La lettre diplomatique

Editorial
La Lettre Diplomatique n°61 – Premier trimestre 2003

L’OEPP – réalisations et nouveaux défis en protection des plantes

I.M. Smith, Directeur général


L’Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des plantes a été créée en 1951 par la volonté commune de 15 pays européens. Après la deuxième guerre mondiale, l’agriculture européenne était confrontée à de graves difficultés, en particulier une ressource alimentaire essentielle se trouvait menacée par l’introduction du doryphore (Leptinotarsa decemlineata). Ces 15 pays réalisaient alors que la création d’une organisation internationale leur permettrait de lutter plus efficacement contre ce ravageur. Le travail de l’OEPP s’est ensuite étendu à la prévention de l’introduction d’autres ravageurs ou maladies provenant d’autres parties du monde, et à la limitation de leur dispersion au sein de l’Europe en cas d’introduction. Ces activités relatives à ce que l’on qualifie généralement de ‘quarantaine des plantes’ ont constitué la principale priorité de l’OEPP au cours de ses 50 années d’existence. Parmi les cas importants étudiés, on peut citer le feu bactérien des arbres fruitiers, le dépérissement américain du chêne, le hanneton japonais, la carie de Karnal du blé, les thrips et les mouches mineuses des cultures sous serre. Par la suite, les activités de l’OEPP ont rapidement englobé la protection des plantes en général, incluant les produits phytosanitaires. Aujourd’hui, 44 pays européens et méditerranéens sont membres de l’Organisation (y compris les pays de l’Union Européenne). Nos partenaires sont les Organisations Nationales de Protection des Végétaux, en d’autres termes les services officiels responsables de la protection des végétaux dans chaque pays. L’OEPP est financée par les contributions versées par chaque gouvernement membre.

L’OEPP est une organisation normative

L’OEPP est essentiellement un organisme technique et consultatif. Les travaux sont dirigés par deux Groupes de travail, reflétant ainsi les deux principaux domaines d’activité : la quarantaine végétale et les produits phytosanitaires. Les détails sont élaborés par 15 groupes d’experts nommés par les pays. Un Secrétariat de 11 personnes basé à Paris a pour tâche de faciliter le travail des experts en préparant les documents et en organisant les réunions. Lors des discussions, l’accent est mis sur les principes scientifiques. De ce point de vue, l’OEPP peut être considérée comme un forum de discussions libres et scientifiques, servant parfois de base pour des discussions plus politiques qui ont lieu dans d’autres instances. Un esprit de famille s’est développé au cours des années ce qui facilite une approche commune et l’obtention de compromis sur des sujets difficiles. A l’issue de son travail, l’OEPP génère des recommandations officiellement approuvées par le Conseil de l’OEPP, où l’ensemble des pays membres sont représentés. Ces recommandations sont désormais considérées comme des “normes régionales“. Aujourd’hui, plusieurs centaines de normes ont été publiées sur un très grand nombre de sujets : évaluation biologique des produits phytosanitaires (efficacité), bonne pratique phytosanitaire, production de matériel de plantation sain, listes d’organismes de quarantaine, analyse du risque phytosanitaire, protocoles de diagnostic etc. Les échanges d’information au sein de l’Organisation constituent également une tâche importante. De nombreux ouvrages, journaux et programmes informatiques ont été préparés par le Secrétariat de l’OEPP.

Les nouveaux défis à relever

Au cours des dix dernières années, les activités de l’OEPP se sont très fortement accélérées, ce qui reflète l’accroissement des tâches attribuées aux services nationaux de protection des végétaux.

La mondialisation des échanges commerciaux

Les échanges commerciaux se sont à la fois accrus et diversifiés, ce qui implique une augmentation des risques d’introduction de nouveaux organismes nuisibles dans de nouvelles zones géographiques. De plus, la pression politique pour un commerce libre est très forte, et les réglementations phytosanitaires mises en place par les gouvernements afin de protéger leur agriculture sont perçues comme des entraves au commerce. Ces changements ont amené les pays et les organisations régionales comme l’OEPP à reconnaître qu’il manquait un organisme international pour exprimer et défendre les intérêts phytosanitaires au niveau mondial. En 1992, un Secrétariat de la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux a été créé au sein de la FAO. Une nouvelle Commission pour les Mesures Phytosanitaires représente les intérêts phytosanitaires au niveau mondial et a pour objectif de préparer des normes internationales.
Un autre sujet important est la justification des mesures phytosanitaires qui sont exigées par les gouvernements et agissent dans la pratique comme des entraves au commerce (interdictions, restrictions des importations, traitements des produits agricoles commercialisés etc.). Le concept d’analyse du risque qui est utilisé dans de nombreux autres secteurs, comme l’économie, l’industrie ou l’économie, a été adapté à la protection des plantes sous l’appellation d’analyse du risque phytosanitaire. L’OEPP et ses pays membres étudient en détail les ravageurs ou maladies qui pourraient présenter un risque pour notre région s’ils étaient introduits par le commerce. Devant un risque inacceptable, des mesures phytosanitaires sont alors élaborées pour éviter l’introduction et la dissémination de l’organisme nuisible concerné.

La protection de l’environnement

La protection de l’environnement est pour l’opinion publique un sujet de plus en plus important, ce qui a généré de nouvelles activités pour les services de protection des végétaux et l’OEPP. Par exemple, le problème de l’utilisation optimale des produits phytosanitaires est traité dans les normes OEPP de bonne pratique phytosanitaire. De plus, la nécessité de protéger l’environnement a conduit à la signature d’accords internationaux (par exemple, la Convention sur la Diversité Biologique) qui impliquent de nouvelles obligations pour les gouvernements. Les experts de l’OEPP commencent à travailler sur les espèces exotiques envahissantes qui menacent la biodiversité et les écosystèmes agricoles. Dans une première étape, ils vont devoir identifier les espèces animales ou végétales qui pourraient se comporter comme des espèces envahissantes si elles étaient introduites, puis ils vont élaborer les mesures concrètes pour lutter contre elles.

Bien que l’OEPP ne soit pas une organisation politique, les grands changements politiques qui ont eu lieu en Europe doivent être pris en compte. La naissance de nouveaux pays indépendants, la poursuite de la construction européenne et son élargissement ont un impact sur le travail de l’OEPP. Il est vital pour l’OEPP de rester flexible à la fois dans ses structures et ses domaines d’activités pour répondre de manière adéquate aux besoins en constante évolution de ses pays membres.

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