Le Luxembourg et l’intégration européenne
Par M. Jean Asselborn, Vice-Premier ministre, Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du Luxembourg
L’intégration européenne constitue l’un des éléments-clés de notre politique étrangère et ce depuis 50 ans. C’est en effet à travers la Communauté européenne et ensuite par l’Union européenne que nous estimons que soient au mieux protégés nos valeurs et nos intérêts.
La politique étrangère luxembourgeoise se caractérise en effet par certaines constantes, comme les efforts en faveur de la paix et de la sécurité, la lutte contre la pauvreté et le sous-développement, l’engagement en faveur de la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, le développement durable, la disposition à assumer notre part de responsabilité au niveau mondial et le choix d’une approche multilatérale. Ces principes et objectifs fondamentaux se reflètent de façon naturelle dans l’Union européenne.
La position du Luxembourg dans le monde se définit notamment par la place qu’il occupe dans l’Union européenne et par le rôle qu’il est amené à jouer dans le cadre européen.
Toutefois la situation de l’Union européenne est actuellement pour le moins paradoxale : d’une part, la construction de l’UE est un grand succès – je citerai à titre d’exemple le marché intérieur, l’euro, la levée des contrôles aux frontières -, mais d’autre part, les citoyens sont de plus en plus critiques et sceptiques face à l’Europe. C’est là une constatation que nous avons également faite au Luxembourg. Nous devons donc mieux expliquer, agir dans une plus grande transparence, et démontrer au jour le jour l’énorme valeur ajoutée qu’apporte l’Union européenne à nous tous.
Beaucoup de problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées sont de caractère transfrontalier : environnement, énergie, changement climatique, immigration, criminalité, etc. Dans tous ces domaines, les citoyens mettent l’accent sur l’Europe et demandent « plus d’Europe ».
Il est toutefois regrettable que, dans le cadre du débat sur l’Europe qui est en cours dans la plupart des Etats membres, on évoque trop souvent en des termes exclusivement négatifs le processus d’élargissement de l’Union européenne, en négligeant tous ses côtés positifs. L’élargissement de 2004, qui s’est achevé avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, a permis d’élargir l’espace de paix et de stabilité à l’ensemble de l’Europe. De nos jours, cela paraît normal, mais, parfois, on ferait peut-être bien de se le rappeler. Grâce à l’élargissement, l’UE est devenue plus grande et plus forte.
Lors du Sommet de Thessalonique en 2003, l’UE a ouvert une perspective européenne aux pays des Balkans : un engagement a été pris ! L’adhésion de ces pays n’est bien sûr possible que s’ils sont effectivement prêts.
Mais avant de pouvoir procéder à de nouvelles adhésions, l’Union européenne doit se doter d’instruments plus adaptés pour répondre aux besoins d’une Union élargie. Il nous faut un traité fondamental, basé sur la substance du traité constitutionnel. Les efforts de l’actuelle Présidence allemande devraient aboutir en juin pour nous remettre sur la bonne voie.
Si nous parlons de cette demande concernant « plus d’Europe », il nous faut aussi parler de la politique extérieure, de sécurité et de défense. Dans ce domaine, on compte de plus en plus sur nous, en Europe et au-delà de l’Europe. En tant qu’Union de 27 Etats avec une population dépassant 450 millions de personnes, une production représentant près d’un quart du PNB mondial, l’Union européenne constitue de facto un acteur international majeur qui doit être prêt à partager la responsabilité de la sécurité internationale et de la construction d’un monde meilleur. Et l’Union, malgré la passe interne difficile qu’elle traverse, est prête à assumer cette responsabilité.
De plus en plus souvent, on nous sollicite, et ce notamment dans des situations où des grandes puissances comme les Etats-Unis ou la Russie ne sont pas considérées par des pays tiers comme étant les mieux placées pour s’engager dans une coopération constructive. C’est ainsi que l’Union a été active au Congo, en Aceh, à Gaza, au Liban et est prête à jouer son rôle au Kosovo, au Proche-Orient et au Darfour.
Si, à l’avenir, nous voulons continuer à contribuer à la mise en place d’un système multilatéral efficace, d’un ordre international reposant sur les principes d’Etat de droit, et si, en tant qu’Union européenne, nous voulons jouer, de plus en plus, un rôle d’acteur sur le plan mondial, nous devons non seulement continuer à perfectionner nos instruments et assurer une meilleure cohérence de notre politique, mais nous devons aussi faire avancer le débat institutionnel.
2007 sera une année importante pour l’Union européenne : une année où il faudra poser des jalons pour faire avancer le processus d’intégration afin de permettre à l’Union de se développer, une année où, avec des ambitions communes, nous devons façonner l’avenir de l’Europe.
L’objectif du Luxembourg est de faire évoluer le processus européen dans un sens qui soit en ligne avec son engagement en faveur d’une Europe politique, en faveur de « plus d’Europe ».