La lettre diplomatique

Entretien – Arménie
La Lettre Diplomatique n°79 – Troisième trimestre 2007

Le dialogue et l’amitié

L’Année de l’Arménie en France s’est achevée en septembre 2007, après avoir proposée de très nombreuses manifestations dans toute la France. Suscitant un vif intérêt auprès du public français, son réel succès témoigne des liens solides et profonds qui unissent les deux pays. Abordant également la complexité qui caractérise la géopolitique arménienne contemporaine, S.E.M. Edward Nalbandian, Ambassadeur d’Arménie en France, revient pour nous sur cet événement et la richesse de l’amitié franco-arménienne.

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, vos relations avec la France, où vient de s’achever l’Année de l’Arménie, sont marquées par une amitié traditionnelle, qu’illustre le fait que le Président Robert Kotcharian s’est rendu en France une quinzaine de fois depuis sa prise de fonction en 1998. Comment appréciez-vous le développement des rapports entre les deux pays compte tenu de l’existence en France d’une population de 500 000 personnes d’ascendance arménienne ?

S.E.M. Edward Nalbandian :
En effet, l’Année de l’Arménie en France s’est tenue grâce aux excellentes relations que nous entretenons avec la France. Je qualifierai aujourd’hui ces relations d’exceptionnelles, caractérisées par un très haut niveau de relations politiques, un dialogue intense entre les chefs d’Etats, des visites de haut niveau fréquentes des deux côtés, y compris des visites d’Etat des présidents, des contacts interparlementaires très actifs, des dizaines d’accord et traités conclus dans plusieurs domaines, des investissements de plusieurs millions d’euros, la présence de plus de cent entreprises à capitaux français en Arménie, une coopération décentralisée très efficace et dynamique, des échanges denses dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la santé etc…
Lorsqu’en février 1992, l’Arménie et la France établissent des relations diplomatiques, nous ne pouvions alors qu’espérer que les liens et l’amitié séculaires de nos peuples serviraient de socle pour construire de bonnes relations entre nos deux pays. Cet espoir était amplement justifié, car après la reconnaissance de l’indépendance de l’Arménie par la France le 26 décembre 1991 – qui fut parmi les tout premiers à la reconnaître -, et l’établissement, deux mois plus tard, des relations diplomatiques, des ambassades étaient ouvertes dans les deux capitales. Depuis, nos relations d’amitié et de confiance mutuelle ont connu un essor remarquable. Elles furent scellées par la ratification, en 1993, du Traité d’entente, d’amitié et de coopération franco-arménien.
Lorsque l’on considère les relations entre la France et l’Arménie, on évoque naturellement ce facteur majeur de rapprochement que représentent les quelque 500 000 Français d’origine arménienne, bien intégrés dans la société française. Ils constituent un véritable trait d’union entre nos deux peuples, qui jouent, de fait, le rôle de moteur pour l’approfondissement des relations entre l’Arménie et la France. C’est une ressource humaine que nous estimons beaucoup, à la hauteur de la richesse que ces Français d’origine arménienne apportent tant à la France qu’à l’Arménie.

L.L.D. : L’Année de l’Arménie en France vient d’arriver à son terme. La large couverture médiatique qui en a été faite témoigne d’un grand intérêt public. D’une manière générale, comment décririez-vous le déroulement de ce évènement ?

S.E.M.E.N. : L’Année de l’Arménie en France, organisée sous le slogan symbolique « Arménie mon Amie » a été couronnée d’une parfaite réussite. Plusieurs institutions françaises parmi les plus prestigieuses ont ouvert leurs portes pour accueillir les 850 manifestations qui ont émaillé l’Année de l’Arménie dans plus de 165 villes.
La décision d’organiser une Année de l’Arménie en France a été prise par les présidents des deux pays. Ce fut un moment très important, car leur engagement garantissait le succès de cette belle initiative. Pour sa mise en œuvre, le gouvernement arménien a formé une Commission gouvernementale présidée par le Premier ministre et composée de plusieurs ministres, dirigeants d’institutions et de structures d’Etat.
En France, nous avons reçu un soutien très valeureux de la Présidence de la République, des ministères des Affaires étrangères et de la Culture, des autorités régionales, départementales et municipales, de CulturesFrance, opérateur de l’Année de l’Arménie désigné en commun accord par les parties arménienne et française, et des grands établissements culturels. Je tiens à leur exprimer ici mes sincères remerciements. Un Comité d’honneur de l’Année de l’Arménie a également été créé et je suis très heureux que plus de 50 personnalités françaises aient répondu positivement à ma proposition d’y participer : les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, le Président du Conseil constitutionnel, les ministres des Affaires étrangères et de la Culture, Charles Aznavour, Patrick Devédjian, Simone Veil, Hélène Carrère d’Encausse, les maires de Paris, Lyon, Marseille, Nice, Grenoble, Issy-les-Moulineaux, Alfortville, Saint-Etienne et plusieurs autres villes, les présidents du Crédit Agricole, Veolia Environnement, Pernod-Ricard, Alcatel, Sanofi-Aventis, les présidents des Groupes d’amitié France-Arménie de l’Assemblée nationale et du Sénat, les présidents des grands établissements culturels comme le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay, le Centre Pompidou, les personnalités du monde artistique comme Robert Hossein, Line Renaud, Jean-Claude Brialy qui a malheureusement disparu depuis, Nana Mouskouri, Fanny Ardant, Lévon Sayan, Charles Villeneuve, Alain Terzian, Michel Legrand et tant d’autres.
Dès son lancement, l’Année de l’Arménie a été marquée par de très importants évènements. L’ancien Président Jacques Chirac s’était rendu à cette occasion en visite d’Etat en Arménie. Outre son contenu politique, cette visite portait en elle une immense charge émotionnelle. Les deux chefs d’Etats arménien et français ont officiellement inauguré à Erevan l’Année de l’Arménie. Ils ont également inauguré dans le centre-ville de la capitale, la Place de France comme symbole de l’amitié traditionnelle franco-arménienne. Sur la Place de la République Charles Aznavour a donné un concert devant 100 000 spectateurs et avec la participation de grands artistes de la chanson française.
C’est peu dire que le programme de l’Année de l’Arménie en France était riche en manifestations. Nombreuses, elles ont couvert la globalité du territoire français. Nous avons découvert avec joie, l’intérêt des régions françaises et, si l’on peut s’exprimer ainsi, de la France profonde, à l’égard de l’Année de l’Arménie et de tout ce qui a un lien avec l’Arménie et les Arméniens en général. Plusieurs villes françaises, grandes et petites, ne comptant pas forcément des Français d’origine arménienne parmi ses habitants, ont proposé des manifestations de leur propre initiative. Ceci nous a beaucoup touché. Dans plusieurs villes, les autorités municipales se sont associées à l’Année de l’Arménie avec des programmes spécifiques. Nous parlons souvent de l’amitié séculaire franco-arménienne et je dirais que l’Année de l’Arménie fut une occasion de se rendre compte de la profondeur et de la sincérité de cette amitié.
« Arménie mon amie » fut plus qu’un événement culturel. Ce fut un événement sans précédent pour l’Arménie et un événement très important pour la France aussi, car, malgré ses relations privilégiées avec notre pays, la France n’avait jamais eu l’occasion de le connaître de si près et avec des manifestations d’un tel niveau et d’une telle envergure. Toutes les manifestations ont suscité un très grand intérêt. Leur qualité a largement été au-delà de toutes les attentes. Nous avons présenté à la France et au peuple français notre patrimoine culturel de l’époque antique jusqu’à nos jours, les trésors matériels et spirituels créés par le peuple arménien durant des millénaires, la peinture, la musique, la littérature, la danse, le théâtre, l’art visuel, cinématographique et photographique, la mode, la gastronomie. D’ailleurs, il est très important de noter que les artistes d’origine arménienne du monde entier ont également été largement présentés. Nous avons également organisé plusieurs conférences de haut niveau avec la participation d’hommes d’Etat, de responsables politiques, d’hommes d’affaires, juristes et intellectuels, historiens et universitaires français et arméniens, ce qui a constitué un autre volet très important de l’Année de l’Arménie.

L.L.D. : Fort du succès de l’Année de l’Arménie en France, quelles en ont été, selon vous, les manifestations les plus significatives ?

S.E.M.E.N. :
Nous évoquons souvent l’amitié traditionnelle franco-arménienne. Mais il est important de garder la flamme de cette amitié vivante et de la transmettre aux futures générations. De ce point de vue, j’estime que la portée d’un des projets de l’Année de l’Arménie a été particulièrement significative : l’opération « 1000 enfants d’Arménie » a ainsi permis à près de 1 000 collégiens francophones arméniens d’être accueillis pendant une semaine dans des familles de différentes villes de France. Le but de cette opération était de créer des liens d’amitié entre les jeunes de nos deux pays, qui porteront le message de l’amitié franco-arménienne dans l’avenir. Je souhaite remercier à cette occasion tous ceux qui ont répondu positivement à ma demande en contribuant à la réalisation de cette opération, notamment les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale de France et les présidents des groupes d’amitié bilatéraux, ainsi que Charles Aznavour qui a donné, avec une vingtaine de célébrités de la chanson française, un concert à l’Opéra Garnier au profit de cette opération. Je remercie également très chaleureusement toutes les familles et les autorités des villes d’accueil et la Croix-Bleue des Arméniens de France qui nous a beaucoup soutenu dans la réalisation de ce projet.
Du 21 février au 21 mai, le Musée du Louvre, accueillait l’exposition « Armenia Sacra », entièrement consacrée à l’art chrétien du peuple arménien, depuis l’adoption du christianisme en 301 jusqu’au XIXème siècle. Une trentaine de Khatchkars, les stèles monumentales médiévales ornées de croix, d’une valeur historique et culturelle inestimable, ont fait le voyage pour la première fois, pour venir exposer leur charme mystérieux dans l’enceinte du Louvre. A part les Khatchkars, plus de 200 objets exceptionnels, des œuvres d’orfèvrerie, reliquaires, monnaies, manuscrits parmi les plus anciens, ont été réunis à cette occasion dans différents musées arméniens. Elle a attiré des centaines de milliers de visiteurs.
Avec l’adoption du christianisme, un autre événement du début du Vème siècle a marqué toute l’histoire du peuple arménien et notre identité nationale, c’est la création de l’alphabet arménien en 405 que nous utilisons jusqu’à maintenant. L’exposition « La magie de l’écrit », organisée du 27 avril au 22 juillet 2007 dans le Centre de la Vieille Charité de Marseille, était consacrée à cette invention. Elle rassemblait des manuscrits richement enluminés, des documents, des livres anciens, des céramiques, des tapis avec inscriptions arméniennes prêtés par l’Arménie, Venise, Vienne, Jérusalem, mais aussi par la Bibliothèque nationale de France, les Etats-Unis, la Russie, etc.
Les Musées de Fourvière et des Tissus et Arts décoratifs de Lyon ont accueilli du 22 mars au 15 juillet 2007 une autre exposition intitulée « Ors et trésors d’Arménie », consacrée à l’art et la liturgie arménienne du XVIIème au XIXème siècles.
Le Musée d’Arles et de la Provence antique a accueilli du 13 avril au 31 juillet une exposition consacrée à l’Arménie antique, « Au pied du Mont Ararat, splendeur de l’Arménie ». C’est une époque peu connue du grand public. L’exposition présentait la splendeur de l’artisanat de l’Age du bronze et du fer, et mettait également en valeur la période du royaume d’Ourartou.
L’histoire tourmentée de l’Arménie a été révélée lors d’une autre exposition, intitulée « Les 12 capitales de l’Arménie », qui était organisée du 15 décembre 2006 au 22 avril 2007, à la Conciergerie de Paris. Elle montrait la richesse architecturale des 12 capitales historiques de l’Arménie, depuis la citadelle de Van construite au IXème siècle avant J.-C., jusqu’aux édifices contemporains de sa capitale d’aujourd’hui, Erevan, une des plus anciennes villes du monde qui a célébré cette année son 2 789ème anniversaire.
D’autres expositions très remarquables sur le patrimoine arménien ont été organisées partout en France : « Lumières d’Arménie » au Musée d’art et d’archéologie de l’Abbaye de Cluny, « La Nouvelle-Djoulfa, 400 ans de présence arménienne à Ispahan », à la Maison d’Art d’Antony, « Les Manuscrits arméniens », à la Bibliothèque nationale de France, « Enluminures d’Arménie », au Musée de la Miniature de Montélimar et beaucoup d’autres. La présentation de la peinture arménienne était à la hauteur de la richesse de notre héritage dans ce domaine. Les peintres arméniens de différentes époques, de plusieurs tendances artistiques, aussi bien ceux de l’Arménie que de la diaspora, ont trouvé leur place méritée dans la programmation de l’Année. Je ne citerai que les plus grandes collections qui ont parfois été des révélations pour le public français : « Aïvazovski (1817-1900), la poésie de la mer », exposition organisée au Musée national de la Marine du 7 février au 4 juin 2007, « Hommage à Arshile Gorky », exposition de ce grand peintre américain d’origine arménienne du XXème siècle, organisée au Centre Georges Pompidou du 2 avril au 4 juin, « Peintures en Arménie, 1830-1930 » au Petit Palais de Paris, les expositions de peinture moderne et contemporaine arménienne à l’Orangerie du Palais de Luxembourg, au Musée d’Art moderne de Nice et de Saint-Etienne. D’autres expositions de grands peintres arméniens ou d’origine arménienne, comme Sarian, Parajanov, Carzou, Jansem, Chahine et d’autres ont été organisées dans différentes villes de France.
Un autre événement très symbolique, dont je souhaite parler, a été l’émission commune des timbres France-Arménie. A l’occasion de l’Année de l’Arménie, la Poste française et la Poste arménienne ont mis en circulation, le même jour, le 22 mai 2007, deux timbres identiques, l’un représente une miniature arménienne du XVème siècle sur le thème de « la Nativité », l’autre un chef d’œuvre de l’art gothique : « l’Ange au Sourire » de la cathédrale de Reims.
La musique arménienne, classique, traditionnelle, populaire, mais aussi le jazz et la musique contemporaine ont également été présentés au public français. L’Orchestre philharmonique d’Arménie, l’Orchestre de chambre, le Quatuor à cordes Komitas, le Chœur d’enfants, plusieurs musiciens et parmi eux le jeune violoniste talentueux Sergueï Khatchatrian, les pianistes de renommée internationale Svetlana Navassardian et Vardan Mamikonian, la soliste de l’opéra de Vienne Hasmik Papian et d’autres se sont produit dans différentes villes.
L’art photographique arménien a également été largement présenté ; l’exposition « L’Orient des photographes arméniens », organisée à l’Institut du Monde arabe à Paris a été consacrée aux dix photographes arméniens du XIXème et XXème siècle qui ont été les pionniers de la photographie en Orient ; le Théâtre de la photographie et de l’image de Nice a accueilli une exposition du photographe portraitiste Yousuf Karsh, un des plus importants photographes canadiens d’origine arménienne du XXème siècle ; « Les Boyadjian, photographes arméniens à la cour de Négus » a été accueilli par le Jeu de Paume de Paris, mettant en relief les photographes, témoins privilégiés des grands moments de l’histoire de l’Ethiopie. D’autres expositions photographiques remarquables ont été également organisées.
Dans le cadre du volet cinéma ont été organisées les rétrospectives des films de Serguei Paradjanov, d’Atom Egoyan, de Rouben Mamoulian, de Robert Guédikian et d’autres grands cinéastes.
Nous pourrions continuer encore longuement en parlant des manifestations théâtrales, littéraires, de danse, gastronomiques, sportives et autres. Mais l’Année de l’Arménie ne représentait pas uniquement un volet culturel. Au mois d’octobre 2006, nous avons organisé une Conférence sur la coopération décentralisée, au Palais du Luxembourg sous le Patronage des Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale français et à laquelle a pris part une délégation arménienne dirigée par le Premier ministre. Une autre manifestation très importante a été la Conférence sur le patrimoine juridique commun, tenue dans l’enceinte du Conseil d’Etat français, au mois de janvier 2007, sous le haut patronage du Président du Conseil constitutionnel français et de la Cour constitutionnelle arménienne et avec la participation de plus de 80 juristes de renommée européenne et internationale. Plusieurs autres conférences, colloques, séminaires ont eu lieu sur des thèmes variés. Des tournois sportifs amicaux ont été organisés.
La couverture médiatique de l’Année de l’Arménie a en outre été très importante. Le nombre d’articles parus dans la presse française et arménienne a dépassé les 5 000. Ceci montre le grand intérêt que les manifestations ont suscité. L’intérêt du public a en fait été si grand que la durée de plusieurs expositions a du être prolongée.
Cette Année était d’abord appelée à mettre en valeur le caractère exceptionnel des liens entre les peuples français et arméniens, géographiquement éloignés, mais proche par l’appartenance aux même valeurs. Elle a ouvert de nouveaux regards sur la communauté de nos sources et de nos racines, sur la profondeur et la solidité de nos liens. Elle a également enrichi et diversifié le dialogue cordial entre les intellectuels, les artistes, les musiciens, les peintres, les hommes d’affaires et tout simplement – les citoyens de nos pays amis. Elle était tournée vers l’avenir et je suis persuadé que cette grande fête d’amitié servira de nouveau point de départ pour les relations entre la France et l’Arménie. Merci à la France de nous avoir donné cette merveilleuse occasion.

L.L.D. : A la lumière de la visite de travail effectuée par le Président Robert Kotcharian du 11 au 14 juillet 2007, comment évaluez-vous l’apport de la France, qui co-préside le groupe de Minsk, à la résolution de la question du Haut-Karabakh ? Quels axes ont-ils été définis pour intensifier les relations entre les deux pays, notamment sur le plan des échanges économiques ? Comment entendez-vous attirer davantage d’investissements d’entreprises françaises à l’image de celles déjà implantées comme Pernod-Ricard, Veolia, Saur, Cogema Logistics ou Alcatel ?

S.E.M.E.N. :
Pendant la visite de travail qu’il a effectuée à Paris, au mois de juillet 2007, le Président Kotcharian a discuté avec le chef de l’Etat français des questions importantes concernant nos relations bilatérales et leurs perspectives de développement. Cette rencontre s’est caractérisée par une entente mutuelle sur les questions évoquées et les dossiers économiques ont constitué une part considérable de cet entretien.
La dynamique de développement de notre coopération économique est à cet égard encourageant. La France est l’un des premiers investisseurs en Arménie. 120 entreprises à capitaux français sont aujourd’hui actives en Arménie. Plusieurs grandes sociétés françaises se sont implantées avec succès. Parmi les plus grandes Pernod-Ricard, Crédit Agricole, Alcatel, Veolia, Areva, Castel, Saur, Air France. La présence française est importante non seulement au regard de son volume d’investissement ou du nombre d’emplois créés, mais aussi et surtout de par le capital de confiance que ces grandes sociétés françaises apportent à l’économie arménienne.
Afin de donner une nouvelle impulsion aux relations économiques entre la France et l’Arménie, nous avons initié et organisé, dans le cadre de l’Année de l’Arménie en France, plusieurs conférences de haut niveau : ainsi je citerai la Conférence sur la coopération économique entre l’Arménie et la France à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, avec la participation des représentants de plus de 200 grandes entreprises françaises et arméniennes, la Conférence internationale sur le potentiel des technologies d’information en Arménie ou la participation de l’Arménie au Salon international de l’Agriculture de Paris. Tous ces événements vont certainement favoriser la croissance de nos échanges. Dans le domaine des relations économiques, plusieurs projets de coopération sont en cours d’élaboration et nous attendons des développements considérables dans ce sens. Après l’organisation de la visite en Arménie de 165 tours-opérateurs français en octobre 2006, nous avons constaté au cours de l’Année de l’Arménie une augmentation du nombre de touristes visitant notre pays. J’espère que cette tendance se maintiendra et qu’elle prendra même une plus grande ampleur. Le fait que tous les vols des compagnies aériennes françaises et arméniennes à destination de l’Arménie soient constamment presque complets, nous en donne a priori la certitude.
En ce qui concerne le Haut-Karabakh, la France, qui co-préside le Groupe de Minsk, participe aux cotés des Etats-Unis et de la Russie, à la recherche constructive d’une solution durable au problème du Haut-Karabakh. Comme vous le savez, les négociations se poursuivent depuis plusieurs années. Au cours de ce processus, il y a eu des moments où nous étions assez proches d’un règlement ; souvenons-nous, par exemple, du début de l’année 2001, lorsqu’avec le soutien du Président français, ont été convenus les principes ouvrant à une possibilité réelle de conclure un accord. Malheureusement, l’Azerbaïdjan a reconsidéré par la suite sa position.
La France, avec les deux autres co-présidents du groupe de Minsk, œuvre avec détermination pour parvenir à un règlement du problème qui respecterait au maximum les intérêts de toutes les parties du conflit et permettrait de rétablir la stabilité et la sécurité dans la région, et d’entamer une large coopération économique régionale.

L.L.D. : La population arménienne s’est rendue aux urnes le 12 mai 2007 pour le quatrième scrutin législatif depuis l’indépendance du pays en 1991, et le premier depuis les amendements apportés à la Constitution en 2005. Comment interprétez-vous les résultats de ces élections que les observateurs internationaux de l’OSCE, du Conseil de l’Europe et de l’UE ont, pour leur part, qualifié de libres et transparentes ?

S.E.M.E.N. :
En effet, après les réformes constitutionnelles qui ont donné un rôle plus important au parlement, des élections législatives ont été organisées en Arménie, en mai 2007.
L’organisation d’élections parfaites dans une jeune démocratie constitue un processus assez complexe faisant intervenir différents facteurs : le perfectionnement de la législation et des mécanismes électoraux, les garanties de la liberté d’expression, une concurrence saine entre les partis politiques, etc… Le gouvernement arménien a déployé des efforts considérables pour consolider la tradition d’élections démocratiques dans notre pays, en se fixant pour objectif d’organiser des élections dans le respect des critères et standards internationaux. Les résultats de ces efforts étaient assez satisfaisants et les observateurs internationaux ont donné une évaluation positive aux élections, en les qualifiant de net progrès.
Le parti au pouvoir, entrant dans la campagne électorale, disposait d’un assez bon point de départ, s’appuyant sur la stabilité du développement économique qui s’est traduit ces dernières années par un taux de croissance moyen de 12% par an. Il s’agit d’une performance impressionnante pour l’Arménie. Ne faisant pas partie des pays particulièrement riches en ressources naturelles, notamment de pétrole ou de gaz, elle est parvenue à ce succès grâce à une politique de réformes économiques et sociales rigoureuse. Naturellement, lors de la campagne électorale, le parti au pouvoir a pu mettre en valeur le bilan positif des dernières années et a remporté la victoire, en obtenant la majorité des sièges du parlement, ce qui lui a permis de former le gouvernement.
De toute évidence, les dernières élections législatives en Arménie ont marqué un pas en avant sur le chemin du perfectionnement des principes démocratiques pour les futures échéances électorales.

L.L.D. : Grâce au boom de la construction et des services, au renouveau de son secteur agricole ainsi qu’au bon maintien du secteur des minerais et des métaux non ferreux, l’Arménie enregistre, depuis sept ans, un taux de croissance moyen qui oscille entre 11 et 13% par an. Pensez-vous que de telles performances puissent être maintenues à l’avenir, sachant que cette forte expansion a provoqué une détérioration de vos comptes extérieurs ainsi qu’une certaine dualité du marché du travail ?

S.E.M.E.N. :
Si vous venez en Arménie, vous pourrez vous rendre compte des preuves évidentes du boom dont vous parlez. La capitale s’est transformée aujourd’hui en vaste terrain de construction avec des grues de toutes parts, des bâtiments, des routes, des estacades, des tunnels en construction et en rénovation etc.
Depuis le début des années 2000, l’Arménie suit « une voie prometteuse », selon les termes du Vice-Directeur du Fonds monétaire international. Les indicateurs économiques progressent.
Il est vrai que durant les sept dernières années, l’économie arménienne a démontré une forte croissance conditionnée principalement par le développement de plusieurs secteurs. Le secteur de la construction a notamment enregistré une croissance moyenne annuelle de 130,6%, ce qui représente 26,7% du PIB en 2006, c’est-à-dire plus du double par rapport à 2000 (10,3%). Durant la même période, la croissance de la production agricole a été de 106,3%. Une nette croissance a également été enregistrée dans les domaines des services et de l’industrie minière.
En ce qui concerne le rapport entre la forte croissance économique et l’augmentation de la dette extérieure du pays, il faut indiquer qu’effectivement, par rapport à l’année 2000, la dette extérieure a augmenté de 346,1 millions de dollars en 2006, atteignant au total 1 205 milliards. Cependant l’augmentation de la dette s’est établie en moyenne à 106% par an alors que la croissance économique a atteint en moyenne 112,5% par an. Enfin, le rapport entre le PIB et la dette extérieure s’est constamment amélioré en faveur de la croissance économique, s’établissant à 18,8% du PIB en 2006 contre 45% en 2000.
On peut indiquer que les résultats de 2007 permettent de prévoir une croissance économique encore à deux chiffres en Arménie. Selon les résultats des huit premiers mois de l’année, la moyenne mensuelle de la croissance du PIB s’établit à 13,6%.
En se fondant sur l’analyse des indicateurs réels et des tendances du développement économique, le programme du gouvernement arménien pour la période 2007-2012 prévoit une croissance annuelle de 8-10% du PIB, ce qui semble tout à fait réaliste. Et ce ne sont pas seulement les analyses des experts arméniens, mais aussi celles des experts internationaux.

L.L.D. : Les experts de la Banque mondiale et de l’OCDE, considèrent que pour ancrer votre économie dans le processus de la globalisation, il conviendrait de perfectionner votre marché du travail, moderniser votre secteur financier, améliorer votre fiscalité et mener une lutte contre la corruption. Dans quelle mesure les autorités arméniennes s’orientent-elles sur la voie de telles réformes ? Quel soutien attendez-vous sur ce point de la communauté financière internationale ?

S.E.M.E.N. :
Ces questions ont toujours figuré au centre des préoccupations du gouvernement arménien, qui étudie toujours avec beaucoup d’attention toutes les recommandations de la Banque mondiale, de l’OCDE et des autres institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, la BERD et d’autres encore qui visent à consolider les conditions favorables aux investissements et à la croissance économique de notre pays. En général, la coopération de l’Arménie avec les organisations financières internationales est très active et efficace, sous différentes formes : expertise des lois, consultations, recommandations, échanges d’informations, assistance technique et financière.
Le gouvernement déploie beaucoup d’efforts pour moderniser le secteur financier dans notre pays. Même si tout n’est pas encore parfait, les chiffres macro-économiques, l’augmentation continue des investissements, la présence d’un nombre croissant d’entreprises étrangères, dont 120 à participation de capitaux français montrent que nous allons dans la bonne direction, ce que constatent également les différents rapports internationaux. Notre législation fiscale s’est par ailleurs considérablement améliorée afin d’assurer un environnement entrepreneurial sain, une plus grande transparence et une simplification des transactions. Le perfectionnement du marché du travail occupe également une place centrale dans le champ d’action du gouvernement arménien et s’est orienté vers l’établissement d’une politique active de l’emploi, d’un marché du travail stable et efficace.
La lutte contre la corruption figure au nombre des priorités au sein des programmes du gouvernement. La stratégie de lutte contre la corruption à été adoptée en 2003. Elle est mise en œuvre sous le contrôle d’un Conseil de la lutte contre la corruption spécialement instauré à cet effet. Elle prévoit des mesures dans plusieurs directions, à commencer par l’adoption et la modification de différentes lois jusqu’à la sensibilisation de l’opinion publique contre ce fléau. Il faut également noter que depuis janvier 2004, nous sommes membre du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Nous avons des engagements dans ce cadre et bénéficions de l’assistance des experts du GRECO dans notre action contre la corruption. En mars 2006, le GRECO a publié un rapport d’évaluation sur l’Arménie et a fait des recommandations qui sont étudiées avec beaucoup d’attention par le gouvernement et prises en compte dans ses différents programmes.
En réalité, des réformes efficaces représentent le seul moyen bénéfique d’assurer le développement d’un pays et nous sommes résolus à poursuivre ce chemin.

L.L.D. : Pomme de discorde entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis la chute de l’Union soviétique, la question de l’enclave du Haut-Karabakh pourrait, selon certains observateurs, faire l’objet d’une percée diplomatique prochainement. Partagez-vous leur optimisme, sachant que les scrutins présidentiels se dérouleront en Arménie et en Azerbaïdjan en 2008 ? Considérant son poids dans la région, estimez-vous que la Russie puisse apporter une contribution permettant de trouver une solution durable et pacifique, susceptible par voie de conséquence, d’entraîner la levée du blocus qui vous est imposé par la Turquie et l’Azerbaïdjan ?

S.E.M.E.N. :
L’étape actuelle des négociations sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh, appelée souvent « processus de Prague », est menée depuis voilà déjà trois ans dans le cadre du groupe de Minsk de l’OSCE au niveau des présidents, ainsi que des ministres des Affaires étrangères de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Pour le moment, sur certains principes du règlement il y a des accords préalables, même s’il reste encore des questions assez compliquées à résoudre. L’Arménie est prête à continuer les négociations sur la base des propositions du Groupe de Minsk qui sont sur la table. A quoi aboutiront-elles ? Il est difficile de le deviner car de temps à autre la partie azerbaïdjanaise n’hésite pas à reconsidérer les accords obtenus, comme ce fut le cas, par exemple, en 2001 lorsque les parties étaient proches d’un réglement et s’étaient retrouvées à Ky West après les négociations réussies à Paris. Les dirigeants azerbaïdjanais à différents niveaux continuent à s’exprimer publiquement sur une éventuelle solution militaire du conflit. La rhétorique de guerre non seulement ne contribue en aucune manière à favoriser des progrès dans les négociations, mais nuit sérieusement au processus de règlement. Nous estimons que les négociations diplomatiques restent le meilleur et le seul moyen pour règler le conflit du Haut-Karabakh. Et dans ce contexte, nous apprécions très hautement les efforts déployés par les co-présidents du groupe de Minsk dans cette direction. Les prochaines élections présidentielles en Arménie et en Azerbaïdjan peuvent dans une certaine mesure ralentir le processus des négociations, mais si des possibilités s’ouvraient, il faudra les saisir.
Concernant la contribution que la Russie peut apporter à la résolution du conflit, elle peut effectivement le faire. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait tout comme les deux autres co-présidents du groupe de Minsk, la France et les Etats-Unis. Ils ont déclaré tous les trois que la solution pacifique du problème n’a pas d’alternative et qu’une solution rapide favoriserait la coopération au niveau régional et le développement des pays du Caucase du Sud. L’Arménie est complètement en accord avec cette position. Néanmoins, les choses ne semblent pas avancer et comme vous venez de le remarquer, le blocus imposé par l’Azerbaïdjan et la Turquie est maintenu.

L.L.D. : A la fois investisseur et fournisseur d’énergie, la Russie demeure votre principal partenaire commercial. Quelles orientations ont-elles été identifiées pour « élargir le partenariat » entre votre pays et la Russie ? Forte de 1,5 million de personnes, quel atout représente la communauté arménienne qui vit en Russie et comment voyez-vous son avenir ?

S.E.M.E.N. :
Les relations arméno-russes se basent sur une amitié profonde tissée tout au long de notre histoire. Plus de 2 millions d’Arméniens vivent aujourd’hui en Russie et chacun d’entre eux a des parents proches en Arménie. Ce sont des facteurs qui laissent leur marque sur la formation et la consolidation des relations arméno-russes.
Le partenariat stratégique entre l’Arménie et la Russie se développe tant dans le cadre bilatéral que celui du système de sécurité collective de la Communauté des Etats indépendants (CEI). La Russie est notre partenaire économique et commercial majeur.
L’Arménie aspire à développer des relations solides aussi bien avec l’Europe, qu’avec les Etats-Unis ou la Russie. Elle a pour but d’éviter la mise en place de nouvelles lignes de division et d’un environnement de confrontation.

L.L.D. : Afin de diversifier ses sources d’approvisionnement énergétiques, l’Arménie envisage de participer à la construction d’un gazoduc devant la relier à l’Iran. Dans le contexte international et régional actuel, comment percevez-vous l’évolution de ce projet ? Quelle lecture faite-vous des tensions diplomatiques qui découlent du programme nucléaire iranien et, en cas de durcissement de la position de l’ONU, quelle influence cela pourrait-il avoir sur vos rapports avec l’Iran ?

S.E.M.E.N. :
Les relations entre l’Arménie et l’Iran remontent à des millénaires. C’est notre voisin. Après la restauration de son indépendance, l’Arménie a développé avec l’Iran des relations amicales et entamé une coopération économique étroite.
La construction du gazoduc Iran-Arménie est un projet important du point de vue de la diversification de nos ressources énergétiques. Le 19 mars 2007, ce projet a été officiellement inauguré en présence des présidents de l’Arménie et de l’Iran. Le même jour, les représentants des gouvernements des deux pays ont signé l’accord sur la construction et l’utilisation des centrales hydroélectriques sur le fleuve Arax. D’autres projets de coopération économique ont été étudiés lors de la visite en Arménie du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, en octobre 2007.
Quant aux développements autour du programme nucléaire en Iran, nous pensons qu’il faut utiliser toutes les possibilités pour arriver à une solution diplomatique. Sinon, l’escalade ultérieure des tensions pourrait avoir un impact négatif sur la région, au sens large du terme, où d’autres questions épineuses sont présentes.

L.L.D. : Dans le cadre du programme « Partenariat pour la paix », l’Arménie entretient des rapports suivis avec l’OTAN. Un contingent arménien de 46 personnels non combattants se trouve d’ailleurs engagé en Irak. Selon quels critères envisagez-vous le développement de vos relations avec le monde euro-atlantique ?

S.E.M.E.N. :
L’Arménie poursuit le développement de ses relations dynamiques avec l’Alliance Atlantique. La coopération avec l’OTAN se renforce à travers le Conseil de Partenariat euro-atlantique et le programme de Partenariat pour la Paix.
Notre pays intensifie dans ce cadre son dialogue politique avec l'OTAN et prend part aussi au Processus de planification et d’examen de l’OTAN. Nous accordons une grande importance au Plan d’action individuel pour le Partenariat entre l’Arménie et l’OTAN dont la mise en place contribuera à la modernisation et au perfectionnement de notre système de défense.
L’Arménie forme en outre des unités militaires capables de participer aux opérations de maintien de la paix de l'OTAN.
Un contingent arménien de 46 personnels non combattants se trouve effectivement engagé en Irak. Nous avons aussi un contingent au Kosovo qui en est déjà à sa septième rotation. Ces deux participations à des opérations de l’OTAN traduisent l’importance que l’Arménie accorde à la coopération internationale en tant que contributeur et partenaire dans les efforts internationaux de maintien de la paix et de la sécurité.

L.L.D. : Vous avez signé en 1996 un accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne et, en 2004, vous avez été incorporé dans la politique européenne de voisinage (PEV). Quel bilan tirez-vous de ces coopérations ?

S.E.M.E.N. :
La politique d’intégration européenne et l’approfondissement des relations entre l’Arménie et l’Union européenne, ainsi qu’avec tous les pays européens ont toujours été une des priorités de la politique étrangère arménienne. Par son histoire, sa culture et ses valeurs, l’Arménie s’est toujours considérée comme partie intégrante de l’Europe. L’Accord de partenariat et de coopération qui est entré en vigueur le 1er juillet 1999, constitue la base de nos relations. L’Arménie et l’UE se sont engagées, par cet accord, à mettre en place un dialogue politique régulier et une coopération dans les domaines économique, commercial, financier, social et culturel. Les mécanismes institutionnels de la coopération mis en place – le Conseil de coopération, le Comité de coopération et le Comité de coopération interparlementaire – se réunissent régulièrement. Ils veillent à la réalisation de l’Accord de partenariat et de coopération et au respect de nos engagements, concernant tout particulièrement l’harmonisation de la législation de notre pays avec les normes européennes. Le dialogue politique avec l’UE se poursuit également au niveau du Président arménien qui a effectué plusieurs visites à Bruxelles, la plus récente remontant au mois d’octobre 2007.
La participation de l’Arménie au programme de la nouvelle politique européenne de voisinage ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles possibilités de coopération avec l’Union européenne. Le 14 novembre 2006, l’Arménie a signé, dans ce cadre, un Plan d’action avec l’UE qui sera une base supplémentaire pour l’approfondissement ultérieur de nos relations. Le renforcement de nos relations avec l’Union européenne dans un vaste spectre de domaines aura certainement un impact très positif du point de vue des réformes économiques et sociales et du renforcement de la démocratie dans notre pays.

L.L.D. : Dans quelle mesure pensez-vous que l’Union européenne puisse aider à la recherche d’une solution à vos problèmes avec la Turquie et l’Azerbaïdjan ?

S.E.M.E.N. :
Ces questions font partie de l’agenda de l’Union européenne, sous une forme ou une autre. Le Plan d’action Arménie-Union européenne élaboré dans le cadre de la Politique de voisinage de l’UE, prévoit notamment : l’intensification des efforts diplomatiques, afin de soutenir la recherche d’une solution pacifique au conflit du Haut-Karabakh ; un soutien politique accru aux efforts du groupe de Minsk de l’OSCE en vue de trouver une solution sur la base des normes et principes internationaux, y compris le principe de l’autodétermination des peuples ; l’encouragement des contacts entre les peuples arménien et azéri, l’approfondissement du dialogue de l’UE avec les parties concernées visant à accélérer les négociations pour la solution politique du problème.
Comme vous le savez, l’Union européenne a désigné un Représentant spécial pour le Caucase du Sud, dont le mandat, entre autres questions liées aux relations UE/Caucase du Sud, prévoit le soutien aux efforts déployés par le groupe de Minsk pour le règlement du conflit du Haut-Karabakh. Le Représentant spécial se rend régulièrement dans la région et prépare des rapports sur l’état d’avancement des négociations.
En ce qui concerne la normalisation des relations entre l’Arménie et la Turquie, l’Union européenne est quasiment la seule institution internationale qui a inscrit cette question dans son agenda et la poursuit constamment. Le Parlement européen a entrepris certaines démarches dans cette direction, notamment en incluant cette question dans différents rapports sur l’état d’avancement de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Dans ses rapports, le Parlement européen « invite la Turquie à promouvoir le processus de réconciliation avec le peuple arménien en reconnaissant le génocide » et « demande au gouvernement turc de rouvrir le plus rapidement possible les frontières avec l’Arménie ».
Rappelons que la Turquie a fermé unilatéralement sa frontière avec l’Arménie en 1993. Cette mesure était une pression de la part de la Turquie pour obtenir des concessions de l’Arménie sur la question du Haut-Karabakh, ainsi que sur celle de la reconnaissance du génocide arménien, bien que sur cette dernière question, plusieurs pays et organisations internationales, y compris le Parlement européen, ont pris des positions claires en appelant la Turquie à accomplir son devoir de mémoire.
Malheureusement, nous ne voyons pas encore de résultats pratiques dans cette direction. Notre frontière avec la Turquie est la seule qui reste aujourd’hui fermée en Europe ; nos appels continus à normaliser nos relations – sans conditions préalables – restent à ce jour sans réponses, et la Turquie continue à imposer un blocus à l’Arménie.

L.L.D. : Dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage, l’Arménie reçoit un appui technique et financier de l’Union européenne ? Comment celui-ci s’articule-t-il ?

S.E.M.E.N. :
Il convient de souligner que l’Union européenne accorde une assistance à notre pays depuis 1991 pour la mise en œuvre de plusieurs projets. Par exemple, à partir de 1996 la Commission européenne a attribué des fonds du programme TACIS pour l’amélioration de la sécurité de la centrale nucléaire de Medzamor. Nous avons également participé aux programmes régionaux de TACIS comme TRACECA, INOGATE et le Centre environnemental du Caucase. L’Arménie participe également, depuis 1995, au programme TEMPUS de l’Union qui finance et soutient la modernisation et la réforme du système d’enseignement supérieur. Tempus a financé 13 projets de coopération en Arménie, pour un montant total de 4 millions d’euros.
Pour la mise en œuvre du Plan d’action Arménie-UE, la question du financement est très importante. L’assistance de l’Union européenne prévue pour l’Arménie au cours de la période 2007-2013 sera principalement fournie au titre du nouvel Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).
Le montant du financement octroyé à l’Arménie pour les cinq années à venir par l’IEVP est actuellement estimé à près de 100 millions d’euros. En outre, l’Arménie bénéficiera des subventions au titre du programme régional de l’IEPV, qui s’élève à 17 millions d’euros pour les trois pays du Caucase du Sud, de la CT (programme de la Mer Noire) et des programmes thématiques et nucléaires.
La grande majorité de la somme octroyée à l’Arménie (80%) sera dirigée vers le budget de l’Etat, pour financer les réformes, tandis que 20% constitueront l’assistance technique et le financement de la formation des spécialistes arméniens dans différents pays de l’Union européenne.
Pour 2007, le budget consacré à l’Arménie pour la mise en œuvre du Plan d’action est de 21 millions d’euros, dont 16 millions au titre de l’assistance budgétaire et 5 millions au titre de programmes de « jumelage» et TAIEX (Technical Assistance Information Exchange Unit).
Le Document de stratégie de coopération et le Programme indicatif national pour la période 2007-2010 ont été adoptés le 7 mars 2007. Dans le programme indicatif national, l’assistance communautaire sera dirigée vers trois domaines prioritaires : le renforcement des structures démocratiques et de la bonne gouvernance, le soutien à la réforme de la réglementation et au renforcement des capacités administratives, l’appui aux efforts de réduction de la pauvreté.
Le gouvernement arménien, pour sa part, prend des mesures concrètes pour assurer la mise en œuvre efficace du Plan d’action Arménie-UE, en élaborant un agenda d’actions précises pour chaque année.


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