Pour un soutien plus actif au rôle de la Lituanie dans la politique de bon voisinage de l’UE
Par M. Michel Destot, Député, Président du Groupe d’amitié France-Lituanie à l’Assemblée nationale
Un groupe d’amitié tient un peu de la dionée, souvent prostrée, feuilles pendantes. Mais qu’une personnalité du pays ami vienne à passer et vous verrez la plante se redresser… La rencontre vient alimenter les dossiers. Car le groupe reste essentiellement un organe de veille, qui profite du travail de ses membres et leur permet d’échanger. Il emmagasine de l’information, sollicitant régulièrement – et jamais en vain – les ambassadeurs. C’est fort de cet acquis que j’ai pu participer au débat sur la question de Kaliningrad, au titre de la Commission des Affaires étrangères, puis, en janvier 2005, en qualité de Président du groupe d’amitié, à un séminaire sur l’avenir énergétique de la Lituanie, tenu à Vilnius.
En tant que Maire de Grenoble, je suis aussi à l’origine du jumelage de ma ville avec celle de Kaunas, en 1997, et j’ai eu le bonheur de voir l’initiative m’échapper, les milieux culturels, économiques et associatifs, les professionnels du droit, de la santé et de l’éducation prenant le relais.
Il arrive aussi que la dionée trouve à se goberger : à l’occasion d’une réception ou d’une mission. Il se trouve que nous venons de recevoir une délégation de nos collègues lituaniens, au début d’avril. Ils nous ont rendu la visite que nous avions faite… à leurs prédécesseurs, en février 1997 ! Les têtes étaient nouvelles, mais nous avons constaté à nouveau une grande unanimité dans les objectifs. Il y a neuf ans, nos hôtes se préoccupaient de ce qu’il allait advenir de leur candidature à l’Union européenne et à l’OTAN, s’inquiétant de l’adoption par l’Assemblée de l’accord d’association. Cette fois, nos invités se souciaient de leur entrée dans l’euro, de la meilleure gestion possible des fonds structurels et de l’adoption d’une stratégie énergétique commune…
De cette visite, je retiendrai quelques points forts. Le premier est que le report de l’admission dans la zone euro, maintenant pratiquement certain, sera ressenti comme injuste : la Lituanie, nous a-t-on dit, va, pour un epsilon d’inflation en excès, payer le gage d’un simple désir de vertu.
Ensuite, nos interlocuteurs ont insisté pour la mise en œuvre rapide du marché commun de l’électricité, ce qui implique l’interconnexion des réseaux entre les Pays baltes et le reste de l’Union – la Pologne notamment. S’ils se félicitent des conclusions du Conseil européen du 24 mars, ils s’inquiètent de leur application au vu de l’accord germano-russe de septembre sur le projet de gazoduc nord-européen, faisant valoir que la réalisation de ce dernier vaudra pour Moscou permission de poursuivre indéfiniment le chantage au gaz sur les pays de « l’étranger proche ».
En troisième lieu, tout en se souciant de développer le recours à la biomasse, ces parlementaires de tous groupes sont apparus déterminés à maintenir une production d’électricité nucléaire, pour eux et leurs voisins baltes. Il apparaît que ces pays seraient prêts à contribuer à la construction d’un nouveau réacteur à Ignalina, en Lituanie, et la Pologne pourrait s’associer à l’entreprise. Le projet ne pouvant être mené à bien en trois ans, il serait logique que l’Union européenne accepte de reporter la date d’arrêt du réacteur actuel, fixée à 2009, pour permettre une continuité dans la production d’électricité.
Enfin, il faut être reconnaissant à la Lituanie de sa médiation en Ukraine, de ses efforts pour promouvoir la démocratie en Biélorussie et, plus largement, pour organiser le dialogue entre organisations « sous-régionales ». Cette contribution à la politique de bon voisinage mérite mieux encore : un soutien beaucoup plus actif de la France comme de l’Union européenne afin de ne pas laisser l’avantage à l’administration américaine, comme ce fut le cas au début de mai, lors du forum entre Etats de la Baltique et Etats de la Mer Noire.