La lettre diplomatique

Entretien – Namibie
La Lettre Diplomatique n°70 – Deuxième trimestre 2005

Une transition démocratique réussie

 

Quinze ans après avoir conquis son indépendance, la Namibie tourne une page de son histoire avec l’élection du Président Hifikepunye Pohamba, qui symbolise la réussite d’une transition   dont la capitale Windhoek reflète la diversité ethnique et l’essor économique du pays. S.E.M. Wilfried Inotira Emvula, Ambassadeur de Namibie en France, nous livre ses réflexions sur les atouts que possède son pays pour asseoir son développement et faire valoir son implication à l’échelle régionale.

 

 

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, la Namibie a ouvert un nouveau chapitre de son histoire avec l’élection du Président Hifikepunye Pohamba, successeur du père de l’indépendance, M. Sam Nujoma. Alors que votre pays a célébré le 21 mars dernier le 15ème anniversaire de son indépendance, comment décririez-vous les transformations qu’a accomplies la Namibie depuis lors ? Quelles priorités le Président Hifikepunye Pohamba a-t-il inscrit au cœur de son programme d’action ?

 

S.E.M. Wilfried Inotira Emvula  : Les bénéfices de l’indépendance ont transformé chaque facette de notre société. Le tissu social de notre nation a été fondamentalement et positivement modifié. Nos citoyens jouissent aujourd’hui des libertés et des droits qui leur ont été niés par le régime de l’apartheid. Relevant du même ordre d’importance, les signes du développement et des avancées socio-économiques sont visibles dans tout le pays. Notre pays est désormais résolument engagé sur la voie d’un avenir prometteur – une voie que nous suivons avec optimisme et confiance.

La transition du pouvoir présidentiel du Président fondateur, le Camarade Sam Nujoma, à Son Excellence le Président Hifikepunye Pohamba, s’est faite en douceur parce que, dès le premier jour de notre indépendance, nous nous sommes engagées à maintenir l’état de droit et à vivre selon une constitution démocratique qui a été adoptée unanimement par tous les partis politiques. C’est ainsi qu’a été façonné le socle durable d’une société démocratique et pacifique que nous avons continuée à construire durant les quinze dernières années.

En somme, la raison d’être et la détermination de notre lutte a été l’accomplissement de l’état de droit, de la démocratie et de la justice sociale. Il n’est dès lors pas surprenant que le changement de direction au plus haut niveau de l’Etat se soit fait en douceur, en accord avec les aspirations du peuple namibien. Ce processus a prouvé, sans aucun doute, que la démocratie et la bonne gouvernance sont désormais ancrées en Namibie, non seulement comme un système de gouvernement mais aussi comme un mode de vie.

En ce qui concerne les priorités du Président Pohamba, je souhaiterais souligner qu’il travaillera à mettre en œuvre les programmes et les politiques définies par le parti au pouvoir, le SWAPO. Parmi les domaines prioritaires en termes d’action politique, il faut souligner les Plans de développement national (NDPs), le Manifeste électoral 2004 du parti SWAPO et la Vision 2030. Toutes ces politiques sont destinées à promouvoir une croissance économique durable et à lutter contre le chômage qui touche particulièrement les jeunes et les femmes.

De plus, une attention particulière est accordée à la lutte contre la pandémie du Sida / HIV et à l’apport de services sociaux comme l’éducation, la santé, l’accès sans danger à l’eau potable, un meilleur logement, l’électricité, ainsi qu’à l’extension des infrastructures matérielles et de communication pour améliorer les rouages de notre économie. J’ajouterais également que la réforme agraire et la production alimentaire locale continueront à former un domaine prioritaire pour le gouvernement, par le biais du renforcement du secteur agricole.   

 

L.L.D. : Avec une croissance du PIB de plus 4% en 2004, l’économie namibienne puise son dynamisme dans le secteur minier et dans un secteur de la pêche en pleine expansion. A l’image des projets énergétiques ambitieux de votre pays, quels autres domaines d’activité les autorités namibiennes envisagent-elles de mettre en valeur ?

 

S.E.M. W.I.E. : La Namibie cherche à développer plusieurs secteurs d’activité économique, en particulier ceux qui permettent de valoriser nos ressources naturelles et de générer de l’emploi pour notre peuple. Dans ce but, nous invitons les investisseurs à s’impliquer dans n’importe quelle activité industrielle ou de transformation des matières premières de leur choix, ce n’importe où sur le territoire. La Namibie dispose d’un large éventail de ressources minières et d’un certain nombre de matières premières, et offre des opportu-nités d’investissement qui doivent encore être pris en compte dans les secteurs suivants :

– la taille et le polissage de pierres précieuses comme les diamants

– les bijoux fabriqués en argent, en or et à partir d’autres pierres

précieuses et semi-précieuses

– la taille et le polissage du marbre et du granit

– plusieurs produits élaborés à partir de sodalite et d’autre minéraux,

– le cuir et les produits dérivés en cuir

– les produits de verre

– les produits de laine (tapis et tricots)

– le filage et le tissage du coton (en particulier l’égrenage du coton)

– l’industrie du textile et du vêtement

– les produits pharmaceutiques

– les appareils domestiques

– le tourisme

La Namibie cherche en outre à devenir un centre régional pour le développement des technologies d’information et de communication dans le but de répondre à la demande croissante des marchés émergents d’Afrique et d’ailleurs. Dans ce contexte, les secteurs potentiels ouverts à l’investissement sont :

– le traitement de données par paquets et en temps réel de données

– toutes les tâches assistées par informatique comme le DAO (Dessin Assisté par Ordinateur)

– l’hébergement de bases de données et de sites internet

– les centres d’appels d’assistance sur internet

Nous essayons ainsi d’attirer les investisseurs français et nous espérons qu’ils seront séduits et qu’ils viendront en plus grand nombre investir dans notre pays.  

 

L.L.D. : Plus globalement, pouvez-vous nous expliquer les principaux axes du NDP2, le nouveau programme de développement économique namibien ?

 

S.E.M. W.I.E. : Le Second Plan de développement national (NDP2) fait partie d’un plan de développement à plus long-terme pour la Namibie, la Vision 2030. Le but global de la Vision 2030 est de transformer la Namibie d’un pays en voie dedéveloppement de niveau économique intermédiaire, en un pays hautement développé d’ici 2030. Les orientations du NDP2 sont dès lors tournées vers la réalisation des objectifs à moyen terme de ce vaste plan. Le NDP2 constitue en fait la première stratégie à moyen-terme pour atteindre certains buts de la Vision 2030. Les objectifs à moyen terme qu’il définit sont de :

– redynamiser et soutenir la croissance économique

– créer plus d’opportunités d’emplois

– réduire les inégalités de la distribution des revenus

– réduire la pauvreté

– réduire les inégalités internes de développement

– promouvoir l’égalité et la parité des genres

– promouvoir le renforcement économique

L’accomplissement des objectifs nationaux du NDP2 mentionnés plus haut, ne signifie aucunement, cependant, que d’autres objectifs tout aussi importants, soient mis de côtés. Le Gouvernement et le peuple de Namibie demeurent, au contraire, attachés à relever d’autres objectifs d’envergure nationale.

Le Gouvernement a ainsi identifié et soutient des domaines prioritaires comme :

– l’éducation et la formation

– la santé et les services sociaux

– le logement

– l’apport de ressources en eau

– l’agriculture

– l’industrie

– la pêche (etc)

Ces domaines et d’autres encore que je ne mentionne pas ici, continuent à être considérés comme des priorités de premier plan et sont fermement soutenus en leur allouant des ressources humaines et financières. Le Gouvernement et les autres parties concernées continueront de travailler ensemble pour soutenir et appliquer les stratégies de développement à travers des programmes et des projets bien conçus. Les stratégies du NDP2 consistent ainsi en :

– l’apport durable et le renforcement d’un environnement propice à la croissance économique et au développement ;

– la promotion d’un environnement et d’une écologie durable ;

– la promotion, l’extension et le renforcement d’un développement et d’une justice participatifs ;

– la promotion, le renforcement et le soutien de la bonne gouvernance et de la démocratie ;

– l’élargissement et le renforcement du rôle de la Namibie sur la scène internationale.

  

L.L.D. : En dépit d’une situation macro-économique relativement satisfaisante, la Namibie doit compter sur un important taux de chômage et un déficit public en hausse. Tout en tenant compte de la contrainte budgétaire, quelles initiatives sont-elles envisagées en matière de création d’emplois et de réduction des inégalités sociales ? Alors que le Président Hifikepunye Pohamba a rappelé l’importance de la lutte contre la propagation du virus du SIDA lors de son investiture, quelles mesures sont-elles prévues en matière de prévention et de soin ?

 

S.E.M.W.I.E. : Comme je l’ai déjà expliqué auparavant, nous sommes préoccupés par le taux de chômage élevé que connait notre pays mais aussi par les inégalités sociales. Nous essayons de résoudre le problème du chômage en encourageant les investissements locaux et étrangers dans de nombreux secteurs d’activité de notre économie et plus particulièrement dans les secteurs qui peuvent apporter de la valeur ajoutée à nos ressources naturelles et, grâce au processus industriel que cela implique, favoriser la création d’emplois pour notre population. En dehors du secteur industriel, nous cherchons également à développer le secteur touristique comme une source de création d’emplois. Nous accordons un intérêt particulier à l’éducation et à la formation en général afin de pouvoir disposer d’une main d’œuvre qualifiée et d’être en mesure de satisfaire les besoins du marché du travail. Dans cet effort, le défi qui se présente à nous est de chercher les technologies appropriées pour notre pays, d’identifier et d’attirer les partenaires adéquats pour atteindre notre but. Notre Gouvernement a pris des mesures concrètes pour conduire les réformes économiques et déployer de nombreux efforts pour réduire les inégalités sociales et assurer un niveau de vie acceptable et décent à tous les Namibiens. Nos efforts pour stimuler la croissance économique s’articulent autour de l’encouragement à un investissement national et étranger plus important, de l’amélioration de la productivité et de l’innovation, de l’accroissement du développement technologique, du développement de la qualité des ressources humaines ainsi que de l’accélération de la transition vers une économie du savoir. Nos efforts pour développer de nouvelles sources de croissance et favoriser l’accès à de nouveaux marchés, contribueront à diversifier l’économie qui, à son tour, renforcera le dynamisme macro-économique. En ce qui concerne la lutte contre le HIV / Sida, la Namibie a adopté un programme national pour faire face à la menace de cette pandémie sur notre population. Selon un récent rapport du Secrétaire général des Nations unies, celui-ci a permis à la Namibie et à deux autres pays africains, d’ouvrir l’accès au traitement par anti-rétroviraux à 25% des personnes éligibles. Dans notre cas, nous avons commencé ce processus seulement depuis août 2003, après avoir achevé la formation du personnel et l’identification des hôpitaux et des cliniques où de tels services pouvaient être offerts.

 

L.L.D. : Représentant une des conséquences du régime d’apartheid imposé au peuple namibien durant la colonisation sud-africaine, près de la moitié des terres arables est encore détenue par des fermiers blancs. Comment la question agraire peut-elle être résolue sans soulever de violences comme cela a été le cas au Zimbabwe voisin ? Plus largement, quelles sont les particularités de la politique de réconciliation nationale namibienne ?

 

S.E.M. W.I.E. : Le principe fondamental qui a sous-tendu la lutte de libération de la Namibie était fondé sur l’accès à la propriété et aux bénéfices économiques générés par les ressources naturelles, dont la plus importante est la terre. La terre forme le socle de l’existence et de la survie de la grande majorité des Namibiens. Malheureusement, les politiques menées autrefois par le régime colonial allemand, puis par le régime sud-africain de l’apartheid ont laissé en héritage une distribution inégalitaire de l’accès à la terre et de la propriété foncière. De nos jours, entre 60 et 70% de la population namibienne survit de l’agro-pastoralisme sur la terre communale de l’Etat qui couvre 41% de la superficie totale de la terre cultivable du pays. Par contraste, moins de 10% de la population vit et travaille sur des terres cultivables privées, qui constituent environ 44% de la superficie totale cultivable. De telles inégalités d’accès à la terre et à la propriété ne sont pas compatibles avec un développement durable et portent aussi en elles un potentiel considérable de conflit.

La Namibie, contrairement à la plupart des pays africains, possède une terre dont les possibilités d’exploitation sont marginales en raison du manque d’eau, des variations du pâturage, aisi que de la faible et variable capacité du cheptel. Ces contraintes environnementales limitent fortement une agriculture souffrant en outre d’une faible pluviosité.

Ces privations historiques du peuple namibien, aggravées par des facteurs environnementaux, constituent une partie des facteurs qui contraignent le Gouvernement du SWAPO à faire de la réforme agraire un des domaines prioritaires de son action. Après l’accession à l’indépendance politique, le Gouvernement de la République de Namibie a mis en place le Ministère des Terres et du Repeuplement et en a fait le principal gardien et la courroie de transmission des politiques et des programmes gouvernementaux sur la réforme agraire et la question de la terre.

Le Gouvernement a également réalisé que pour que la réforme agraire soit une réussite sur les plans économique et social, celle-ci devrait prendre en compte la question de la propriété et, dès lors, celle de son utilisation. Un large débat national a ainsi été engagé et a culminé avec la tenue, en juin-juillet 1991, d’une Conférence nationale sur la Terre qui s’est achevée par un consensus sur les moyens d’aborder les trois principaux domaines de préoccupation que sont les torts de l’expropriation coloniale, le travail à accomplir pour parvenir à l’égalité et le développement de politiques pragmatiques pour accroître efficacement l’utilisation de la terre.

La Conférence était aussi destinée à résoudre la question de la terre qui se pose en Namibie, dans un esprit de réconciliation nationale, de consultation et de reconstruction sociale. La politique namibienne de réconciliation nationale, adoptée à l’indépendance en 1990, en a fait une exigence et une nécessité pour réparer et corriger les inégalités historiques et les injustices en termes d’accès à la terre et à d’autres facteurs essentiels de production. C’est dans l’esprit de réconciliation nationale qu’une approche holistique a été adoptée pour traiter les questions de l’expropriation coloniale, de l’égalité de la propriété de la terre et de sa distribution ainsi que de l’utilisation efficace de la terre comme ressource naturelle.

Sur la base des Résolutions de la Conférence sur la question agraire de 1991, le Ministre des Terres et du Repeuplement s’est employé à développer des politiques et des législations pour engager le programme de la réforme agraire. La Loi n°6 de 1995 sur la Réforme agraire (aspects commerciaux) a ainsi été décrétée, parmi d’autres lois, pour donner à l’Etat le droit d’acquérir des terrains commerciaux par le biais du consentement mutuel du vendeur et de l’acquéreur, et pour les distribuer aux Namibiens qui étaient alors défavorisés. En 1998, l’Assemblée nationale a adopté la Politique agraire nationale comme ligne directrice de la mise en œuvre de la réforme agraire. La Politique nationale de Repeuplement a également été adoptée pour guider le processus de repeuplement. En 2002, la Loi sur la Réforme agraire communale a également été décrétée pour organiser la gestion et l’allocation des terres dans les zones communales par les autorités traditionnelles.

Ces éléments de la législation et d’autres encore sont la preuve que le Gouvernement de la République de Namibie a une conception claire de la manière dont la réforme agraire doit être conduite pour éviter que le chaos et des situations conflictuelles ne surviennent dans le pays.

Le processus de la réforme agraire est conduit de manière transparente, consultative et participative. La Commission consultative sur la Réforme agraire a, par exemple, été mise en place principalement pour conseiller le Ministre des Terres et du Repeuplement sur des sujets relatifs à la réforme agraire et au repeuplement. La commission est composée de différentes personnalités issues de différentes institutions comme l’Union agricole de Namibie (NAU), l’Union nationale des fermiers de Namibie (NNFU), et bénéficie de leur longue expérience ainsi que de la diversité de leur expertise. Le Tribunal des Terres a également été instauré pour servir d’arbitre en cas de contentieux sur la valeur ou le prix d’une exploitation agricole ou d’une propriété considérée comme appartenant à l’Etat.

Le principal objectif de la réforme de la terre en Namibie est de parvenir à une redistribution acceptable de la terre, d’améliorer les conditions matérielles des paysans pauvres des ouvriers agricoles et d’alléger le fardeau des Namibiens dépourvus de terres. Depuis que le programme sur la réforme agraire a été lancé, le Gouvernement, à travers le Ministère des Terres, a acquis 143 exploitations agricoles dans des zones commerciales. Dans notre effort pour montrer notre engagement à accomplir la réforme de la terre et le programme de repeuplement, le Gouvernement a chaque année (depuis 1995) mis en place une réserve budgétaire de 20 millions de dollars namibiens pour l’aquisition de terres dans les zones commerciales. Cette réserve a été élevée, depuis 2003, à 50 millions de dollars namibiens chaque année.

La réforme agraire fait partie du processus de repeuplement qui correspond à la volonté d’un individu ou d’une famille vivant dans un endroit ou dans une zone socio-économiquement pauvre de s’installer dans une zone désignée par le gouvernement et permetant de fournir des terres et d’autres facilités sociales. Avec le processus de repeuplement, des terres sont distribuées et rendues accessibles aux citoyens sans terre leurs permettant, dès lors, d’acquérir des moyens de subsistance et d’améliorer la qualité de leur vie.

Compte tenu de la distribution encore inégalitaire de la propriété foncière et en dépit de l’approche du consentement mutuel acheteur / vendeur, le Gouver-nement a chargé le Ministère des Terres d’introduire une taxe sur toutes les exploitations agricoles commerciales. Les fonds collectés à partir de cette taxe foncière seront déposés dans un Fonds d’acquisition et de développement foncier pour accroître le soutien au programme de la réforme agraire. Le prélèvement des taxes foncières a commencé au début de cette année (2005), après que le cadre logique ait été mis en place. Le but de l’imposition des propriétaires privés est de faire de la réforme agraire un programme de développement durable à l’avenir. L’introduction de l’impôt foncier encouragera également certains de ces propriétaires à vendre volontairement certaines de leurs terres à l’Etat.

Outre l’acquisition de terres à travers l’approche de consentement mutuel acheteur / vendeur, un processus que beaucoup considèrent comme trop lent et inefficace, le Gouvernement a ordonné que le Ministère des Terres mette en place des mécanismes pour l’expropriation foncière dans le meilleur intérêt de l’Etat. Ce processus est en cours et sera exécuté selon les termes prévus par la Constitution de la République de Namibie et par la Loi sur la réforme agraire de 1995. Sa mise en œuvre est accomplie avec prudence et en organisant une consultation participative. En accord avec la loi, et dans l’esprit de la réconciliation nationale et de la construction de la nation, l’expropriation de terres agricoles sera réalisée en contrepartie d‘une juste compensation. On considère que cette stratégie permettra d’améliorer et de contribuer positivement à la résolution de la question foncière en Namibie, sans provoquer de violence.

Nous espérons, au même titre que le Gouver-nement, que la mise en œuvre de la réforme agraire et du programme de repeuplement se poursuivra dans un esprit de réconciliation nationale et d’affirmation pour réaliser le développement socio-économique et la stabilité politique du pays comme de toute la région de la SADC. Ce processus s’avérant coûteux, le Gouvernement a également fait appel à la communauté internationale et les différents partenaires à le soutenir dans tous les domaines d’utilité.

 

L.LD. : Membre actif du processus d’intégration économique des pays d’Afrique australe au sein de la Southern African Development Community (SADC), la Namibie multiplie notamment les projets de transports intra-régionaux. Fort de son ouverture sur l’océan Atlantique, dans quelle mesure votre pays aspire-t-il à s’affirmer comme un débouché pour les pays enclavés de la zone ? A l’inverse, quels moyens peut-il mettre en œuvre pour se positionner comme une porte d’entrée sur ce marché, notamment dans la perspective de la création d’une zone de libre-échange au sein de la SADC ? Vingt-cinq ans après sa création, comment définiriez-vous le rôle de cette organisation régionale dans l’essor post-colonial de votre pays ?  

 

S.E.M. W.I.E. : Depuis que la Namibie en est devenue un Etat à part entière en 1990, notre pays s’est affirmé comme un membre très actif du processus d’intégration économique des pays de l’Afrique australe, dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Dans ce contexte, la Namibie a pris un certain nombre de mesures dans la perspective de développer les projets de transport intra-régionaux. Sa position géostratégique, avec une importante ouverture sur l’Océan atlantique, donne naturellement à la Namibie un immense potentiel pour s’affirmer comme la porte d’entrée sur le marché de la SADC. Cela fait d’elle en particulier une plate-forme commerciale et de transport avantageuse en termes de coût et de délais. Le Gouvernement namibien a travaillé dur pour mettre en place et améliorer les liaisons nécessaires par route et par rail avec ses pays voisins, ainsi que pour favoriser des moyens de transport efficaces sur le plan du coût et des délais. Le Trans-Kalahari Highway relie ainsi le Port de Walvis Bay avec les pays voisins du sud et de l’est. Le Trans-Caprivi Highway fournit un accès aux pays voisins du nord et du nord-est. Ces deux autoroutes servent déjà de voies majeures de commerce. Elles sont désormais renforcées par la construction d’un pont reliant les frontières nord-est de la Namibie avec la Zambie, permettant de faciliter le trafic au-dessus du Zambèze. Le réseau ferroviaire, qui est utilisé pour se rendre jusqu’à Tsumeb, une ville située à 426 kilomètres au nord de Windhoek, est actuellement étendu jusqu’à Oshikango, ville située à la frontière de la Namibie et de l’Angola. D’autres moyens comme la gestion, le stockage et les services au Port de Walvis Bay sont constamment améliorés pour assurer un transport rapide, efficace et sûr des marchandises de et vers la région. Pour se maintenir au même niveau que les autres pays membres de la SADC et, dans un effort visant à accroître les flux d’investissements étrangers, la Namibie procède actuellement à la révision de ses régimes favorables à l’investissement. L’Export Processing Zone (EPZ) demeure encore le cœur de ses atouts pour attirer l’investissement étranger en Namibie. Jusqu’à présent, 32 compagnies sont entièrement opérationnelles sous ce régime et ont investi plus de 5,5 milliards de dollars namibiens, créant plus de 10 000   emplois directs. Le large éventail des compagnies internationales qui se sont implantées en Namibie sous le régime de l’EPZ comptent des entreprises productrices de textiles, de vêtements, de plastique, de cuir, de marbre, de composants automobiles, des entreprises d’accessoires de salles de bain domestiques, d’affinage de zinc, ainsi que de nombreuses entreprises de taille et de polissage de diamants.

 

L.L.D. : A l’aune de la visite officielle effectuée en avril dernier par le Président Hifikepunye Pohamba, votre pays et l’Angola ont amorcé un renforcement de leur coopération économique. Comment qualifieriez-vous le potentiel de cette coopération ? Cette orientation est-elle, selon vous, motivée par une volonté de diversifier les partenariats économiques de la Namibie ? L’entrée en vigueur de l’union douanière entre la Namibie et l’Afrique du Sud consacre-t-elle la primauté du partenaire économique sud-africain ? Dans quels autres domaines, le Président Hifikepunye Pohamba compte-t-il approfondire la coopération entre les deux pays ?

 

S.E.M. W.I.E. : Les relations bilatérales forment une partie intégrante de notre politique de diplomatie économique. Dans cet esprit, le Gouvernement namibien s’est engagé à étoffer, consolider et élargir les excellentes relations qui lient la Namibie à ses pays voisins. La Namibie et l’Angola partagent une longue frontière, ce qui donne tout son sens à la promotion de relations commerciales d’envergure entre les deux pays frères. Pour la Namibie, l’Angola représente un important marché avec un potentiel immense, à la fois sur le court et le long terme. C’est dans ce contexte que la coopération et le commerce sont renforcés pour le bénéfice mutuel des deux pays.

Je devrais également ajouter que les efforts pour étendre les relations commerciales entre la Namibie et l’Angola par exemple, ou avec tout autre pays, ne sont pas poursuivis au détriment ou au profit de l’Afrique du Sud ou de n’importe quel autre de nos partenaires. Cela pourrait constituer une contradiction, mais ces efforts doivent plutôt être perçus comme s’inscrivant dans notre engagement à atteindre les objectifs de notre diplomatie économique pour promouvoir nos intérêts nationaux.

D’un point de vue plus général, les efforts de la Namibie sont destinés à se rapprocher des objectifs de l’intégration régionale dans le cadre de la SADC. Ils sont fondés sur la conviction que l’accroissement des relations économiques et commerciales entre les Etats membres, nous rapproche de l’intégration économique régionale et, même éventuellement, de l’harmonisation économique continentale en accord avec les principes du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD).

 

L.L.D. : Quatre ans après le retrait des troupes namibiennes de la République démocratique du Congo comment percevez-vous l’équilibre encore fragile de la région des Grands lacs ? D’un point de vue plus général, quelle est votre vision de la difficile mise en œuvre du Nouveau partenariat pour l’Afrique, le Nepad, en dépit des progrès enregistrés par l’Union africaine (UA) ?

 

S.E.M. W.I.E. : En tant que membre des Nations unies, la Namibie poursuit sa participation aux missions de maintien de la paix de l’ONU, à travers laquelle elle contribue au maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale, objectif inscrit dans la Charte des Nations unies. La Namibie est convaincue qu’une intervention par la force à l’échelle continentale ne peut avoir lieu que par le biais et sous l’autorité de l’Union africaine ou d’organisations sous-régionales agissant en accord avec les clauses de la Charte des Nations unies.

C’est dans cet esprit que la Namibie est devenue un des premiers pays, avec trois autres, à avoir coordonné, sous l’égide de la SADC, l’envoi de troupes en RDC pour éviter une situation menaçante. Après le retrait de ces troupes qui ont été remplacées par la MONUC, la situation s’est améliorée. Toutefois, la situation demeure d’actualité, les dirigeants de ce pays ayant mis en place un gouvernement intérimaire, qui devrait préparer la rédaction d’une constitution et la tenue d’élections. En dépit des retards, nous espérons que les problèmes en RDC seront résolus, pour assurer la paix dans la région des Grands Lacs.

Le NEPAD constitue un plan d’impulsion du développement en Afrique qui pourra surmonter certaines difficultés auxquelles il est confronté aujourd’hui, une fois que les peuples africains commenceront à bénéficier de ses programmes. Au lieu d’accepter les appels du NEPAD en faveur d’un nouveau partenariat entre l’Afrique et la communauté internationale, en particulier avec les pays hautement industrialisés, pour assurer sa réussite, les Africains devraient s’affirmer comme les maîtres-d’œuvre de ce programme.

 

L.L.D. : Premier bailleur de fonds de votre pays, l’Allemagne a reconnu en 2004 les massacres commis contre l’ethnie Hereros durant la période coloniale. Comment percevez-vous les revendications Hereros portant sur des réparations ? Comment qualifieriez-vous aujourd’hui les relations germano-namibiennes ? Plus largement, quels sont vos attentes à l’égard de la politique européenne en matière d’aide au développement ?

 

S.E.M. W.I.E. : En 1989, le Bundestag allemand a adopté une résolution qui souligne le concept de « relations spéciales » entre l’Allemagne et la Namibie. Les relations politiques et économiques entre la Namibie et l’Allemagne sont constructives et s’améliorent, en particulier, si l’on prend en compte le large spectre des liens et des domaines de coopération qui existe aujourd’hui entre les deux pays. La Namibie reconnaît à sa juste valeur l’accroissement de l’intérêt du gouvernement allemand pour l’Afrique, tout en étant bien conscient des difficultés financières du pays.

L’Allemagne est attachée à voir se consolider les relations entre l’UE et la SADC d’une part, et l’UE et l’Union africaine d’autre part. Elle est également intéressée à voir des initiatives comme le NEPAD devenir une réussite pour le renforcement des capacités africaines en matière de prévention et de gestion des conflits armés et de développement de mesures de maintien de la paix au sein de l’Union africaine.

Globalement 33% de l’ensemble de l’aide au développement allemande sont alloués à l’Afrique et la Namibie continue d’être considérée comme un « pays partenaire prioritaire ».

Le Ministère de la Coopération économique et du Développement a récemment annoncé que pour la planification budgétaire de la prochaine année fiscale, il propose de doubler le montant financier que l’Allemagne consacre aujourd’hui à la Namibie, en la faisant passer de 12 à 24 millions d’euros par an.

En outre, Mlle Heidemarie Wieczorek-Zeul, la Ministre allemande de la Coopération économique et du Développement a initié l’Initiative germano-namibienne pour la Réconciliation et le Développement, après qu’elle ait assisté à la cérémonie commémorant le 100ème anniversaire du génocide des Hereros qui s’est tenu à Okakarara en août 2004. Cette initiative comprend des projets spécifiques   pour les communautés qui ont été touchées par les guerres coloniales – Herero, Dama et Damara – et sera en vigueur pour environ une dizaine d’années. Ces projets devraient atteindre les gens sur le terrain. Les fonds, 20 millions d’euros (2 millions par année sur une période de dix ans), alloués à ces projets seront accordés en plus de ce qui est prévu par la coopération pour le développement du Gouvernement allemand.

Le Gouvernement de la Namibie attire également l’attention sur le fait que tous les fonds destinés à la coopération pour le développement et leur utilisation seront décidés dans le contexte des négociations gouvernementales germano-namibiennes.

La Namibie fait encore face à des défis majeurs comme le fait que 37% des Namibiens vivent dans une situation d’extrême pauvreté. La pandémie du HIV / SIDA touche la jeunesse et la part de la population namibienne la plus productive. On estime à 19% la part de notre population victime de la maladie (en 2004). De plus, 10 milliards de dollars namibiens sont nécessaires pour remplir les objectifs de développement et assurer les besoins financiers des programmes d’action sur la période que couvre le NDP2, c’est-à-dire pour 2004-2005 à 2005-2006. Le montant total des besoins financiers requis pour la mise en œuvre de l’ensemble du NDP2 s’élève à 17,9 milliards de dollars namibiens.

Alors que le commerce et l’investissement constituent des facteurs moteur de croissance et, selon le principe de la promotion du commerce plutôt que de l’assistance, l’aide au développement provenant en particulier de l’Union européenne, continuera d’être un outil nécessaire pour soutenir les efforts africains.   

 

L.L.D. : Fort du soutien de la France à la lutte pour l’indépendance de la Namibie, les deux pays ont développé des relations relativement denses. Alors que les relations économiques franco-namibiennes demeurent encore modestes, dans quels secteurs économiques votre pays peut-il attirer des entreprises françaises ?

 

S.E.M. W.I.E. : L’économie namibienne repose sur cinq secteurs prioritaires qui sont centraux dans les objectifs de développement du pays. Il s’agit de l’agriculture, des mines, de la pêche, de l’industrie et du tourisme. Depuis l’indépendance en 1990, le gouvernement namibien a accordé une attention particulière à l’apport de valeur ajoutée à tous les secteurs d’activité dans le but de renforcer la base industrielle du pays et ainsi d’optimiser les profits économiques. Notre Bureau commercial et notre Mission à Paris en général ont travaillé intensément pour suciterer une prise de conscience au sein du monde des affaires français, sur les atouts et les opportunités qu’offre notre pays aux investisseurs locaux et étrangers. La tâche n’a pas été vraiment aisée, certainement en raison du contexte historique et culturel. Nous avons, en effet, réalisé que pour des raisons historiques et culturelles, les hommes d’affaires français s’intéressent plus facilement aux pays francophones pour leurs investissements qu’à toute autre région. Nous sommes toutefois très optimistes à l’égard des perspectives d’avenir de coopération entre nos deux pays. Depuis le lancement de notre Bureau commercial il y a trois ans, nous avons reçu de nombreuses demandes d’informations commerciales et nous avons enregistré plusieurs manifestations d’intérêt à investir dans différents secteurs d’activité. Nous avons également facilité la tâche de nombreux investisseurs français dans leur processus d’implantation en Namibie. En fait, il est vrai que nous souhaiterions voir plus d’investisseurs français venir dans notre pays et diversifier leurs investissements dans d’autres secteurs que le seul secteur touristique. Les secteurs suivants font partie de quelques domaines d’intérêt dans lesquels les investisseurs français pourraient être amenés à investir :

– L’agriculture avec le « Programme du Projet Vert » a un grand potentiel   pour contribuer à la croissance économique du secteur agricole de l’économie et à la création d’emplois. Il pourrait également offrir de grandes opportunités pour des récoltes de haute valeur destinées au marché local et des possibilités d’exportation. Un lien entre la production agricole et le développement industriel devrait en outre être établi. Par exemple, des productions comme celle du coton, du raisin et du millet devraient être transformées avant d’être exportées afin de valoriser ces produits et de créer de l’emploi.

– Dans le secteur minier, le « Corridor Copper », qui est une initiative entre la société namibienne Ongopolo et leurs homologues de Zambie et de RDC, semble avoir un fort potentiel.

Si ce projet se déroule comme prévu, davantage de cuivre en provenance de ces pays pourrait être transformé à Tsumbed en Namibie et une affinerie de cuivre et une usine de transformation pourraient éventuellement être créées. Le gouvernement pourrait engager des négociations avec les parties concernées pour accélérer la création d’une usine afin de fabriquer des produits dérivant du cuivre, comme des câbles.

– Le secteur de la pêche est une importante activité lucrative d’échanges extérieurs et un générateur significatif d’emplois en Namibie. Le gouvernement est notamment attaché au développement de l’aquaculture qui offre un   immense potentiel pour lutter contre la pauvreté, améliorer la sécurité alimentaire et créer plus d’opportunités d‘emplois.

– Le secteur industriel recèle un important potentiel pour apporter de la valeur ajoutée aux abondantes ressources naturelles namibiennes et contribuer de manière significative au PIB grâce aux exportations de produits à haute valeur ajoutée. Afin de développer ce secteur, le gouvernement pourrait adopter une politique de « tolérance zéro » à l’égard de l’exportation de matières premières, en créant éventuellement une taxe. Cela doit encore faire l’objet d’une étude complète et de la consultation de toutes les parties concernées. Il faut également faire prendre conscience des opportunités et des avantages que pourrait engendrer l’apport de valeur ajoutée à ces produits.

– Les textiles possèdent le potentiel d’être une industrie viable en Namibie en dépit des récents désinvestis-sements. Une importante stratégie pourrait être mis en œuvre à cet égard. Par exemple, une période spécifique pourrait être définie pour permettre aux agriculteurs de fournir des matières premières aux fabriques d’égrenage de coton, puis fournir leur production de aux usines de textile. Les agriculteurs pourraient s’organiser en coopératives et la banque de développement pourrait leur faciliter l’accès au crédit. Les usines pourraient mettre en place une stratégie de marketing, dont les exportations constitueraient la première option et les détaillants locaux pourraient être mobilisés pour acheter ces produits. Dans le domaine de la construction, la Namibie est une nation jeune en développement, qui a encore besoin de développer la construction de logement et ses infrastructures pour sa population croissante, et de créer, par la même, des opportunités pour une plus grande croissance de l’industrie.

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