La CCL, un acteur dynamique de la place d’affaires luxembourgeoise
Entretien avec M. Michel Wurth Président de la Chambre de Commerce de Luxembourg
La Lettre Diplomatique : La Chambre de Commerce de Luxembourg est une institution de droit public, ce qui la rapproche du modèle consulaire français. Quelles sont ses missions et comment fonctionne cette chambre professionnelle élective ?
Michel Wurth : La Chambre de Commerce a une longue tradition au Grand-Duché de Luxembourg puisque sa création remonte au 1er octobre 1841. En 1924, la loi a institué au Luxembourg les chambres professionnelles à base élective et conféré à la Chambre de Commerce une personnalité civile. Les actions de la Chambre de Commerce sont décidées par son assemblée plénière qui compte 23 membres élus. L’affiliation à la Chambre de Commerce est obligatoire pour toutes les entreprises luxembourgeoises. Comme les cotisations des membres constituent sa ressource essentielle, la Chambre de Commerce jouit d’une autonomie financière qui lui permet de travailler de façon indépendante et objective. Aujourd’hui, elle défend les intérêts de plus de 40 000 membres affiliés, occupant plus de 200 000 personnes et représentant 80% du PIB. La Chambre de Commerce fait la promotion d’une économie ouverte, dynamique et compétitive pour permettre aux entreprises de se développer au Luxembourg et à l’étranger. Elle encourage également les investissements étrangers.
La mission de promotion des intérêts des entreprises passe souvent par l’intervention de la Chambre de Commerce dans la procédure législative, car au Grand-Duché, le gouvernement a l’obligation de demander l’avis de la Chambre de Commerce pour tout projet de loi ou de règlement grand-ducal concernant les secteurs d’activité représentés par la Chambre. Elle doit alors avoir à l’esprit l’intérêt économique général, ainsi que le souligne la loi de 1924. Par ailleurs, et cela reste une particularité du Luxembourg, la Chambre de Commerce a le droit de soumettre des propositions de loi au gouvernement qui devra les transmettre à la Chambre des députés.
Finalement, la Chambre de Commerce se positionne aujourd’hui également et avant tout comme prestataire de services pour ses ressortissants et pour toute personne intéressée par l’exercice d’une activité commerciale, financière ou industrielle au Luxembourg.
L.L.D. : Qu’est-ce qui caractérise l’économie du Luxembourg ?
M.W. : Le Luxembourg est un pays, dont l’économie est très ouverte sur l’étranger. Les entreprises luxembourgeoises font appel à la main d’œuvre étrangère, les marchés des entreprises implantées au Luxembourg sont souvent de dimension mondiale et les investissements étrangers représentent une part très importante du dynamisme de son économie.
La croissance économique a atteint 5,5 % en 2006. Notre pays connaît une remarquable stabilité politique. Les conflits sociaux sont rares et le dialogue social est très poussé. Le mécanisme de la Tripartite permet de dégager des compromis acceptables à la fois par les partenaires sociaux et par le gouvernement.
Dans l’absolu, le chômage reste très inférieur à la moyenne européenne, puisqu’il se situe autour des 4% au Luxembourg. Les finances publiques respectent les critères de Maastricht. Mais il est important d’affronter les problèmes à partir du moment où ils commencent à se poser. C’est le rôle de la Chambre de Commerce d’alerter le gouvernement, lorsque la situation commence à se dégrader et de proposer des mesures efficaces avant qu’il ne soit trop tard.
L.L.D. : La Chambre de Commerce de Luxembourg s’est dotée en 2004 d’un organe de formation, l’IFCC. Quels facteurs ont motivé la création de cet institut ?
M.W. : La création de l’Institut de Formation de la Chambre de Commerce (IFCC) a marqué une nouvelle étape dans l’offre de services de la Chambre de Commerce. Le nouveau bâtiment de la Chambre de Commerce offre un cadre exceptionnel pour tout type de conférences et de formations avec un centre de conférences et un centre de formation dotés de 40 salles sur plus de 6 500 m2. La formation professionnelle constitue aujourd’hui un instrument indispensable pour assurer le développement des compétences des personnes en activité professionnelle. L’année passée près de 6 000 personnes ont fait confiance à l’Institut de Formation de la Chambre de Commerce et celui-ci continue de rester à l’écoute des entreprises pour leur offrir des formations sur mesure.
L.L.D. : En raison de sa petite taille, de sa position au cœur de l’Europe et de la multiculturalité de ses habitants, le Luxembourg est résolument tourné vers l’extérieur. Comment se traduit cet aspect très international au sein de la Chambre de commerce ? Les entrepreneurs du Grand-Duché ont-ils su, selon vous, assimiler la mondialisation bien plus tôt que d’autres ?
M.W. : Le Grand-Duché de Luxembourg est un pays qui a toujours été ouvert à l’extérieur et ce bien avant que l’on ne parle du phénomène de mondialisation. Sur une population proche d’un demi-million d’habitants – dont 40% d’étrangers –, le Luxembourg ne saurait se fermer à l’extérieur sans courir le risque de s’asphyxier. Grâce à sa situation centrale en Europe entre la France, la Belgique et l’Allemagne, le Luxembourg dispose de tous les atouts pour devenir une plaque tournante pour les échanges internationaux. Cette ouverture naturelle à des marchés voisins a aidé les entrepreneurs luxembourgeois à assimiler peut-être plus facilement la mondialisation que certains de leurs confrères européens.
Le Département international de la Chambre de Commerce soutient les entreprises luxembourgeoises dans la conquête de nouveaux marchés en organisant des missions de promotion économique, des journées d'opportunités d'affaires, des participations à des salons de coopération, des visites accompagnées de foires internationales ou des stands collectifs sur d’importantes foires étrangères. Dans le but de promouvoir le Grand-Duché parmi les milieux d’affaires étrangers, le Département international accueille aussi régulièrement des délégations étrangères en visite au Luxembourg. Par ailleurs, la Chambre de Commerce assiste les entreprises depuis de nombreuses années dans les formalités d’exportation.
L.L.D. : Comment vit-on l’Europe au Luxembourg ?
M.W. : Les Luxembourgeois se sont prononcés en faveur du traité constitutionnel de l’Europe par référendum national. Le Luxembourg a toujours été un des plus fervents partisans de la construction européenne. En 1950, il a été parmi les six Etats fondateurs de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier inspirée par Jean Monnet et créée sous l'impulsion de Robert Schuman, natif de Luxembourg. Les gouvernements luxembourgeois successifs ont très tôt pris conscience de la nécessité d'une construction européenne garante de sérénité, après les déchirements du XXème siècle. C’est la raison pour laquelle le Luxembourg s’est toujours fortement impliqué dans la poursuite de l’idéal européen et sa concrétisation.
Le récent élargissement de l’Europe représente aussi une grande opportunité pour les entreprises. En République tchèque, en Pologne et en Hongrie, nos exportations ont été multipliées par dix. Aujourd'hui, on exporte plus en République tchèque et en Pologne pris ensemble qu'en Chine! Il existe donc des opportunités commerciales phénoménales. Le potentiel y est plus grand qu'ailleurs, car il y a un énorme besoin de rattrapage dans ces pays. On a souvent répété que l'élargissement était une nécessité politique et une opportunité économique à saisir. Mais les entreprises n'ont pas attendu la fin des négociations de l'élargissement et l'entrée de ces pays dans l'Union pour saisir ces opportunités.