La lettre diplomatique

Entretien – Indonésie
La Lettre Diplomatique n°78 – Deuxième trimestre 2007

SBY impulse une nouvelle dynamique  au géant indonésien

Surnommé SBY par ses compatriotes, le Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a su, en trois ans, stabiliser l’archipel et redresser l’économie. Des accords de paix sur Aceh au retour des investisseurs étrangers, S.E.M. Arizal Effendi, Ambassadeur d’Indonésie en France, nous livre son analyse des réformes engagées et des réussites acquises à la mi-mandat du Président indonésien.

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, le Président Susilo Bambang Yudhoyono est devenu en septembre 2004 le premier président indonésien a être élu au suffrage universel direct, couronnant ainsi la transition démocratique amorcée par votre pays. Huit ans après le départ de l’ancien Président Soeharto, comment définiriez-vous les espoirs dont est porteuse cette nouvelle ère ? Quels progrès doivent-ils encore, selon vous, être accomplis pour ancrer durablement la démocratie, notamment en matière de décentralisation des pouvoirs ?

S.E.M. Arizal Effendi :
Le peuple indonésien a élu le Président Yudhoyono avec des attentes très fortes. En tout premier lieu, il souhaite que le président stabilise la politique intérieure et la sécurité du pays et qu’il redynamise son économie. Ces trois éléments sont étroitement liés. Aujourd’hui, à mi-parcours du mandat présidentiel, la situation politique et sécuritaire en Indonésie s’est stabilisée. Les conflits armés à l’intérieur du pays ne se sont que rarement manifestés. C'est la raison pour laquelle, selon un sondage, la popularité du président est toujours très élevée, atteignant plus de 60 % d’opinion favorable.
Pour que la démocratie puisse perdurer à l'avenir, l'Indonésie a encore une tâche importante à accomplir, à savoir, dynamiser son économie afin de résoudre le problème du chômage et réduire la pauvreté. Le gouvernement indonésien essaie de résoudre ce problème en appliquant la politique connue sous le nom de « stratégie à triple voie ». Elle a pour objectif d’accroître la croissance, de réduire la pauvreté, et de créer de l’emploi. Dans cette stratégie, l’objectif de la croissance économique est de 7%. Lorsque le président a commencé son mandat en 2004, la croissance était de 5%. L'année dernière, elle a atteint 6,2%. Elle reste cependant moins élevée que prévue, surtout en terme de réduction du chômage.

L.L.D. : Le gouvernement indonésien cherche à redynamiser la croissance économique en tentant de redonner confiance aux investisseurs étrangers. Quels ont été les efforts mis en œuvre pour améliorer le cadre des affaires ? Quelles mesures sont-elles préconisées pour renforcer la lutte contre la corruption ? A l’instar des infrastructures et de la bio-énergie, dans quels autres secteurs le gouvernement indonésien compte-t-il orienter la promotion des investissements étrangers ?

S.E.M.A.E. :
Diverses questions ayant un rapport avec les investissements étrangers en Indonésie peuvent en effet se poser. Les hommes d'affaires, entre autres, se plaignent du manque de cadre légal, des règlements locaux compliqués et souvent des décisions contradictoires prises par le gouvernement central. Ce dernier point est un  phénomène nouveau dû à la nouvelle décentralisation du pouvoir vers les régions. Les conditions de travail et la nécessité d'étendre la capacité des infrastructures sont également citées. L'Indonésie doit, par conséquent, répondre simultanément à tous ces problèmes.
En ce qui concerne le cadre légal, deux questions devront être prises en compte. La première concerne la réforme des lois et des règlements ; la deuxième porte sur l’amélioration de la formation et de la compétence des fonctionnaires dans les trois branches principales du gouvernement : l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
Cette année, l’Indonésie a promulgué une nouvelle loi sur les investissements. La nouvelle loi a répondu à beaucoup de questions telles que les règlements en matière foncière et l’obtention de permis d’investissements under-one-roof (« sous le même toit »). Elle stipule également que le gouvernement s’interdit de nationaliser les entreprises étrangères implantées en Indonésie sans leur accorder une compensation. Sur la question du travail, la nouvelle loi fournit un mécanisme clair sur le règlement des conflits. Hormis ces efforts pour rendre plus attrayants les investissements, le gouvernement a également mis en place, entre autres incitations, des mesures fiscales favorables, l’exemption de taxes douaniaires pour l'importation de biens d’équipement, ainsi que le partage du risque, le gouvernement ayant promis d’accorder une compensation sur toutes les pertes encourues résultant d’effets inattendus de sa politique.
Sur la question de la bureaucratie, l'Indonésie a envoyé ses fonctionnaires à l'étranger pour parfaire leur formation. La France est l’un de ces pays qui a la gentillesse d’apporter sa méthode de formation aux fonctionnaires indonésiens. Notre pays poursuit la même politique dans ses efforts pour combattre la corruption. D’un point de vue législatif et réglementaire, le gouvernement a ainsi instauré une « Commission en vue de supprimer la corruption », une « Equipe gouvernementale pour enquêter sur la corruption », et un « Centre pour Combattre le blanchiement d’argent ». Les fonctionnaires indonésiens occupant des positions clés doivent désormais déclarer le montant de leurs revenus et de leur épargne ainsi que les biens obtenus avant, pendant et après leur prise de fonction. Pour accroître les compétences de ces fonctionnaires à qui le gouvernement a accordé sa confiance pour travailler au sein de ses organismes, l’Indonésie les a envoyés suivre des formations à l'étranger, notamment en France.
Pour répondre à votre dernière question, en dehors des infrastructures et de la bioénergie, les secteurs économiques mis en avant par l'Indonésie pour les investissements, sont les industries de l’automobile, de l’agroalimentaire, de l'ecotourisme, de l’exploitation minière, de la fabrication, et de l’immobilier.

L.L.D. : Votre gouvernement a fait de la réduction de la pauvreté et du chômage, l’un des axes majeurs de son programme d’action. Comment se traduit dans la pratique cette détermination ? Quelles initiatives ont-elles été adoptées pour développer les provinces rurales les plus pauvres ? Quels sont les principaux axes de la réforme de l’éducation en vue d’élargir la scolarisation des enfants indonésiens ?

S.E.M.A.E. :
La politique mise en œuvre pour résoudre le problème de la pauvreté et du chômage comme je l’ai décrit précédemment, est celle de « la triple stratégie », avec un accent mis pour le renforcement des très petites, petites et moyennes entreprises. Ces secteurs emploient plus de 60% de la main d'œuvre indonésienne. De ce fait, le gouvernement a mis en place des avantages pour redynamiser le secteur de l’agriculture, de la pêche et des petits commerces des villages.
La mise en application de la « triple stratégie » s'est avérée bénéfique dans les régions les plus pauvres d’Indonésie. La FAO a ainsi déclaré qu’une amélioration rapide en faveur de la réduction des pénuries alimentaires et de la pauvreté était en cours dans notre pays.
Pour réformer sa politique d’éducation, l’Indonésie s’est fixée pour objectif de donner toutes ses chances à la population d’y accéder. A cet égard, le gouvernement a décidé de mettre en place un système d'éducation obligatoire de neuf ans, commençant dès l'âge de 7 ans et se terminant à l’âge de 15 ans. Afin de financer cette politique d’une façon continue, un article a été inséré dans la Constitution demandant au gouvernement d’apporter des fonds équivalents à 20% du budget annuel de l’Etat. Cette dotation inclut des bourses pour les meilleurs lycéens et pour les familles les plus défavorisées, des programmes en vue d’éradiquer l'analphabétisme, ainsi que des programmes de formation en dehors du système d’éducation traditionnelle. Divers enseignements professionnels indépendants du système scolaire traditionnel ont également été rendus possibles, utilisant les équipements et les établissements existant, pour créer « une voie rapide » destinée à former des travailleurs compétents. Le but est de les aider pour qu’ils créent leurs propres entreprises et, en fin de compte, de réduire le taux du chômage.

L.L.D. : Située sur la « ceinture de feu » du Pacifique, l’Indonésie subit fréquemment des séismes à l’image de ceux qui ont touché l’île de Sumatra en mars 2007 ou celui, plus puissant, de la fin 2004, déclencheur d’un tsunami meurtrier. Pouvez-vous nous rappeler les dispositions mises en œuvre dans votre pays en matière de prévention des catastrophes naturelles ? Comment s’articule la coopération régionale et internationale avec votre pays dans ce domaine ?

S.E.M.A.E. :
Les désastres dus aux tremblements de terre sont des événements naturels que personne ne peut empêcher. Ainsi, la politique mise en œuvre à cet égard doit se focaliser sur le moyen de limiter les dommages lorsque les désastres se produisent. A cet effet, le gouvernement a fourni des efforts afin d'améliorer la formation du personnel et de mettre en œuvre un système de détection précoce des tsunamis, des services de secours rapides dans la zone touchée et divers programmes de réhabilitation afin d’améliorer les conditions socio-économiques des populations victimes de désastres naturels. Des programmes sur la reconstruction sont également établis à travers diverses formations dispensées aux secouristes. Des exercices de simulation sont par ailleurs entrepris pour accroître la prise de conscience de la population et les capacités d'évacuation dans des secteurs enclins au tremblement de terre. Ces programmes sont appliqués à l’échelle nationale et en collaboration avec les agences régionales et internationales. L'Indonésie a notamment été l’initiatrice de « la Réunion spéciale des Dirigeants de l’ASEAN sur les conséquences des Tremblements de terre et des Tsunamis » qui s’est tenue le 6 janvier 2005, à Jakarta. Cette réunion a d’ailleurs stimulé l'engagement des différents pays pour développer un «  système de détection précoce » dans la région.
La coopération aussi bien au niveau bilatéral, que régional et international a été excellente. Par exemple, sur le plan bilatéral, la France a apporté de nombreuses aides de façon constante à travers diverses actions de formations en 2005 et 2006. Plusieurs conseils régionaux en France ont également mis à disposition leur assistance directe pour des opérations de secours immédiats, ainsi que pour l'aide à la reconstruction des écoles et des hôpitaux dans les secteurs frappés par les tremblements de terre.

L.L.D. : Pays fortement touché par la grippe aviaire, quelle est la position des autorités indonésiennes en ce qui concerne le partage d’échantillons du virus H5N1 avec la communauté scientifique internationale ? Au-delà des aspects sanitaires, quels sont les atouts de l’accord conclu en février dernier entre le gouvernement indonésien et le groupe pharmaceutique américain, Baxter international ?

S.E.M.A.E. :
L'Indonésie maintient une position ferme en ce qui concerne sa coopération sur le virus H5N1 et la mise à disposition d’échantillons de ce virus à toute organisation internationale. Ceux-ci ne devront pas être utilisés dans des buts commerciaux. Ils doivent être employés, en tout premier lieu, au profit de l'humanité et plus particulièrement des populations pauvres. L'Indonésie a ainsi proposé une résolution lors de la réunion de l’Assemblée de la Santé mondiale (WHA, en anglais) durant sa session plénière du 23 mai 2007, à Genève. Elle est intitulée « L’Etat de préparation de la grippe pandémique : le Partage des virus de la grippe et l’accès au vaccin et à d’autres avantages ». Cette résolution doit bénéficier à la communauté internationale afin que le vaccin obtenu grâce à cette coopération soit accessible aux personnes pauvres.
En conformité avec cette résolution, le gouvernement indonésien a accepté de fournir à la société Baxter International des échantillons du virus, celle-ci étant favorable à la signature de l’accord sur le transfert de matériel, incorporant les principes stipulés dans ladite résolution de la WHA. Baxter a promis qu'elle fournirait le transfert de technologie pour la production du vaccin, aidant ainsi les pays en voie de développement, comme l'Indonésie, à produire eux-même le vaccin à l'avenir.

L.L.D. : Plus d’un an après les accords de paix d’août 2005 entre le gouvernement indonésien et les séparatistes d’Aceh (GAM), les élections de décembre 2006 ont permis de conforter la reconstruction de cette province durement touchée par le tsunami de 2004. Comment percevez-vous cet aboutissement historique qui clôt trente années de conflit ? Quelles relations entretiennent aujourd’hui le gouvernement indonésien et les autorités locales ?

S.E.M.A.E. :
Le résultat a été excellent. Il n'y a plus de conflit armé dans la province. La stabilité a permis au peuple d’Aceh d’organiser pour la première fois des élections générales libres et justes afin de choisir leur gouverneur et d'autres dirigeants régionaux de la province. L'Union européenne a d’ailleurs participé au processus électoral en envoyant leurs observateurs dans la région. Son évaluation sur le déroulement des élections a été très positive.
En raison des lois et des règlements sur l'autonomie régionale et de la loi sur les élections générales, les Indonésiens sont libres de choisir directement les dirigeants de leurs propres régions. Les élections et les lois sur l'autonomie régionale renforcent les relations entre les gouvernements centraux et locaux. En effet, le peuple indonésien perçoit le programme de décentralisation comme un geste sincère du gouvernement central pour apporter ses services au peuple et comme un signe de détermination pour le faire participer au développement du pays à travers l’approche dite « du bas vers le haut ».

L.L.D. : Devenu indépendant en 2002, le Timor-Leste, ancienne province indonésienne, a élu le deuxième président de son histoire le 9 mai 2007. Quelle analyse faites-vous de la grave crise économique et sociale qui secoue le pays depuis les émeutes d’avril 2006 ? Au-delà des contentieux historiques entre les deux nations, comment l’Indonésie peut-elle contribuer à la stabilisation du Timor-Leste ?

S.E.M.A.E. :
La politique indonésienne à l’égard du Timor Leste consiste à développer une relation amicale forte. Les lacunes sur le plan social et économique auxquelles ce pays doit malheureusement faire face, sont propres à tous les nouveaux pays en voie de développement et les plus démunis. Par conséquent, c’est à l’Indonésie et aux pays défenseurs des MDG (Objectifs de Développement du Millénaire) de l'ONU de soutenir les peuples du Timor Leste. L'Indonésie se tient prête à tout moment, dès que le Timor Leste le demandera, à accroître sa coopération.

L.L.D. : Thème-phare de son programme politique, le Président Susilo Bambang Yudhoyono a initié un « nouveau paradigme » qui prône le retrait progressif et complet de l’armée du champ politique. Comment ce processus est-il mis en œuvre ? Quels en sont les enjeux ?

S.E.M.A.E. :
Deux questions subsistent au sujet de la réforme de l’armée. L’une concerne les mesures prises par les militaires eux-mêmes, et la seconde est la promulgation de la loi séparant la police de l’armée. Sur la première question, il est important de noter que les militaires ont volontairement retiré leurs représentants du Parlement et ont interdit à ses membres de participer aux élections générales de 2004. Le retrait volontaire s’est effectué avant que ne soit engagé le projet actuel d’interdire aux militaires de s'engager dans des activités politiques d'ici 2009. Ce retrait anticipé est dès lors un signe de la détermination des militaires à réformer leur institution.
La deuxième question porte sur la loi qui a été promulguée pour séparer les forces armées et la police, et pour affecter ces deux corps à des responsabilités clairement différenciées. Cette loi confie ainsi aux militaires la tâche de défendre le pays contre une menace étrangère, tandis que la sécurité intérieure est du ressort de la police. En interdisant aux militaires de s’impliquer dans les problèmes de sécurité intérieure du pays, la loi consolide également les efforts pour empêcher les militaires de s’engager indirectement, de nouveau, dans des activités politiques.

L.L.D. : Si 87% de sa population est musulmane, l’Indonésie demeure une nation multiconfessionnelle. Comment analysez-vous l’adoption de certains chapitres de la Charia dans un nombre croissant de provinces ? Avec la multiplication des attentats terroristes, notamment à Bali en 2002 et en octobre 2005, quels progrès ont-ils été accomplis pour démanteler les réseaux islamistes radicaux qui menacent l’archipel comme la Jemma Islamiya ? A l’image du centre régional de lutte anti-terroriste créé à Bali, quels mécanismes de coopération ont-ils été mis en place avec vos partenaires régionaux, notamment l’Australie ?

S.E.M.A.E. :
La mise en application de quelques règlements de la Syariah sert uniquement à renforcer la législation sur des questions qui font déjà l’objet d’une interdiction par le droit pénal, comme la prostitution. Le peuple peut également choisir de mettre en application la Syariah en soumettant aux Tribunaux des Affaires religieuses des questions sur les affaires familiales telles que le divorce et l’héritage. Sur d'autres lois et règlements publics et privés, c'est la loi nationale qui prédomine. Depuis le jour de leur indépendance, les Indonésiens ont toujours rejeté, par le biais du processus démocratique, toute idée de faire de l'Indonésie un Etat islamique. Ils ont toujours cru que leur processus démocratique ne devait pas se transformer en « une tyrannie de la majorité sur la minorité ». L'Indonésie est un pays pluraliste se composant de divers groupes ethniques et religieux. Elle soutient fortement le principe que l'égalité des droits et des obligations, en vertu de la loi, doit être accordée à chaque citoyen indonésien.
L'Indonésie est en outre déterminée à éliminer tous les groupes terroristes. L’écrasante majorité de la population soutient cette politique. Notre pays a ainsi poursuivi et emprisonné une personne soupçonnée d’être un haut dirigeant du Jemaah Islamiyah et il a récemment capturé avec succès le commandant de l'aile militaire de cette organisation interdite. L'emprisonnement des chefs et des membres des organisations terroristes n'a créé aucune instabilité politique en Indonésie. Cela prouve que le peuple indonésien ne soutient pas ces organisations et leur idéologie. Ces terroristes ont abusé de l'Islam pour recueillir des soutiens en Indonésie, mais ils ont complètement échoué.
Un récent sondage effectué par le Barometer Indo et l’Institut Wahid a démontré que pour seulement 2,1% de musulmans indonésiens le terrorisme pouvait être justifié par la religion, alors qu’une majorité accablante de 93,1% est opposée à ce fléau. D’autre part, une autre enquête a indiqué que seulement 1,1% des Indonésiens déclarent que la religion permet l'utilisation de la violence, tandis que 96,4% rejettent cette idée.
A l’échelle de la coopération régionale, l'Indonésie et l'Australie ont lancé une initiative en 2004 pour organiser conjointement à Bali, une Réunion régionale, au niveau ministériel, sur les mesures à prendre contre le terrorisme. Cette réunion s’est conclue par un accord sur un ensemble de propositions, en particulier sur l'établissement d'un groupe de travail de fonctionnaires chargés d’appliquer la loi et d'un autre sur des questions de législation régionale. Cette réunion appelle également les deux pays à établir le Centre de Jakarta pour la Coopération de l’Application des Lois (le JCLEC) dans la ville de Semarang. Le centre effectue un bon travail en tant que mécanisme de coopération pour le partage des informations et la formation.

L.L.D. : Face à la montée en puissance des économies chinoise et indienne, les pays de l’ASEAN souhaitent accélérer l’ouverture d’un marché commun. Comment la coopération économique régionale peut-elle être intensifiée en vue de réduire les écarts de développement entre les pays membres de l’organisation ? Alors que l’ASEAN célèbre cette année le 40ème anniversaire de sa création, comment accueillez-vous la proposition japonaise de créer une « Asie des seize » ?

S.E.M.A.E. :
La coopération entre les pays de l’ASEAN a été impressionnante. L'Organisation a adopté l'accord de libre-échange entre les pays de l’ASEAN (AFTA). Elle a également lancé une initiative appelée l’ASEAN+3 pays, à savoir la Chine, le Japon et la Corée du Sud, et organisé à Kuala Lumpur et aux Philippines, un Sommet de l'Asie de l'Est avec la participation de l'Australie, de l'Inde, et de la Nouvelle Zélande.
L'Indonésie estime que cette coopération pourra bénéficier économiquement à la région et réduire l’écart de développement actuel. L'Indonésie est toujours ouverte pour discuter de toute proposition qui pourrait apporter la prospérité et la stabilité dans la région, y compris celle venant du Japon.

L.L.D. : Le volontarisme diplomatique du Président Susilo Bambang Yudhoyono a notamment permis de sceller un partenariat stratégique avec la Chine en avril 2005 et, plus récemment en novembre 2006, d’approfondir la coopération avec la Russie en matière d’énergie et de défense. Comment définiriez-vous l’intérêt « stratégique » que suscite votre pays et dont témoigne également la visite du Président George W. Bush en Indonésie en novembre 2006 ?

S.E.M.A.E. :
Sur cette question, je serait bref. L'Indonésie bénéficie actuellement d’excellentes relations avec la Chine, la Russie et les Etats-Unis. Ces trois pays disposent d’une technologie et d’un savoir-faire de pointe, et ils représentent d’importants partenaires commerciaux et économiques. L'Indonésie bien évidememnt tire profit de ces excellentes relations. Le développement actuel des contacts entre les fonctionnaires des gouvernements respectifs, ainsi que ceux qui se sont noués entre les peuples, a créé une meilleure compréhension mutuelle des efforts nécessaires pour renforcer davantage ces relations. Il est important que cette tendance se poursuive.

L.L.D. : Elue membre non-permanent du Conseil de sécurité pour la période 2007-2008, quelles sont les priorités de l’Indonésie au sein de cette instance internationale ? Fort de sa participation à la Force d’intervention des Nations unies au Liban (FINUL), quelle voix votre pays envisage de faire entendre en faveur de la reprise du processus de paix au Proche-Orient ? Compte tenu de la médiation indonésienne proposée au Président iranien lors de sa visite à Jakarta en mai 2006, quelle est votre vision du règlement du bras de fer opposant la communauté internationale à l’Iran sur son programme nucléaire ?

S.E.M.A.E. :
La priorité de l'Indonésie est que l’ONU occupe un rôle central afin de promouvoir la paix et la stabilité dans le monde. La Constitution indonésienne donne pour mission à son gouvernement de contribuer aux efforts pour établir une paix juste et durable dans le monde. La participation indonésienne à la FINUL a pour but d’élargir cette contribution en espérant que nos frères et sœurs vivant actuellement dans la partie instable du Moyen-Orient pourront jouir d’une paix durable dans un avenir proche. Il est du devoir constitutionnel de l’Indonésie de promouvoir la paix et la stabilité dans le monde.
Concernant l'Iran, l'Indonésie soutient le droit de tout signataire du TNP (le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) à acquérir la technologie nucléaire dans un but pacifique. En même temps, tout signataire souhaitant faire valoir ce droit devrait se soumettre aux conditions stipulées dans le traité lui-même, en particulier au sujet des garanties. L'AIEA (l’Agence internationale de l’Energie atomique) devrait ainsi se voir accorder le droit de mettre en application ses activités sur les garanties, sans influence extérieure. L'Indonésie espère que la question sera réglée par la voie des discussions entre toutes les parties conformément aux lois et aux règlements exposés dans le TNP. Des mesures de confiance entre les différentes parties impliquées dans le débat peuvent être d’une aide significative.

L.L.D. : A l’aune de la récente visite du Président Susilo Bambang Yudhoyono à Pyongyang et de sa volonté de médiation sur la question nucléaire nord-coréenne, comment percevez-vous le blocage des accords de février 2007 ? Comment votre pays peut-il contribuer à la réintégration de la Corée du Nord dans le concert des nations ?

S.E.M.A.E. :
Toutes les négociations ont leurs périodes de haut et de bas. On ne doit pas juger une négociation en se focalisant sur un certain moment du processus. Le plus important est d'établir des mesures de confiance pour que les négociations se poursuivent.
L'Indonésie entretient d’excellentes relations avec les deux Corée. Ce qui constitue un excellent capital politique à utiliser pour résoudre la question de la péninsule coréenne. Notre pays sera ainsi très heureux de pouvoir proposer sa contribution si elle est sollicitée par les deux pays.

L.L.D. : Si la France a été l’un des premier pays occidentaux a établir des relations officielles avec l’Indonésie indépendante, les relations bilatérales demeurent encore trop modestes au regard de leur potentiel. A travers quelles initiatives le dialogue politique peut-il être, selon vous, consolidé ? Comment la coopération bilatérale peut-elle être intensifiée, notamment pour relancer le fort courant d’échanges économiques qui caractérisaient les deux pays avant la crise financière de 1997 ? Quels nouveaux atouts votre pays offre-t-il de ce point de vue aux entreprises françaises en terme d’investissements et de partenariats stratégiques ?

S.E.M.A.E. :
Je souhaite souligner en particulier les bonnes relations qui existent depuis toujours entre la France et l'Indonésie. Comme je l’ai mentionné précédemment, il y a eu récemment un développement de la coopération technique proposée par la France pour améliorer la formation des fonctionnaires indonésiens dans le secteur législatif et des droits de l'homme, aussi bien que dans la gestion des désastres. Afin de renforcer davantage ces relations, les deux pays envisagent actuellement d’instaurer un dialogue structuré entre hauts fonctionnaires. Si le besoin s’en fait sentir, le niveau du dialogue sera élevé au rang des ministres. Les deux pays espèrent qu’un dialogue structuré puisse commencer d’ici la fin de cette année.
En ce qui concerne le commerce et les investissements, il faut reconnaître que les deux pays doivent encore les intensifier. Cependant, les fonctionnaires du gouvernement ne peuvent agir que pour les faciliter. Les activités économiques actuelles sont entre les mains des hommes d'affaires eux-mêmes. Ainsi, à son niveau, l’Ambassade d’Indonésie peut favoriser l’organisation de rencontres d’affaires. L'Ambassade s’est engagée dans quatre réunions d'affaires depuis l'année dernière, trois à Paris et une en Indonésie. D'autres efforts ont été entrepris pour faire connaître les sociétés indonésiennes et leurs produits par le biais de la distribution de brochures. En même temps, l'Ambassade envoie régulièrement des informations sur les opportunités commerciales et d’investissement qu’offrent la France aux entreprises indonésiennes appropriées. Au cours des derniers mois, de nombreuses entreprises françaises ont, de leur côté, montré leur intérêt et ouvert une succursale en Indonésie.
L'autre aspect important des relations franco-indonésiennes concerne le secteur du tourisme. Les deux pays ont finalisé un Protocole d’accord sur le tourisme, qu’ils sont désormais prêts à ratifier. Avec ce protocole, la coopération entre les deux pays dans ce secteur pourra se développer davantage. En outre, considérant que les contacts entre les peuples et les entreprises des deux pays sont très importants pour le monde des affaires, on espère également que l’afflux des touristes pourra rehausser le niveau et le nombre de ces contacts. Actuellement, un nombre croissant d’entreprises françaises du secteur touristique investissent ainsi en Indonésie, par exemple à Bali et à Lombok, et disposent de représentants permanents en Indonésie.


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