La lettre diplomatique

Article – Afrique du Sud
La Lettre Diplomatique N°67 – Troisième trimestre 2004

Message de S.E.M. Thabo Mbeki, Président de la République d’Afrique du Sud

Je suis heureux de faire parvenir ce message à « La Lettre Diplomatique », à l’occasion de la publication d’un numéro en partie consacré à l’Afrique du Sud, au cours de cette année importante durant laquelle les Sud-Africains fêtent leur première décennie de liberté. Cela, nous le faisons avec tous nos amis et frères d’armes partout dans le monde.
La solidarité dont un grand nombre de Français ont fait preuve à notre égard lorsque nous luttions contre l’apartheid nous a permis de sortir vainqueurs de la lutte. Puis, c’est grâce à cette liberté si chèrement acquise que tout notre peuple a pu commencer à avancer sur le long chemin qui conduit à la dignité.
Il y a dix ans, nous avons dû choisir l’impossible, faute de quoi, nous aurions entraîné notre peuple tout entier, Blancs et Noirs, dans un conflit catastrophique et sanglant. Notre fierté réside dans le fait que tous les Sud-Africains, Blancs et Noirs, réalisent chaque jour qu’ils sont responsables les uns des autres. Après avoir été un exemple terrible de racisme fanatique, nous sommes dorénavant déterminés à prouver que nous pouvons tous ensemble bâtir une société stable, viable, démocratique, non raciale, non sexiste et prospère.
Lorsque nous luttions pour mettre fin à la domination raciste, nous disions aussi que nous ne pourrions parler véritablement de libération sans intégrer l’émancipation des femmes. Aucun gouvernement en Afrique du Sud ne pourra dire qu’il est véritablement l’émanation de la volonté du peuple s’il ne cherche pas à résoudre la question centrale de l’émancipation des femmes dans tous les domaines.
Bien que dix ans seulement se soient écoulés depuis la fin de la dictature raciste, il est impossible d’imaginer aujourd’hui une Afrique du Sud qui ne soit pas démocratique. En fait, il est tout aussi impossible de relever les énormes défis qui sont les nôtres sans respecter le principe et la pratique selon lesquels c’est le peuple, et lui seul, qui gouverne.
Une pauvreté endémique largement répandue continue de défigurer notre société. Il nous sera impossible de dire que nous avons pleinement rendu à notre peuple sa dignité tant que cette situation perdurera. C’est pour cette raison que la lutte contre la pauvreté est et restera au cœur de notre effort national pour bâtir une nouvelle Afrique du Sud.
Nous ne parviendrons pas à résoudre nos grands problèmes sociaux si nous ne créons pas plus d’emplois et ne réduisons pas la pauvreté. Tous les domaines sont concernés, depuis l’amélioration de la santé de la population à la réduction de la criminalité, en luttant contre l’analphabétisme et en ouvrant les portes du savoir et de la culture à tous.
Ce sont là, entre autres, les objectifs que nous partageons avec le reste de l’Afrique et la diaspora africaine, ainsi qu’avec des milliards d’êtres humains un peu partout dans le monde qui, comme des millions de Sud-Africains, continuent de souffrir. Nous devons absolument renforcer nos liens avec eux pour décider tous ensemble de ce que nous devons faire pour résoudre ces problèmes communs. Nous pouvons puiser notre courage dans le fait que notre continent, après s’être totalement libéré du joug colonial et de sa domination par une minorité de Blancs, soit parvenu à créer l’Union Africaine et à commencer à mettre en œuvre son programme de développement, le Nouveau partenariat pour le Développement de l’Afrique.
Notre tâche commune est d’assurer que ces initiatives historiques atteignent leur objectif qui est de conduire l’Afrique vers la victoire de la Renaissance Africaine. L’Afrique du Sud démocratique s’emploiera de toutes ses forces à promouvoir cet objectif.
A la veille de notre deuxième décennie de démocratie, ce que nous avons accompli jusqu’ici est la preuve, c’est sûr, que nous pouvons résoudre nos problèmes. Nous sommes certains que l’Afrique du Sud et l’Afrique enregistreront de nouveaux progrès sur la voie qui mène à une vie meilleure pour tous.
Nous avons aussi la certitude qu’au moment où notre pays se lance dans cette aventure, le peuple français, fidèle compagnon de voyage, sera de nouveau à nos côtés et ce sera un véritable privilège pour nous de nous retrouver en si bonne compagnie…


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