Relations économiques et commerciales franco-russes : résultats et perspectives
Par M. Ivan Prostakov, Chef de la Délégation économique et commerciale de la Fédération de Russie en France
Il y a un peu plus d’un an, La Lettre Diplomatique consacrait aux relations économiques et commerciales franco-russes un important dossier très détaillé, et il pourrait sembler que trop peu de temps se soit écoulé pour y revenir. Pourtant, dans ce court laps de temps, un travail considérable a été accompli et nombre de programmes qui n’étaient à l’époque qu’à l’état de projet sont aujourd’hui devenus bien réel.
En fait, le rythme de notre coopération économique et commerciale s’est tellement accru et a atteint une telle dynamique, que chaque année est désormais marquée par des événements particulièrement dignes d’attention.
Les fondements du développement des relations franco-russes dans le domaine économique relèvent de deux facteurs réciproquement liés : la croissance stable de l’économie russe et la progression de l’intérêt de la plupart des entreprises françaises pour ce nouveau marché.
En 2003, la Russie a confirmé le rythme élevé de son essor avec un des niveaux de croissance du PIB les plus hauts dumonde – un taux de croissance de 7,3 %, maintenu en 2004. Avec une augmentation des exportations et des importations russes respectivement de 25,3% et de 22,7% en 2003, accompagnées par une réduction constante du taux d’inflation, la situation de nos finances publiques s’est améliorée : le budget russe dégage ainsi, à nouveau, un excédent. Certes, ces indices doivent leur hausse à la conjoncture favorable du marché des hydrocarbures, mais on peut également se féliciter de la mise en place de conditions favorables à une croissance économique à long terme, grâce notamment à l’ampleur des réformes socio-économiques et institutionnelles entreprises. Il serait d’ailleurs une erreur de croire que l’évolution positive du taux de croissance en Russie ne dépend que du dynamisme de son secteur pétro-gazier. En effet, entre 1999 et 2003, l’extraction de carburants en Russie a augmenté de 30%, tandis que la croissance du secteur de la construction mécanique s’est élevée de 43,5%, celle de l’industrie alimentaire de 39% et celle de la métallurgie non-ferreuse de 36%. Durant cette même période, la sidérurgie, l’industrie forestière, l’industrie chimique, la production de matériaux de construction pour le bâtiment ont également vu leurs volumes de production s’accroître d’ environ 30%.
La synergie de tous ces facteurs confondus est, sans doute, à l’origine de l’attractivité de plus en plus forte du marché russe pour les entreprises étrangères, y compris pour les entreprises françaises. En faisant valoir ces atouts et tenant compte de la concurrence croissante des pays tiers pour le marché russe, le Ministère français de l’Economie, des Finances et de l’Industrie a présenté, à l’automne dernier, un « Plan d’action Russie ». Auparavant, un document similaire avait été élaboré pour la Chine et les Etats-Unis, confirmant l’importance de la Russie pour le commerce extérieur français. Les objectifs principaux de ce plan sont de renforcer la présence des entreprises françaises sur le marché russe et de porter leurs parts d’investissements directs en Russie à un niveau en adéquation avec le poids relatif de la France dans l’économie mondiale – 9,5% (actuellement 4%) – et dans les échanges mondiaux – 5,1% (actuellement 4,1%).
La réalisation de ces objectifs est en fait inscrite comme la priorité de notre ligne directrice : la France se situe encore loin derrière l’Allemagne, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne tant pour sa part dans les échanges extérieurs de la Russie que pour celle concernant les investissements directs. Pourtant, le bilan de ces dernières années confirme les progrès notables enregistrés par les relations économiques et commerciales franco-russes : les échanges bilatéraux ont, en effet, été doublés depuis cinq ans, en atteignant 8,9 milliards d’euros en 2003. Les nouveaux projets d’investissements français en Russie indiquent également une tendance favorable : la première usine Michelin a commencé ses activités à l’été 2003 ; la deuxième cimenterie implantée par Lafarge est entrée en production à l’automne 2003 ; Auchan a ouvert son quatrième supermarché dans la Région de Moscou en mai 2004. On peut aussi mentionner l’installation d’infrastructures pour la réalisation à Moscou d’un nouveau modèle du constructeur automobile Renault, dont la mise en production est prévue pour 2005, ainsi que la création en Russie d’une entreprise commune pour le développement du moteur de l’avion régional en participation avec Snecma. Je n’évoque ici que les projets achevés ou récemment lancés, sans parler du bilan des activités de près de 400 entreprises françaises déjà bien implantées en Russie, dans les secteurs énergétique, agro-alimentaire, métallurgique, chimique et d’autres encore.
Leur nombre devrait évidemment augmenter dans un avenir proche, compte tenu de la fréquence des délégations d’affaires françaises effectuant à présent des visites en Russie. La plus représentative d’entre elles a été celle du MEDEF, conduite par son Président, Ernest-Antoine Sellière. Les chefs d’entreprises français ont, à cette occasion, été reçus par le Premier ministre de la Fédération de Russie Mikhaïl Fradkov, preuve encore de l’importance particulière que nous attachons à nos relations bilatérales. Il est d’ailleurs important de souligner que la délégation du MEDEF a non seulement visité Moscou, mais a également séjourné pour la première fois, à Iekaterinbourg, chef-lieu de la Région de l’Oural, l’une des régions de Russie les plus dynamique et prometteuse en matière de relations économiques internationales.
L’année 2004 a également été marquée par d’importantes visites d’Etat à caractère économique, notamment celle effectuée en juillet 2004 par M. François Loos, Ministre délégué au Commerce extérieur qui s’est rendu à Moscou et à Nijni-Novgorod, et celle de M. Nicolas Sarkozy, alors Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en septembre qui a fait un court déplacement officiel à Moscou. Les pourparlers avec leurs homologues et collègues russes – le Ministre du Développement Economique et du Commerce Guerman Gref, le Ministre de l’Industrie et de l’Energie Victor Khristenko, le Ministre des Finances Alexeï Koudrine et d’autres personnalités officielles ont, au delà du caractère protocolaire, également donné lieu à un réel et substantiel contenu. La dizaine de capitaines de grandes entreprises françaises que comptait la délégation de M. Nicolas Sarkozy n’était d’ailleurs pas le fait du hasard, si l’on considère que les projets développés par ces mêmes entreprises en Russie furent autant de sujets de discussion abordés lors des rencontres ministérielles.
C’est dans ce contexte que s’est tenue le 15 novembre 2004 à Paris la XIIème session du Conseil économique, financier, industriel et commercial franco-russe (CEFIC), sous la co-présidence de M. Nicolas Sarkozy et de M. Serguey Narichkine, Ministre et Chef de l’Administration gouvernementale. Il s’agissait de la première session du CEFIC dans sa nouvelle version, prévoyant la participation des acteurs des milieux d’affaires des deux pays et l’élaboration d’un programme d’activités pour l’année prochaine. Elle consiste, en fait, à résoudre rapidement tous les problèmes de nos relations économiques et commerciales, sans attendre la session annuelle dudit Conseil.
Le CEFIC a également mis l’accent sur les nouvelles directions de notre coopération, qui n’en est qu’à ses débuts. Dans le secteur financier par exemple, la Société Générale est en train de s’affirmer comme la première banque étrangère en Russie, offrant ses services aux particuliers. Les connaissances et l’expérience des sociétés françaises seront par ailleurs sollicitées dans le cadre de la restructuration de nos services urbains. Veolia Environement a ainsi conclu, en octobre 2003, un accord de coopération avec le gouvernement de la Région de Moscou. A l’inverse, les technologies russes peuvent aussi trouver des applications en France : en décembre 2003, le groupe Airbus a signé son premier contrat avec les entreprises russes Kaskol et Irkut pour la livraison de composants pour les fuselages des avions européens. De même, un autre accord très significatif a été signé en mai 2004 : la compagnie Aeroflot a confirmé l’engagement de négociations sur son entrée dans l’alliance Skyteam, prévues pour 2005. Bien que Skyteam soit de dimension internationale, c’est la coopération entre Aeroflot et Air France qui a fortement impulsé cette évolution et c’est son Président Jean-Cyril Spinetta qui a signé la lettre d’intention en question avec son homologue russe Valery Okoulov.
Tous ces exemples illustrent remarquablement la transformation de la coopération bilatérale franco-russe en une coopération multilatérale russo-européenne. C’est pourquoi nous croyons que la coopération économique franco-russe a de bonnes perspectives de dévelop-pement et un grand avenir, compte tenu des progrès de la mondialisation et de l’évolution du cadre de nos relations bilatérales. La France nous apporte ses idées novatrices, son savoir-faire, ses stratégies originales de développement industriel, scientifique et technique. Pour un pays dynamique comme la Russie, cet acquis considérable et utile est incontestablement devenu la véritable pierre angulaire du solide et durable essor de nos relations économiques et commerciales.