La Grèce et l’UNESCO
Par S.E.M. Georges Anastassopoulos, Ambassadeur, Délégué permanent de la Grèce auprès de l’UNESCO
Fondée juste au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture se caractérise par un certain idéalisme qui prévalait à cette époque. La recherche de la paix et de la réconciliation entre les peuples, par le développement de la culture, la science et l’éducation – éléments qui unissent au lieu de séparer les êtres humains -, par le dialogue des civilisations, par les règles d’éthique qui transforment les comportements et par un humanisme qui mène vers un monde meilleur, ne revêt-elle pas, d’ailleurs, cette particularité ?
En parcourant l’histoire de l’UNESCO soixante ans plus tard, on ne peut échapper à un certain sentiment de frustration lorsque l’on tente d’évaluer les accomplissements de cette organisation.
L’UNESCO a bien agi, tout au long de ces décennies, mais les ambitions de ses fondateurs, au premier rang desquels figure la Grèce, n’ont pas été atteintes. De véritables succès ont certainement été accomplis, notamment dans le domaine de la culture et de la protection du patrimoine mondial, ainsi que quelques avancées dans le domaine de l’éducation et de la science, mais des réalisations spectaculaires font encore défaut à ce bilan. Elles ne figurent d’ailleurs dans le bilan d’aucune organisation internationale. On pourrait toujours continuer à rêver d’un monde bien meilleur, mais la réalité ne nous laisse pas grand espoir d’approcher nos aspirations.
La pertinence de cette analyse est celle qui doit guider notre esprit critique. Ne faut-il pas essayer de réorganiser l’UNESCO ? On peut admirer l’idéalisme qui continue de l’animer et les efforts qu’elle déploie dans un très grand nombre de domaines, mais les résultats ne se sont présents au rendez-vous.
Les ambitions restent grandes, mais les moyens ne sont pas à leur hauteur. Avec un modeste financement de 300 millions de dollars par an, des contributions volontaires et un personnel réduit, il est difficile de couvrir la quinzaine de domaines qu’elle couvre, aussi variés et aussi vastes, comme la culture, l’éducation, la science, les arts et les lettres, la philosophie, la communication, les sports, etc. Notre conclusion a été en conséquence bien claire. Il est grand temps que l’UNESCO fixe ses priorités et se concentre sur certains de ces domaines pour accroître son efficacité.
C’est en ce sens que nous avons avancé des propositions que l’Union européenne a adopté et qui ont été présentées au cours de la dernière Conférence générale de l’UNESCO, en octobre 2005.
C’est dans ce même sens que nous avons soutenu la nécessité et l’urgence de réformes et d’une réorganisation générale, pour que l’UNESCO devienne plus productive.
Le retour des Etats-Unis, après une bonne vingtaine d’années d’absence, a toutefois démontré que cette vieille organisation continue à peser dans le monde du XXIème siècle, en dépit de ses faiblesses, de ses problèmes et de son échec en matière de communication qui ne l’empêche de projeter ses réalisations.
Un certain dynamisme a toutefois vu le jour ces dernières années, inimaginable pour l’ancienne UNESCO du consensus à tout prix. Deux grandes batailles ont été engagées avec une intensité, jamais constatée auparavant. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a été votée par la Conférence générale en octobre 2005, à l’écrasante majorité de 148 voix pour deux seulement contre (États-Unis et Israël) et quatre abstentions. Une autre convention internationale contre le dopage dans le sport, d’une signification non moins importante pour combattre ce fléau, a aussi été adoptée par consensus.
La Délégation permanente de la Grèce auprès de l’UNESCO se réjouit d’avoir joué un rôle de premier plan dans ces combats et d’avoir pu contribuer de manière substantielle à l’élaboration de ces deux textes.
Nous sommes aussi heureux d’avoir contribuer positivement à ce que l’Union européenne (UE) présente un front commun qui a influé la préparation des deux conventions. Il faudrait néanmoins noter que dans la phase finale de ces combats, l’Union a été conduite avec un doigté exceptionnel par la présidence britannique, élément qui a d’ailleurs surpris plusieurs observateurs.
Lors des réunions de coordination des Ambassadeurs des pays-membres de l’Union à l’UNESCO, la présidence britannique a répondu positivement à nos demandes concernant l’amélioration du fonctionnement du centre et de la commission du patrimoine mondial au sein de l’Organisation des Nations unies. Il s’agit d’un sujet d’une importance primordiale, sur lequel l’UNESCO prend le risque de devenir la victime de son propre succès. Les tendances « inflationnistes » de ces derniers temps ont conduit, de notre point de vue, à l’inscription chaque année de dizaine de nouveaux sites sur la liste du patrimoine mondial, au point qu’on est arrivé à 812 sites inscrit, tandis que 1 500 autres apparaissent sur les listes indicatives des pays membres de l’UNESCO. Cette fameuse liste ne risque-t-elle pas d’être dédaignée à l’avenir, si l’on continue à ce rythme ?
Nous pensons qu’il est grand temps désormais de s’efforcer de modifier le mode de fonctionnement des organes compétents de l’UNESCO et d’essayer d’appliquer la convention de 1972 sur la protection du patrimoine dans un sens bien plus strict. Après de longues tractations, les délégations de 28 pays membres et candidats à intégration à l’UE ont envoyé au Directeur général de l’UNESCO, M. Koichiro Matsuura, une lettre exposant le problème et proposant des changements qui pourraient améliorer la situation. Il s’agit de la première démarche de ce genre entreprise par l’Union au sein de l’UNESCO et nous nous réjouissons d’en avoir eu l’initiative.
Fière de sa civilisation et de sa culture, la Grèce a toujours manifesté une grande sensibilité sur les questions concernant le patrimoine mondial. Elle a toujours déclaré que les sites classés au sein de ce patrimoine n’appartiennent pas aux pays où ils sont localisés, mais à l’humanité toute entière. C’est dans cet esprit qu’elle a généreusement contribué à la restauration du musée de Kambul pour un montant de 750 000 dollars, et avec une première donation de 100 000 euros pour les monuments du Kosovo.
Le Gouvernement hellénique de M. Costas Karamanlis a, d’ailleurs, fait du développement de sa politique culturelle une priorité. C’est dans cet esprit que la Délégation permanente de la Grèce auprès de l’UNESCO s’efforce de travailler.