air Liquide, partenaire de Sasol depuis une trentaine d’années, a conclu en mars 2002 un nouveau contrat pour la construction d’une nouvelle usine de séparation des gaz, destinée à approvisionner en oxygène le complexe pétrochimique de Sasol à Secunda. Dans le secteur agro-alimentaire, Danone se maintient au premier rang des produits laitiers frais. L’organisation de la Coupe du monde de football par l’Afrique du Sud en 2010 devrait également ouvrir de nouvelles opportunités aux entreprises françaises historiquement présentes dans le secteur de la construction. Bouygues constructions, à travers sa filiale sud-africaine Basil Read est ainsi sur les rangs, avec la RATP Internationale au sein du consortium Bombela, pour la construction d’une ligne de train à grande vitesse reliant Johannesburg et Pretoria. Elaboré sur le principe d’un partenariat public-privé, ce projet a été lancé par la province du Gauteng qui doit encore départager, d’ici la fin 2005, les deux consortiums mis en concurrence pour sa réalisation en 2010. De son côté, la société lilloise Groupe Five Lille fait partie du consortium à l’initiative du projet de route à péage sur la Wild Coast, dont la South African National Roads Agency Limited (Sanral) prévoit le début des travaux d’ici la mi-2005.
Si le marché sud-africain offre d’immenses opportunités, y investir relève également du pragmatisme à travers une nécessaire implication dans les grands enjeux socio-économiques du pays que sont la lutte contre le sida, le programme d'émancipation économique de la population noire (BEE) ou plus récemment le développement des technologies de communication. Pour Frédéric de Rougemont, Directeur de Lafarge Afrique du Sud, « dans un secteur à forte concurrence, Lafarge se doit d’être un fournisseur de référence et cela passe par un engagement dans le développement durable, le social et donc le sida »1 qui touche 5,5 millions de Sud-Africains. Détenant plusieurs cimenteries disséminées dans le pays, la société de construction française Lafarge multiplie ainsi les initiatives pour sensibiliser ses 1 500 employés aux dangers du Sida. Dans ce domaine, Biomérieux a conclu un accord en avril 2004 avec le « National Health Laboratory Services » portant sur la fourniture, dans les cinq années à venir, de 5 millions de réactifs VIH quantitatifs, l’installation de 94 instruments de biologie moléculaire et le soutien en matière de
service après vente et de formation, par le biais de son distributeur sud-africain Omnimed. Les entreprises françaises se sont également mises sans difficultés au Black Empowerment, les possibilités de dévelop-pement d’une entreprise étant étroitement liées à la nécessité de pouvoir compter sur un partenaire noir. La filiale sud-africaine de Total a ainsi vendu 25% de son capital à un consortium d’investisseurs noirs (Tasco) en mai 2003. Le groupe français des télécommunications, Alcatel, présent en Afrique du Sud depuis plus de 20 ans, a cédé en novembre 2003, 30 % des parts de sa filiale sud-africaine à New Seasons, société
holding d'investissements pour l'émancipation économique, réunissant un groupe d'investisseurs et de professionnels des télécommunications noirs. S’inscrivant dans le cadre de l'initiative « Alcatel digital bridge » lancée à Johannesburg pendant Africa Telecoms, en novembre 2001, Alcatel est également partenaire d’un projet innovant qu’il a annoncé à l’occasion de la visite du Président Mbeki à Paris, avec Vodacom, le premier opérateur sud-africain de réseau GSM, Manobi, une PME franco-sénégalaise (qui avait mis en œuvre un projet similaire au Sénégal avec Alcatel), et le ministère des Communications d'Afrique du Sud. Visant à fournir des technologies avancées de télécommunications aux communautés rurales d'Afrique du Sud, les premiers bénéficiaires de ce projet concernent, dans un premier temps, plus de 1 600 producteurs de coton de la province de Limpopo.
Représentant près des trois quarts du PIB de l’Afrique australe, l’Afrique du Sud fait également figure de porte d’entrée dans la région pour les entreprises françaises. Plus largement, l’expérience des entrepreneurs tricolores en Afrique francophone intéresse également les grands groupes sud-africains qui se sont affirmés, avec 420 millions d’euros en 2002, comme le premier investisseur en Afrique subsaharienne. Dans cette zone, les anciens clivages entre Afrique francophone et anglophone font de plus en plus place à de véritables opportunités de partenariats franco-sud-africains, notamment autour de grands projets, sous l’égide du Nepad dont les deux pays sont les plus fervents partisans. C.H.
1 – Le Monde, Fabienne Pompey, « Lafarge offrira des antirétroviraux à ses salariés sud-africains », 22/05/04.