La lettre diplomatique

Entretien – Azerbaïdjan
La Lettre Diplomatique n°65 – Premier trimestre 2004

L’Azerbaïdjan à l’heure de l’ouverture

Naguère situé au carrefour de l’Occident et de l’Orient sur la route de la soie, l’Azerbaïdjan est en passe de retrouver sa position géostratégique une décennie après son accession à l’indépendance, avec le développement des projets pétro-gaziers de la Mer Caspienne. Quelques mois après avoir succédé au Père fondateur de l’Azerbaïdjan moderne, Heydar Aliyev, S.E.M. Ilham Aliyev, Président de la République d’Azerbaïdjan, nous expose les grandes lignes de son programme d’action pour le développement futur de son pays.

La Lettre Diplomatique : Monsieur le Président, élu en octobre 2003, vous avez pris la tête de l’Azerbaïdjan, succédant à votre père feu M. Heydar Alyiev, qui a conduit le pays depuis son indépendance. Comment qualifieriez-vous l’héritage qu’il a légué à l’Azerbaïdjan ? Considérant votre souhait de ne pas rompre avec celui-ci, quelles sont les priorités de votre programme d’action ?

S.E.M. Ilham Aliev :
Il est très difficile d’évoquer dans une brève interview toute l’œuvre qu’a accompli M. Heydar Aliyev pour le peuple azerbaïdjanais. C'est une question très large. Pour mieux comprendre, il faut se rappeler de la situation dans laquelle se trouvait l’Azerbaïdjan lorsque M. Heydar Aliyev est revenu à la tête du pouvoir en 1993. Le peuple azerbaïdjanais a dû affronter le legs de l’Histoire, dès les premiers jours de son indépendance, en 1991. Il fut confronté au problème des réfugiés azerbaïdjanais chassés de leurs terres natales par l'Arménie, à la destruction de villes et de villages, à l’occupation par les forces armées arméniennes des territoires où se sont déroulés d'autres tragédies. Notre jeune Etat dut également subir les pressions de l’étranger qui refusait d’admettre un Azerbaïdjan indépendant, mais aussi la volonté de certaines forces qui s’étaient temporairement emparés du pouvoir, de céder son indépendance au contrôle d’autres puissances. Il fallut également compter sur les tentatives de certaines personnes et de groupes militaires pour prendre le pouvoir à tout prix.
Durant cette période, l'économie azerbaïdjanaise était également paralysée. L'Azerbaïdjan avait été isolé du monde par la propagande diffusée contre lui par la forte diaspora arménienne et par la politique déraisonnable des personnes qui contrôlaient temporairement le pouvoir en Azerbaïdjan. Dans le chaos qui régnait alors, le pays était sur le point de succomber à la guerre civile. C’est dans cette situation très grave et sur l'insistance du peuple, que M. Heydar Aliyev est revenu au pouvoir en 1993. Acceptant une mission difficile et historique, il a tout fait pour éviter à son peuple de vivre une tragédie. En peu de temps, le climat d’anarchie fut dissipé, les troupes armées illégales démantelées, le pouvoir de l'Etat et la stabilité politique rétablis. Le cessez-le-feu fut obtenu sur le front de la guerre déclenchée par l'occupation arménienne de nos territoires, permettant, d’une part, d'éviter la mort de nombreux autres jeunes azerbaïdjanais, et, d’autre part, de donner du temps à la construction d’une armée répondant aux exigences modernes et qui constitue la garantie de l’intégrité de nos frontières.
Un plan d'action fut également mis en œuvre pour la reconstruction et le développement de notre économie avec l’introduction des nouvelles technologies et l’appel aux investissements étrangers. La signature en 1994 du « contrat du Siècle » entre la Compagnie Nationale de Pétrole d'Azerbaïdjan et les principales compagnies étrangères, a donné une impulsion à l'intensification de ce processus. Ce contrat a d’ailleurs eu pour notre pays non seulement une importance économique, mais aussi politique. Il prouvait la grande confiance qu’a manifestée la communauté internationale et les grands pays du monde à l’égard de la stabilité socio-politique de l’Azerbaïdjan et de son avenir. De solides fondements ont ainsi été érigés pour assurer le développement économique du pays. L'Azerbaïdjan a dès lors commencé à s'intégrer progressivement au système économique international. Il est aujourd’hui devenu un pays prenant une part active à des projets économiques d’envergure internationale.
L’élaboration et la réalisation des orientations de la politique étrangère azerbaïdjanaise constituèrent également une tâche très complexe. A la différence des autres pays de l'ex-URSS qui avaient acquis leur indépendance, ce processus rencontra en Azerbaïdjan des difficultés spécifiques que j’ai déjà mentionnées. Dans ces conditions, M. Heydar Aliyev s’est activement attelé à redéfinir la stratégie politique du pays. Il s’est fortement impliqué pour régler les problèmes intérieurs. Parallèlement, il est parvenu à briser en peu de temps le blocus créé autour de notre pays par le lobby arménien, grâce à ses rencontres avec les chefs d'Etat et de gouvernements étrangers ainsi qu’avec des hommes politiques éminents, mais grâce aussi à ses interventions au sein des organisations internationales et aux entretiens qu’il a accordé aux médias internationaux. Il a ainsi lancé le processus d’intégration progressive de l'Azerbaïdjan à l'OSCE, au Conseil de l'Europe, à l'OTAN, aux autres grandes organisations internationales, et, plus généralement, aux structures euro-atlantiques. Grâce à l’élaboration de nouveaux partenariats avec des pays étrangers fondés sur les principes d'égalité et d'intérêt mutuel, l'Azerbaïdjan a véritablement gagné sa place sur la scène internationale, comme Etat ayant une politique étrangère propre et indépendante. La riche expérience politique de M. Heydar Aliyev, son approche globale des processus politiques dans la région et dans le monde, a également contribué à la normalisation et au développement des relations avec les pays qui avaient adopté une attitude méfiante à l’égard de l'Azerbaïdjan. Avec la création de relations équilibrées avec l’étranger, la position de l'Azerbaïdjan dans le monde s’est donc renforcée.
D’une manière générale, M. Heydar Aliyev est le fondateur de l'Etat moderne d'Azerbaïdjan et c’est à lui que revient tout le mérite d’avoir préservé l'indépendance de notre pays et d’en avoir impulsé le développement.
Je voudrais de nouveau rappeler que les faits susmentionnés ne forment qu'une partie des mérites de M. Heydar Aliyev à l’égard du peuple azerbaïdjanais. Ce n'est d’ailleurs pas un hasard si celui-ci reconnaît Heydar Aliyev comme son leader national et je crois qu’il restera gravée dans la mémoire de tous les Azerbaïdjanais.
En ma qualité de Président de la République azerbaïdjanaise, je poursuivrai la politique d’Heydar Aliyev. Les priorités en sont la consolidation de l'Etat azerbaïdjanais, le rétablissement de son intégrité territoriale pleine et entière, le retour de nos compatriotes réfugiés sur leurs propres terres, le développement de l'économie, l'amélioration de la situation sociale, la diversification des relations de notre pays sur la scène internationale, l'intégration étroite de l'Azerbaïdjan dans la communauté internationale, et plus particulièrement dans la famille des peuples européens. Enfin, la prospérité future de notre peuple, qui possède une histoire ancienne, une économie riche et variée et un véritable potentiel culturel, forme la trame essentielle de ma tâche et je suis persuadé que nous y parviendrons tous ensemble.

L.L.D. : Connaissant une croissance économique parmi les plus dynamiques de la Communauté des Etats indépendants (CEI), l’Azerbaïdjan a mis en œuvre d’importantes réformes structurelles depuis 2001. Quels progrès restent-ils à accomplir pour assainir et rationaliser les facteurs internes de développement ? Compte tenu du rôle majeur du secteur des hydrocarbures comme moteur de l’économie azerbaïdjanaise, comment envisagez-vous la diversification de ses sources de revenus ? A la lumière des importantes inégalités sociales qui subsistent encore dans votre pays, autour de quels mesures la lutte contre la pauvreté s’articule-t-elle ?

S.E.M.I.A. :
La République azerbaïdjanaise est un des pays qui a réalisé les plus importants progrès économiques, non seulement parmi les pays de la CEI, mais aussi parmi ceux d’Europe de l'Est. Depuis 1996, il a mis en œuvre de grandes réformes économiques qui ont rapidement conduit à de réels succès. Au cours des sept dernières années, la croissance annuelle moyenne de notre PIB a augmenté de 10 %. En 2003, elle s’est élevée à 11%. L’inflation se maintient depuis quelques années déjà, entre 2 et 3 %. Le niveau de vie de la population s'améliore quant à lui de jour en jour.
Les grands investissements qui ont été réalisés en Azerbaïdjan prouvent la confiance que suscite notre pays et l'existence des conditions favorables à l'investissement. Nos succès en matière économique sont particulièrement visibles avec le développement du secteur pétrolier et gazier. Les milliards de dollars investis dans le secteur azerbaïdjanais de la Mer Caspienne, portent, en effet, déjà leurs fruits et contribueront à l’essor de notre économie.
Nous avons par ailleurs achevé les réformes introduites dans le secteur agricole, permettant à plusieurs centaines de milliers de paysans de devenir des propriétaires terriens.
Le principal axe des réformes structurelles de notre économie demeure toutefois la privatisation des biens d'Etat azerbaïdjanais. Amorcée avec le développement de la propriété privée dans notre pays, celle-ci a fait augmenter à 73,4 % la part du secteur privé dans le PIB, en 2003. Les mesures prises récemment visent désormais à accroître le rôle des facteurs internes dans le développement durable de notre économie et donc à réduire sa dépendance extérieure. Elles sont largement prévues par les programmes d'Etat qui s’articulent autour de plusieurs axes dont l’« abolition de la pauvreté et le développement économique » et le « développement socio-économique des régions ». Leur but est notamment d’assurer le développement équilibré de l'économie sur les plans sectoriel et régional, d'élargir le processus de réformes structurelles, de favoriser le développement dynamique du secteur non-pétrolier et de renforcer le soutien de l'Etat à la création d’entreprises.
Pour assurer la bonne gestion des bénéfices pétroliers et leur transparence, un Fond national du Pétrole a été créé en 1999, dont les normes juridiques de fonctionnement ont été approuvées et répondent aux exigences internationales.
Nous avons également accompli un important travail pour élargir les sources de revenus de notre pays. On peut citer comme exemple de nos efforts, l’amélioration du cadre réglementaire et juridique de l’investissement ainsi que des conditions d’accès à la propriété, la privatisation des biens de l’Etat ou la stimulation des investissements dans le secteur non-pétrolier.
En ce qui concerne les inégalités sociales en Azerbaïdjan, elles peuvent s'expliquer comme étant une caractéristique de tous les pays en période de transition. Ce processus est affecté dans notre pays par les conséquences de l'occupation de 20 % de notre territoire par l'Arménie et de la présence de près d’un million de réfugiés et de personnes déplacées. Comme je l'ai déjà indiqué, les choix que nous avons faits en matière de politique économique et la stabilisation de notre situation socio-politique ont permis d’améliorer chaque année le niveau de vie de la population et de prendre des mesures fortes pour lutter contre la pauvreté. L’exécution du Programme d'Etat relatif à l’abolition de la pauvreté et au développement économique est déjà mise en œuvre depuis l’adoption d’un décret présidentiel en 2003. En étudiant le niveau de pauvreté du pays et ses différents aspects, ce programme a cherché à identifier les mesures nécessaires dans ce domaine, dans le cadre plus large du plan de réformes et de transformations institutionnelles que nous cherchons à mettre en œuvre sur le plan économique et social. Je suis persuadé que dans un avenir proche, nous parviendrons à abaisser suffisamment le niveau de pauvreté en Azerbaïdjan.

L.L.D. : Appelé à devenir un pôle économique majeur du Caucase, comment percevez-vous la place de l’Azerbaïdjan dans la région ? Quelles mesures votre pays compte-t-il adopter pour améliorer le cadre des investissements étrangers ? Fort de la confiance que vous accordent de nouveau les institutions financières internationales, comment comptez-vous renforcer la transparence financière de votre pays ? Candidat à l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, quel calendrier l’Azerbaïdjan s’est-il fixé pour accroître son insertion dans le système économique international ?

S.E.M.I.A. :
J’ai déjà eu l’occasion de faire remarquer que l'Azerbaïdjan occupe, sur le plan du développement économique, un des tout premiers rangs parmi les pays de la CEI. Il est aussi devenu le leader du Caucase du Sud dans d’autres domaines. Notre pays participe ainsi activement à des projets économiques réalisés dans la région et qui ont une portée à l’échelle internationale. L'Azerbaïdjan occupe également une des premières places au sein des pays de la CEI et de l'Europe de l'Est, en termes de volume d'investissement étranger per capita. Au cours des dix dernières années, 16,9 milliards de dollars ont ainsi été investis en Azerbaïdjan. Selon le bilan de l'année 2003, le volume de l'investissement a augmenté de 1,8 fois par rapport à 2002, atteignant 3,3 milliards de dollars. Nous avons en outre adopté des mesures pour améliorer les conditions d'investissement, comme le renforcement de notre cadre législatif, le soutien au développement du secteur non-pétrolier et de nos régions. Selon les prévisions établies pour la période 2004-2008, l'Azerbaïdjan devrait attirer 16,9 milliards de dollars d'investissement (soit autant que les années précédentes) dont 5,7 milliards provenant de l’intérieur et 11,2 milliards de l’étranger.
Durant ces dix dernières années, l'Azerbaïdjan a également coopéré avec succès avec les organisations financières internationales. Celles-ci ont approuvé les réformes économiques introduites dans le pays, et pour lesquelles nous les avons consultées et nous avons bénéficié de leur aide technique et financière. La stabilité macro-économique et le développement durable de notre pays sont à présent assurés. Nous avons réalisé un certain nombre de progrès pour ériger un solide système bancaire et financier. Il est évident que l'Azerbaïdjan poursuivra sa coopération avec les organisations financières internationales, tout en prenant en considération les importants progrès économiques de ces dernières années et ses intérêts nationaux. Un certain nombre de mesures sont déjà prévues à cet effet. Nous prévoyons aussi de mettre en conformité notre système financier avec la loi nouvellement adoptée sur le système budgétaire, de parfaire nos systèmes de trésorerie et d'approvisionnement de l'Etat, d’adopter une stratégie à long terme pour l'utilisation des bénéfices pétroliers, et bien d’autres mesures encore.
L'économie azerbaïdjanaise s’intègre donc progressivement au système économique international. L'Azerbaïdjan coopère également avec l'Organisation mondiale du commerce. Le processus d’adhésion à cette organisation est lancé depuis qu’il en a fait la demande en 1997 et qu’il a obtenu un statut d'observateur. Une Commission pour la préparation de l'adhésion de l'Azerbaïdjan à l’OMC a été créée en août 2003. Son but principal est d'accélérer le processus et d’élaborer une politique économique unique lors des négociations avec l'OMC. La conclusion de l'accord sur les primes signé entre le Ministère du Développement économique azerbaïdjanais et l'Agence du Commerce et du Développement des Etats-Unis, a d’ailleurs permis de mettre en œuvre, depuis avril 2003, un Projet d'aide technique portant sur l'entrée de l'Azerbaïdjan à l'OMC.

L.L.D. : Depuis l’effondrement de l’URSS, l’espace caucasien a été soumis à de multiples transformations qui caractérisent sa transition politique et économique. Quel regard portez-vous sur la « révolution des roses » qui a provoqué un changement de pouvoir pacifique à Tbilissi ? Ouvre-t-elle, selon vous, une nouvelle ère dans les relations entre l’Azerbaïdjan et la Georgie ?

S.E.M.I.A. :
Après l'effondrement de l'URSS, la région du Caucase a subi des transformations qui se sont accompagnées d’un développement progressif de processus politiques complexes, notamment avec l’apparition de zones de conflit. Malgré cela, les relations avec la Géorgie voisine se sont développées d’année en année sur la base de liens d'entente mutuelle et d'amitié. Les changements politiques ayant eu lieu en Géorgie ont ainsi été observés avec un grand intérêt en Azerbaïdjan. Nous avons attentivement suivi les élections présidentielles et législatives qui se sont récemment déroulés en Géorgie et nous étions sûrs que le nouveau gouvernement géorgien contrôlerait la situation du pays et résoudrait les problèmes lourds résultants de ces changements. Nous nous réjouissons que cela se soit déroulé comme nous l’espérions. La stabilité de la Géorgie est en effet importante pour l’Azerbaïdjan et, en ce sens, les mesures prises par le nouveau Président géorgien M. Saakashvili jouent un rôle majeur. L'Azerbaïdjan et la Géorgie sont des pays amis. Les relations entre nos deux peuples, notamment du point de vue culturel, ont une longue histoire. Il est remarquable que ces sentiments d’amitié et de compréhension réciproque aient été préservés pendant des siècles et qu’après avoir conquis nos indépendances, le niveau de nos relations ait encore augmenté. Nos relations sur le plan politique sont ainsi très actives. Nous nous consultons régulièrement sur les questions régionales et internationales, et on peut affirmer que nous avons la même approche sur tous les sujets. Des projets économiques communs unissent aussi nos deux pays comme les projets Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) et Bakou-Supsa, de dimension internationale, qui sont à présent en cours de réalisation.
Nous sommes en outre confrontés à des problèmes rigoureusement identiques. L'Azerbaïdjan et la Géorgie ont tous deux subi un séparatisme agressif qui a conduit à la violation de leurs intégrités territoriales. Nous sommes néanmoins persuadés que l'intégrité territoriale de nos deux pays sera enfin rétablie selon les normes juridiques internationales. J’ajouterai que de grandes perspectives guident encore le développement futur de nos relations et cette dynamique bénéficiera, conformément aux intérêts de nos deux peuples, au renforcement de la paix, de la stabilité et de la coopération régionale dans le Caucase du Sud et dans toute la région en général.

L.L.D. : Constituant un facteur d’instabilité pour votre pays mais aussi pour la région dans son ensemble, la question du Haut-Karabakh continue, comme vous venez de l’indiquer, d’entraver le développement des relations entre votre pays et l’Arménie. De quels facteurs la résolution de ce conflit dépend-elle de votre point de vue ? Comment percevez-vous le rôle de médiation du Groupe de Minsk et plus particulièrement celui de la Russie ?

S.E.M.I.A. :
A vrai dire, le problème du Haut-Karabakh est devenu un facteur de destabilisation non seulement pour l’Azerbaïdjan, mais aussi pour toute la région du Caucase du Sud et plus largement pour la sécurité de l’Europe.
Le conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabakh demeure en effet la source de tous les dangers dans la région. Après l’agression de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh, territoire ancien de l’Azerbaïdjan, et sept autres régions autour de celui-ci – soit, au total, 20% du territoire azerbaïdjanais – ont été occupés et plus d’un million de nos compatriotes ont été chassés du foyer de leurs ancêtres, constituant aujourd’hui les populations azerbaïdjanaises déplacées.
Placés en dehors du contrôle de la communauté internationale, ces territoires constituent aujourd’hui une zone où se sont largement développés le non-droit et le crime organisé. En adoptant une position négative, les autorités arméniennes refusent d’accepter les quatre résolutions de l’ONU, les principes déclarés lors du Sommet de Lisbonne de l’OSCE et les décrets et résolutions d’autres organisations internationales, concernant le retrait sans conditions des forces armées arméniennes des territoires occupés et la garantie de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. L’Arménie poursuit donc aujourd’hui une politique d’agression contre notre pays. Le groupe de Minsk de l’OSCE, coprésidé par les Etats-Unis, la France et la Russie, tente de régler ce conflit depuis de nombreuses années. Malheureusement, jusqu’à présent, aucun changement positif n’a vu le jour et le conflit reste toujours sans solution. Néanmoins, nous espérons que les autres organisations internationales prêteront plus d’attention à ce problème. Il est vrai que les décrets, les résolutions et les différents documents officiels du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et des autres organisations internationales, constatent déjà, de fait, l’occupation du territoire azerbaïdjanais par l’Arménie, et soutiennent l’intégrité territoriale et la souveraineté de notre pays. Mais, il est très important que la communauté internationale et toutes les organisations internationales déploient leurs efforts pour la résolution pacifique du conflit au plus vite. Pour parvenir à ce but, il faut tout d’abord que les règles juridiques, dont les plus fondamentales sont les principes de l’inviolabilité des frontières et de l’intégrité territoriale, soient respectées. Autrement dit, l’intégrité de notre territoire doit être rétabli, les forces armées arméniennes doivent libérer les territoires occupés et les réfugiés, les déplacés doivent retourner à leurs foyers.
Pour justifier cette agression et l’occupation de nos territoires, la partie arménienne se base sur un autre principe du droit international qui stipule que les Arméniens du Haut-Karabakh ont droit à l’autodétermination. Mais j’insiste sur le fait que les Arméniens se sont déjà déterminés dans le cadre de l’Etat arménien. Des Arméniens vivent dans bien d’autres pays du monde et vous pouvez imaginer la situation s’ils essayaient de s’autodéterminer dans tous ces pays. Je tiens également à ajouter que la partie arménienne nous invite souvent à établir des relations économiques entre nos deux pays. C’est absurde. Aucun Etat du monde ne peut coopérer sur le plan économique avec un pays qui occupe une partie de son territoire. C’est d’ailleurs en raison de sa politique d’agression que l’Arménie reste en dehors des projets économiques internationaux mis en œuvre dans cette région. Au sujet des facteurs auxiliaires au règlement du conflit, je tiens à souligner qu’aucune base militaire étrangère n’est actuellement présente sur le territoire de notre pays. Je suis persuadé que si les autres pays du Caucase du Sud respectaient cette position, la paix et la sécurité seraient rétablies dans la région. Nous voulons vivre en paix, développer notre économie et notre pays. Nous souhaitons que la région du Caucase du Sud soit en paix, stable et prospère. Or, il est impossible d’atteindre ces objectifs avant d’avoir réglé le conflit arméno-azerbaidjanais du Haut-Karabakh.
C’est pourquoi je tiens à répéter que la communauté internationale doit intensifier ses efforts afin de mettre fin à l’agression de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan.
Je tiens enfin à souligner que l’activité du Groupe de Minsk de l’OSCE qui s’occupe de cette question, n’a pasdonné lieu à des résultats jusqu’à présent. Aussi, nous espérons que les co-présidents du Groupe de Minsk, y compris la Russie, accroîtront également leurs efforts.

L.L.D. : A l’occasion de votre visite d’Etat à Moscou en février dernier, de nouveaux accords de coopération ont été conclus entre l’Azerbaïdjan et la Russie. Comment décririez-vous les relations qu’entretiennent aujourd’hui les deux pays ? Comment analysez-vous les efforts de la Russie pour renouer des liens de coopération étroits avec les pays de la région, notamment au travers de l’Espace eurasiatique commun et de la réactivation de l’Organisation du Traité de sécurité collective de la CEI (OCST) ?

S.E.M.I.A. :
Les relations entre l’Azerbaïdjan et la Russie se développent désormais avec succès. Une grande dynamique les anime dans tous les domaines. Elles reposent sur un dialogue politique très sérieux et sur une compréhension réciproque sur les questions de politique régionale et internationale. Les documents signés lors de la visite officielle du Président russe Vladimir Poutine en Azerbaïdjan en janvier 2000, et de ma propre visite en Russie en février dernier, ont joué un rôle important dans l’élargissement du cadre juridique de nos relations bilatérales pour en intensifier le développement.
Parmi les exemples illustrant les réussites de la coopération entre l’Azerbaïdjan et la Russie, on peut citer la signature de l’accord politique bilatéral sur le statut juridique de la Mer Caspienne, délimitant les secteurs respectifs des deux pays.
De plus, le développement dynamique de l’économie des deux pays avec l’augmentation constante de leur PIB, a favorisé l’accroissement du volume de marchandises échangées.
Dans le secteur de l’énergie, la coopération russo-azerbaïdjanaise se développe sur le principe de l’intérêt mutuel et réciproque. Le pétrole azerbaïdjanais est ainsi acheminé vers le port de Novorossisk, tandis que nous importons du gaz et de l’énergie russe.
Comme je l’ai déjà remarqué, l’Azerbaïdjan a construit ses relations avec la Russie sur la base d’une coopération très étroite. Cette coopération s’effectue tant sur le plan bilatéral que multilatéral, et nous nous réjouissons que le développement de ces relations préserve les intérêts de notre peuple et de notre pays, tant à l’échelle de la Communauté des Etats indépendants (CEI), qu’à l’échelle régionale et internationale.
Quant au traité de sécurité collective de la CEI, l’Azerbaïdjan n’en fait pas partie, principalement en raison de la présence de l’Arménie au sein de ce traité.

L.L.D. : Devenu un enjeu géo-économique de premier plan depuis la dissolution de l’URSS, la question du statut juridique de la mer Caspienne et l’exploitation de ses ressources d’hydrocarbures demeure encore aujourd’hui ouverte. Quelles sont les propositions de l’Azerbaïdjan pour trouver un consensus sur ce problème ? Avec la construction du pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), dans quelle mesure votre pays inaugure-t-il une nouvelle stratégie pour le désenclavement de ses ressources en hydrocarbures ?

S.E.M.I.A. :
Le principe qui prévalait à l’époque soviétique pour l’exploitation des ressources minérales de la Mer Caspienne par les ex-Républiques soviétiques qui la bordaient, reposait sur la ligne de partage par secteurs. L’Azerbaïdjan considère aujourd’hui que les droits souverains et les juridictions des pays riverains de la Caspienne doivent être divisés en secteurs appropriés. Sa conception du partage de ce bassin prend ainsi en compte le principe de la ligne médiane et doit être appliqué sur la base de l’expérience vécue et selon les normes générales du droit international, en préservant les droits souverains des pays riverains.
Tous ces principes ont été confirmés par les traités conclus entre notre pays et le Kazakhstan en novembre 2001 et la Russie en septembre 2002. Nous espérons parvenir à de tels accords avec les autres pays riverains et régler ainsi dans un court délai le problème du statut juridique de la mer Caspienne.
Depuis 1994, l’Azerbaïdjan a par ailleurs connu beaucoup de succès dans l’exploitation de ses gisements d’hydrocarbures et le développement de plusieurs projets a été accéléré dans le secteur azerbaïdjanais de la Caspienne. Des milliards de dollars ont été investis dans notre pays. En 1997, du pétrole brut a jailli du gisement de « Tchirag ». La mise en exploitation des oléoducs Bakou-Novorossisk et Bakou-Supsa, a permis au pétrole azerbaïdjanais de pénétrer les marchés internationaux. Le seul but que nous poursuivions alors, était de construire un grand oléoduc en Azerbaïdjan qui permettrait l’exportation de son pétrole. Avec la construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, réalisée jusque-là à 50% avec succès, ce vaste projet est aujourd’hui en train de se concrétiser. Les documents concernant le financement du projet de Bakou-Tbilissi-Ceyhan ont été signés, mettant ainsi un point final aux problèmes soulevés par cette question. Le soutien des principales organisations internationales a d’ailleurs été d’une importance capitale pour le lancement de ce projet mais aussi pour d’autres projets dans le futur.
Nous avons l'intention de poursuivre l’exploitation des gisements pétrolier et gazier, avec la réalisation du projet « Shahdeniz » qui est désormais à l’ordre du jour et dont on peut dire qu’il s’agit de l’un des gisements les plus grands et les plus riches du secteur azerbaïdjanais de la Caspienne. Un consortium composé des principales compagnies mondiales du secteur des hydrocarbures a été constitué pour le mettre en œuvre. Je suis convaincu qu’il sera mené à bien et que toutes ces initiatives participeront au renforcement économique de l'Azerbaïdjan et serviront, plus largement, à consolider la coopération régionale, à maintenir la paix et la stabilité et à améliorer le niveau de vie des peuples de la région.

L.L.D. : Avec le développement des projets d’évacuation des hydrocarbures du bassin de la Caspienne vers les marchés internationaux et dans le contexte de prolifération du terrorisme international, la sécurisation de cette région apparaît comme une priorité. Quelle politique de coopération régionale en matière de sécurité est-elle envisagée par votre pays ?

S.E.M.I.A. :
Le maintien de la sécurité régionale est une des questions les plus importantes pour la région dans le contexte de l'exploitation et de l'exportation des ressources en hydrocarbures de la Mer Caspienne, et, parallèlement de la prolifération du terrorisme international. L'acuité de ce problème est d’autant plus aiguë que plusieurs conflits persistent depuis quelques années dans le Caucase du Sud. L'Azerbaïdjan conduit désormais un dialogue et des consultations fructueuses avec les principaux Etats de la région et du monde ; il anime une coopération intense tant sur le plan bilatéral que multilatéral afin de préserver la sécurité régionale et joue un rôle actif dans la préparation de documents intergouvernementaux et multilatéraux. Mais, je tiens à souligner une fois de plus que la non-résolution des conflits dans notre région empêche d’atteindre ces objectifs. De ce point de vue, la résolution pacifique du conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut Karabagh serait d’un grand bénéfice pour la sécurité régionale. Sans résolution de ce conflit, la paix et la stabilité dans la région ne peuvent être établies. C'est pourquoi nous considérons que la communauté internationale devrait concentrer ses efforts et prendre des mesures concrètes pour y parvenir.

L.L.D. : Plus largement, l’Azerbaïdjan s’est fortement impliqué dans la lutte contre le terrorisme international. Comment percevez-vous le problème du terrorisme islamique, notamment au regard des derniers attentats en Espagne, en Turquie et au Maroc ? Au regard de la visite à Bakou en décembre 2003, du Secrétaire d’Etat américain à la Défense Donald Rumsfeld, quelles sont les perspectives du renforcement de la coopération militaire entre votre pays et les Etats-Unis ?

S.E.M.I.A. :
L'Azerbaïdjan est un des pays qui participent activement à la lutte contre le terrorisme. Immédiatement après les évènements de 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les autorités azerbaïdjanaises ont inauguré une étape réelle dans cette lutte, en déclarant leur entrée dans la coalition internationale contre le terrorisme. La République azerbaïdjanaise condamne le terrorisme sous toutes ses formes et soutient les efforts de la communauté internationale dans ce combat.
Notre pays est lui-même victime du terrorisme. Avec le début de l'agression de l'Arménie contre l'Azerbaïdjan à la fin des années 1980, de nombreux actes de terrorisme ont été perpétrés par les Arméniens sur le territoire azerbaïdjanais, provoquant plusieurs centaines de morts et de blessés. La lutte contre le terrorisme relève, en ce sens, d’une importance cruciale pour nous.
Nous condamnons à ce titre les actes de terrorisme commis en Espagne, en Turquie, au Maroc et dans d'autres pays. Je voudrais également souligner qu'il ne faut pas avoir une attitude ambiguë face à la question du terrorisme. Un terroriste n'a ni religion, ni nationalité, c’est pourquoi le terrorisme n’est pas l’apanage d’une religion ou d’une culture. Si l’on n’analyse pas ce problème devenu mondial sous cet angle, la lutte contre le terrorisme international n’est pas efficace.
J’ajouterais en ce qui concerne la coopération militaire entre l'Azerbaïdjan et les Etats-Unis, que nos deux pays sont des partenaires très proches et que leur collaboration se développe dans différentes directions. Les militaires azerbaïdjanais prennent ainsi une part active dans les opérations conduites au Kosovo, en Afghanistan et en Irak par la coalition internationale, aux côtés des soldats américains. Des visites mutuelles sont effectuées à différents niveaux. A cet égard, la visite en décembre 2003 de Donald Rumsfeld, Ministre de la Défense des Etats-Unis, a joué un rôle important dans l'approfondissement des relations entre nos deux pays. Je suis persuadé que la poursuite de cette coopération contribuera au maintien de la sécurité internationale et à l'élargissement de la lutte contre le terrorisme international.

L.L.D. : Membre du Conseil de l’Europe depuis le 25 janvier 2001, quelles sont les perspectives de rapprochement entre l’Azerbaïdjan et l’Union européenne ? Quelles opportunités l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe de l’Est offre-t-elle de ce point de vue ? A l’image de la TACIS ou de la TRACECA, quels sont les résultats pratiques des programmes d’assistance européens ? Selon vous, à quels autres domaines cette coopération pourrait-elle être élargie ?

S.E.M.I.A. :
Notre pays fait partie de la famille européenne. La coopération qu’il entretient avec l'Union européenne s’inscrit dans le cadre de l'Accord sur le Partenariat et la Coopération, signé en avril 1996 à Luxembourg, qui constitue la base juridique de nos relations et intègre un large panel de domaines, notamment politique et commercial. Celui-ci est complété par une Déclaration commune sur les relations de l'Union européenne avec les pays du Caucase, adoptée lors du Sommet de Luxembourg en juin 1999.
Je voudrais souligner que ces derniers temps, l'Union européenne manifeste un intérêt pour la résolution du conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabakh, ce dont nous nous réjouissons. Nous apprécions également la préoccupation de l'Union européenne pour considérer les pays du Caucase du Sud comme ses nouveaux voisins. Les premiers pas dans cette direction ont déjà été accomplis et la nomination d'un représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud en constitue un bon témoignage. De plus, notre espoir de voir s’intensifier les efforts de l’Union européenne pour la résolution du conflit du Haut-Karabakh selon les normes du droit international, a été renforcé par la reconnaissance de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan et par l'appui manifestés à l’égard de certaines positions de l'Azerbaïdjan sur le processus de règlement de ce conflit, lors de la réunion du Comité de Coopération UE-Azerbaïdjan en juillet 2002 et exprimés par la Déclaration de l'Union européenne d'août 2002. Je pense ainsi que nos relations avec l’Union européenne sont appelées à se développer et que notre pays deviendra, dans un avenir proche, un de ses membres actifs.
Le processus d'élargissement de l’actuelle Union européenne à l'Europe de l'Est et l'intensification de l'intégration européenne bénéficient, de notre point de vue, à l'amélioration de la situation économique des pays en transition et au rapprochement des peuples européens. Nous sommes persuadés que l'Azerbaïdjan prendra une part active à ces différents processus.
La situation stratégique de l'Azerbaïdjan, situé sur le flanc Est de la région du Caucase, en bordure de la Mer Caspienne, à cheval entre l'Europe et l'Asie, détermine ses relations économiques avec les autres pays. Historiquement, le pays se trouvait au carrefour des routes de commerce. En ce sens, l'Azerbaïdjan a la possibilité de jouer à nouveau un rôle de pont entre l'Europe d’une part, et le Caucase et l'Asie Centrale d’autre part, comme, par exemple, pour l'exportation des ressources pétrolière et gazière de la Mer Caspienne vers l'Occident. L'Union européenne s'est engagée à aider l'Azerbaïdjan, dans le cadre du programme TACIS, pour développer ces possibilités. Au travers de ce programme, elle finance des projets qui permettent d’introduire en Azerbaïdjan des nouvelles technologies et qui contribuent au développement de l'économie de marché et de la démocratie dans notre société. C’est également, dans le cadre du programme TACIS, que la Commission européenne travaille avec le gouvernement azerbaïdjanais et d'autres organisations pour identifier les secteurs qui ont besoin d’être aidé financièrement. Parallèlement, ce programme contribue à la réalisation des réformes en Azerbaïdjan. L'Union européenne a également accordé dans le cadre de ce programme, 30 millions d'euros, au titre de programme d'aide extraordinaire, dans le but de financer les projets des compagnies azerbaïdjanaises, laissant ainsi à notre gouvernement une latitude plus large pour s'occuper des questions sociales. A cette aide, il faut ajouter14 millions d’euros pour la période 2002-2003, ainsi que 92.17 millions d'euros apportés par son organisation humanitaire et destinés aux populations azerbaïdjanaises et déplacées. Au total, je voudrais souligner que le volume total des moyens financiers que l'Union européenne a fourni à l'Azerbaïdjan, s’élève à 370 millions d'euros.
TRACECA appelé aussi « La Nouvelle Route de la Soie » est un Programme réalisé dns le cadre du programme TACIS qui vise à développer les communications de transport entre l'Asie centrale, le Caucase et l'Europe. L'Azerbaïdjan, qui occupe une position stratégique sur la Route de la Soie depuis l'Antiquité, est le principal partenaire de l'Union européenne dans ce projet. Le but du TRACECA est de créer une route reliant l'Europe et l'Asie Centrale via la Mer Caspienne et le Caucase qui serait la plus courte et la moins chère. TRACECA finance aussi dans la région, les projets concernant le perfectionnement des routes et des chemins de fer. L'Azerbaïdjan a activement participé à la préparation de l'Accord principal multilatéral sur le transport international concernant le développement du corridor Europe-Caucase-Asie, signé en septembre 1998, lors du Sommet de Bakou, et qui a permis au programme TRACECA de passer de l'étape conceptuelle à la phase pratique. L'Azerbaïdjan a également réussi à obtenir l’installation du siége du Secrétariat permanent du Programme à Bakou. Ce programme a notamment contribué à la construction d'un nouveau pont reliant l'Azerbaïdjan et la Géorgie, ainsi qu’à la rénovation du Pont Rouge datant du XIIème siècle.
Il existe donc de grandes perspectives pour le développement des relations en devenir entre l'Azerbaïdjan et l'Union européenne. Les axes de leur développement futur ont été tracés et approuvés par l'Accord de Partenariat et de Coopération et par la Déclaration Commune adoptée lors du Sommet de Luxembourg. Leur réalisation concerne aussi bien la coopération sur le plan commercial et des investissements, que le règlement du conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabakh. L'aide de l'Union européenne n’est d’ailleurs destinée qu’à la résolution de ces questions.
Sans doute, le renforcement de la position de l'Azerbaïdjan dans la région et son rôle de leader dans le Caucase du Sud nous permet-il d’envisager dans un avenir proche l'élargissement des champs de coopération entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan. L’appréciation de l'Azerbaïdjan par l'Union européenne comme un partenaire à long terme servira, de ce point de vue, à l'intensification de ces processus.

L.L.D. : Marquant votre première visite bilatérale depuis votre élection à la présidence azerbaïdjanaise, votre déplacement à Paris les 22 et 23 janvier 2004 illustre la qualité des relations entretenus par l’Azerbaïdjan et la France. Quels ont été les motifs de ce choix ? Comment décririez-vous les liens privilégiés qui unissent nos deux pays ? Compte tenu de votre expérience, de quelle manière estimez-vous que la coopération bilatérale puisse continuer à s’accroître et contribuer à mieux faire connaître respectivement les deux peuples français et azerbaïdjanais ?

S.E.M.I.A. :
L'histoire des relations culturelles, commerciales et de beaucoup d’autres domaines entre les peuples azerbaïdjanais et français est déjà très riche. Après la restauration de l'indépendance azerbaïdjanaise à la fin du XXème siècle, les relations entre les deux pays sont entrées dans une nouvelle ère et se sont progressivement accrues. Ce n'est pas un hasard si le Président azerbaïdjanais Heydar Aliyev a fait sa première visite à l’étranger en France en 1993. En 2004, j’ai moi-même effectué premier déplacement officiel à l’étranger en France. Ce choix est ainsi devenu une tradition. Je voudrais particulièrement souligner que depuis le retour du Président Heydar Aliyev au pouvoir en 1993, les relations franco-azerbaïdjanaises occupent une place importante dans la politique du chef de l’Etat et constituent l'une des priorités de la politique étrangère de l'Azerbaïdjan. La décoration de la Grande Croix de la Légion d’honneur décernée à M. Heydar Aliyev illustre l'attention portée par la France aux mérites du leader azerbaïdjanais.
Il existe en outre d’autres facteurs qui expliquent les liens entre nos deux pays et nos deux peuples. Comme vous le savez, la position géostratégique de l'Azerbaïdjan lui a permis de jouer un rôle de pont permanent entre l'Orient et l'Occident. De son côté, la France a occupé un rôle majeur dans l'histoire de l'Europe. Les peuples azerbaïdjanais et français partagent ainsi une histoire ancienne et des relations culturelles très denses. Aujourd’hui, le développement progressif des relations entre nos pays pourrait être conditionné par les valeurs historiques et morales que j'ai soulignées et par les intérêts que suscite leur coopération économique.
La coopération fructueuse qui se développe à présent entre la France et l’Azerbaïdjan produit ses résultats dans de nombreux domaines. Nous entretenons des relations politiques fondées sur le principe de la compréhension réciproque. L'Azerbaïdjan envisage d’ailleurs son avenir dans l'intégration aux structures européennes où la France joue un rôle moteur. C'est la raison pour laquelle nos relations bilatérales relèvent d’une grande importance.
La coopération économique est, quant à elle, en voie de grand développement. Les sociétés françaises participent activement à l'investissement dans le secteur pétro-gazier de l'Azerbaïdjan et je voudrais mettre l'accent sur les activités de la société TOTAL qui a participé à la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC). Le volume des échanges commerciaux entre nos deux pays est désormais relativement élevé. Les relations culturelles se développent aussi régulièrement. En un mot, nous sommes liés à la France par des relations d'amitié, qui, nous le croyons, seront encore davantage approfondies. Elles offrent un grand potentiel pour l'intensification du dialogue politique, l’épanouissement des relations économiques, l'augmentation de la circulation commerciale et l'élargissement des relations humanitaires entre nos deux pays. Je suis persuadé qu’en utilisant ce potentiel nous atteindrons nos buts communs et tous ces processus serviront au rapprochement étroit de nos deux peuples et nos deux pays dans tous les domaines.


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