Qatar : une autre vision du Moyen-Orient
Faisant figure de véritable laboratoire de la démocratie dans le monde arabe, le Qatar poursuit un modèle de développement tentant de concilier tradition et modernité. S.E.M. Mohamed Al-Kuwari, Ambassadeur de l’Etat du Qatar en France, nous explique ici les principaux enjeux de l’émergence de son pays comme un acteur majeur des évolutions que connaît le Moyen-Orient.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambas-sadeur, le peuple qatarien a approuvé le 29 avril 2003 une nouvelle constitution qui prévoit notamment l’élection au suffrage universel d’un « parlement » dans les mois à venir. Alors que S.A. l’Emir du Qatar Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani a récemment appelé les pays arabes à réformer leur système politique, pouvez-vous nous expliquer le sens et les objectifs qui guident l’ouverture politique du Qatar depuis 1995 ? Votre pays aspire-t-il à devenir un « modèle démocratique » dans la région ?
S.E.M. Mohamed Al-Kuwari : Dès son arrivée à la tête de l’Etat, S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani a initié un certain nombre de mesures pour développer le Qatar. Tout d’abord dans le domaine politique, l’introduction de principes démocratiques dans la vie politique qatarienne est devenue pour lui une tâche primordiale et une nécessité, dont le sens est d’associer le peuple quatarien au processus de décision du gouvernement, d’accroître la transparence dans ce processus et de favo-riser le développement du pays.
Pour S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, la démocratisation du Qatar est en effet nécessaire pour développer le pays.
Le peuple qatarien a approuvé par referendum, à 96%, le texte de la nouvelle Constitution dont j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le porte-parole. Nous espérons désormais que la mise en place du « Parlement » prévue par cette Constitution puisse avoir lieu d’ici à la fin de l’année prochaine. Celle-ci demeure difficile à mettre en œuvre parce qu’elle suppose la transformation du cadre juridique de notre vie politique. Nous avons déjà beaucoup œuvré pour permettre la mise en place du « Parlement », mais il reste encore à finaliser certaines questions d’ordre technique et juridique.
Il faut bien avoir à l’esprit que le processus de démocratisation au Qatar doit se faire progressivement, étape par étape. Antérieurement, nous avons déjà organisé des élections municipales, puis à la Chambre de Commerce. Nous avons également levé la censure de la presse. Notre système éducatif a lui aussi beaucoup changé. Si vous visitez aujourd’hui le Qatar, vous pouvez naturellement sentir tous ces changements. Mais la décision prise par S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani s’inscrit dans le contexte d’une société tribale, traditionnelle et conservatrice. Il faut donc tout d’abord commencer par préparer les gens à ce nouveau système.
Il est donc normal que le processus d’introduction de la démocratie soit fait graduellement, comme d’ailleurs cela a été le cas dans tous les pays qui l’ont expérimenté, y compris la France.
Si nous sommes satisfaits que d’autres pays puissent percevoir notre expérience comme un « modèle », nous ne cherchons pas, en revanche, à l’imposer. Celui-ci peut en effet être bon pour le Qatar mais peut-être pas pour d’autres pays. Il représente toutefois une expérience dont tous les pays et les peuples peuvent bénéficier au même titre que les modèles d’autres pays, arabes, asiatiques ou européens par exemple. De plus l’application du système démocratique peut prendre diverses voies selon les pays et les sociétés. Certains éléments demeurent en revanche communs à tous, comme la participation du peuple à la vie politique. Un modèle ne peut ainsi être uniformément appliqué dans le monde arabe ou même musulman, là où il existe des écarts de développements économique, politique, culturel et social. En tout état de cause, le monde arabe se doit de suivre un modèle qui soit en adéquation avec ses traditions, sa situation économique et politique.
L.L.D. : Fin 2003, S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani a annoncé le lancement d’une profonde révision du système éducatif qatarien. Quelle place occupe-t-elle dans le processus de réforme politique et économique de votre pays ? Quels domaines d’enseignement entend-elle mettre en valeur ?
S.E.M.M.A-K. : L’éducation constitue un des éléments fondamentaux pour bâtir la démocratie. Pour S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, l’évolution de notre système éducatif est nécessaire à toutes les catégories de la société qatarienne pour qu’elles puissent s’adapter aux transformations du pays. La valorisation de l’expérience de l’Autre est à ce titre un des points centraux de cette réforme comme l’illustrent les innovations réalisées dans l’enseignement supérieur qatarien. En effet, aux côtés de l’Université du Qatar, il existe désor-mais à Doha une importante Cité éducative, la « Qatar Foundation », conçue sur le modèle d’un campus, aux infrastructures très modernes et comprenant toutes les facilités nécessaires à la vie estudiantine. Celle-ci compte de nombreuses universités étrangères comme les universités américaines Cornell University ou la Texas University. Nous espérons d’ailleurs qu’une université française puisse prochainement y ouvrir ses portes. S.A. Sheikha Mozah Bint Nasser Al-Misnad, épouse de S.A. l’Emir du Qatar, qui supervise cet établissement éducatif, s’est fixée comme objectif de le rendre bénéfique non seulement pour la région du Golfe mais aussi pour le monde arabe et pour d’autres régions. La Cité éducative du Qatar a donc pour vocation d’être internationale. Les domaines d’enseignement qui y sont dispensés concernent notamment la médecine, les sciences, l’art, la formation professionnelle et bien d’autres encore. Ce complexe universitaire a, de plus, permis l’émergence d’une compétition saine et positive des différentes approches d’enseignement que l’ont y trouve. L’Université du Qatar avait amorcé ce processus de réforme et d’ouverture du système d’éducatif qatarien. Permettant à tous les Qatariens d’y faire leurs études supérieures, l’Université du Qatar s’est posée comme une alternative au choix qui prévalait auparavant de faire ses études supérieures à l’étranger. Cette réforme a en outre révélé le renforcement de la place de la femme dans notre société. S.A. Sheikha Mozah Bint Nasser Al-Misnad joue un rôle très important sur le plan de l’éducation au Qatar et même à l’échelle internationale, en sa qualité d’Ambassadeur de bonne volonté à l’Unesco et de l’action qu’elle a conduite pour créer, en coopération avec l’Unesco, un fonds de 15 millions de dollars pour l’aide à la reconstruction du système éducatif en Irak. De plus, notre Ministre de l’Education est également une femme, ainsi que la Présidente de l’Université du Qatar.
L.L.D. : Accueillant la quatrième Conférence sur la Démocratie et le Libre-échange en avril dernier, S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani a affirmé que les Etats arabes devaient prendre en considération les propositions américaines sur les réformes démocratiques et ne plus considérer le conflit israélo-palestinien comme un obstacle à celles-ci. Comment qualifieriez-vous les spécificités de la perception qatarienne de la situation dans le monde arabe ?
S.E.M.M.A-K. : Il faut reconnaître que tous les problèmes auxquels sont confrontés les pays arabes ne viennent pas seulement de l’extérieur. Les pays arabes sont responsables et doivent faire face, eux-mêmes, à leurs problèmes et, notamment, à ceux qui se posent lorsqu’ils ouvrent la vie politique à leur peuple. Par ailleurs, nous ne pouvons attendre qu’une solution soit trouvée au conflit israélo-palestinien pour mettre en place des réformes. Pour nous, ce conflit n’en conserve pas moins toute son importance, non seulement pour le monde arabe mais aussi pour toute la communauté internationale.
L.L.D. : Impliqué dans le processus de paix israélo-palestinien, le Qatar est un des rares pays arabes à avoir développé depuis 1996 des relations commerciales avec Israël. Un an après la rencontre à Paris entre le Cheikh Hamed Bin Jassem Al Thani, Ministre qatarien des Affaires étrangères et son homologue israélien M. Silvan Shalom, comment pensez-vous que les deux pays puissent élargir et normaliser leurs relations ? Plus d’un an après le lancement de la feuille de route pour la paix au Moyen-Orient, dans quelles conditions, d’après vous, la résolution pacifique et durable du conflit israélo-palestinien est-elle réalisable ? Comment percevez-vous plus particulièrement le retrait israélien de la bande de Gaza ?
S.E.M.M.A-K. : L’ouverture d’un bureau de commerce israélien dans notre pays doit être interprété comme un geste et non comme une concession. Cette initiative a été prise, en effet, pour signifier clairement aux Israéliens que les Arabes sont prêts à vivre en paix avec Israël. Le droit des Palestiniens à avoir un Etat indépendant est désormais reconnu. Mais tant que ce droit ne sera pas appliqué, il sera difficile de rétablir la paix qui constitue une nécessité pour toute la région : d’une part, pour son développement et, d’autre part, pour favoriser le règlement des problèmes politiques.
Pour l’heure, je crois que le problème réside dans la politique du Premier ministre israélien Ariel Sharon. L’utilisation de la force ne permettra pas de trouver une solution à ce problème qui est d’ordre politique et historique. L’étude de l’histoire des conflits dans le monde montre que la solution militaire a toujours échoué. Le retour à la table des négociations des deux parties est donc indispensable. Israël doit adopter une politique pacifiste et reconnaître les droits légitimes des Palestiniens. Son avenir est de vivre en paix avec ses voisins.
Si le retrait israélien de la bande de Gaza ne constitue pas uniquement une étape tactique ou stratégique, mais s’inscrit dans le contexte d’un accord entre les deux parties, cette initiative pourrait alors être considérée comme positive. Je pense que pour le moment cette politique n’a pas pour objectif de préparer la paix, mais qu’elle relève en fait d’une stratégie de politique intérieure israélienne.
L.L.D. : Les relations américano-qatariennes ont pris une nouvelle dimension avec le transfert d’Arabie saoudite au Qatar du quartier général américain dans la région. Comment qualifieriez-vous la nature de ces relations ? Dans quelle mesure cette situation ouvre-t-elle de nouvelles marges de manœuvre à la diplomatie qatarienne ?
S.E.M.M.A-K. : Les relations entre le Qatar et les Etats-Unis sont excellentes dans tous les domaines, aussi bien sur les plans politique, économique que culturel. On peut dire qu’il s’agit d’une relation normale entre un pays comme le nôtre et une superpuissance ; chaque pays cherche d’ailleurs à nouer de tels rapports. Néanmoins, ces relations sont très clairement organisées par un accord bilatéral qui couvre tous les domaines y compris le domaine militaire. De telles relations existent dans tous les pays de la région et, sur le plan militaire, d’autres pays avant le Qatar ont déjà mis en œuvre une coopération similaire. Le Qatar comme les Etats-Unis en tirent mutuellement profit, sans qu’il y ait de relation de dominé à dominant. Notre pays conserve d’ailleurs toute l’intégrité de ses choix politiques et de sa vision de la situation dans la région.
Plus globalement, le Qatar étant un petit pays, nous cherchons à établir de bonnes relations avec tous les pays, que ce soient les pays de la région, les Etats-Unis ou les pays européens comme la France. C’est pourquoi nous sommes aussi fortement attachés à la stabilité et au développement de la région car les tensions et parfois les guerres qui la bouleversent, nous affectent plus fortement que les grands pays. Aussi, notre politique étrangère se veut fondamentalement pacifiste.
L.L.D. : Alors que votre pays n’a jamais connu d’activisme terroriste, comment percevez-vous les fortes critiques de l’administration américaine contre la chaîne de télévision Al-Jazira, accusée de servir de relais de communication à Al Qaïda et de déformer l’information sur la situation en Irak ?
S.E.M.M.A-K. : Je tiens en premier lieu à souligner qu’Al Jazira est un organisme complètement indépendant. Financée par l’Etat du Qatar, sa situation peut être comparée à celle de la chaîne de télévision britannique BBC. Si l’Etat du Qatar assure son financement, c’est qu’elle manque de ressources publicitaires en raison des oppositions qu’elle suscite dans de nombreux pays. Elle reste néanmoins un média totalement indépendant, dont nous ne pouvons être pris pour responsables des émissions qu’il diffuse.
Al Jazira constitue une expérience nouvelle, née de la volonté de S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani de développer le pays et d’encourager la liberté d’expression. Elle est le fruit de la démocratisation du Qatar et occupe aujourd’hui un rôle nécessaire pour son développement. Je suis convaincu qu’il faille appuyer l’action d’Al Jazira qui s’inscrit dans le contexte de démocratisation souhaité dans notre région.
On peut certes relever des aspects positifs et des aspects négatifs dans les activités de cette chaîne de télévision. Les Etats-Unis ont critiqué certaines émissions parce que, selon eux, Al Jazira incite les rues arabes contre la politique américaine dans la région et surtout en Irak. Mais si le propos d’Al Jazira est de garantir la liberté d’expression dans ses émissions, il est difficile de contrôler les différentes opinions qui y sont véhiculées. Pour juger Al Jazira, il faut donc tenir compte du fonctionnement des médias en général, qui sont par nature à la recherche d’informations pouvant servir leur notoriété. Al Jazira est devenue aujourd’hui une chaîne de télévision très populaire, regardée par quelque 50 à 60 millions de téléspectateurs arabes et non-arabes. Elle a prouvé qu’elle est capable de jouer un rôle important parmi les médias internationaux, au même titre que CNN et BBC, comme on a pu le voir à travers sa couverture de la guerre en Afghanistan et en Irak.
Je conclurais cette question par le problème que pose le terrorisme. Le terrorisme est un phénomène que l’on ne peut pas soutenir et qui est nuisible non seulement à toute la région mais aussi au monde entier. Notre pays cherche la stabilité. Nous condamnons donc clairement toute forme de terrorisme d’où qu’il vienne.
L.L.D. : Les attentats perpétrés en Arabie saoudite et en Irak ont révélé la vulnérabilité du secteur des hydrocarbures, contribuant à faire monter le prix du baril de brut à un niveau record. Comment analysez-vous cette situation ?
S.E.M.M.A-K. : Le Qatar est très attaché à la stabilité des prix du pétrole parce que nous oeuvrons pour l’entente entre pays producteurs et pays consommateurs. Notre analyse de la hausse des prix du pétrole nous conduit à penser que ce phénomène résulte de facteurs surtout d’ordre psychologique et politique qui ne peuvent être contrôlés, et dans une moindre mesure de facteurs économiques. La situation du secteur pétrolier en Irak, par exemple, contribue peut-être à la hausse des prix du pétrole, mais il faut également tenir compte des problèmes qui se posent dans les pays consommateurs, au premier rang desquels le niveau très élevé des taxes. En tout état de cause, le problème ne vient pas, pour nous, de la production parce que malgré son augmentation, la hausse des prix se poursuit.
L.L.D. : Engagé depuis près d’une décennie dans une phase d’expansion économique, votre pays occupe avec l’immense gisement gazier de North Field le 3ème rang mondial en termes de réserves gazières. Quels moyens le Qatar compte-t-il mettre en œuvre pour devenir une plate-forme régionale à l’instar de Dubaï ? Votre pays envisage-t-il de conclure des partenariats énergétiques avec des pays occidentaux, notamment européens ? Comment votre pays entend-il diversifier les ressources de son économie et accroître le rôle de l’investissement privé, notamment étranger, dans ce processus ?
S.E.M.M.A-K. : L’exploitation des ressources gazières constitue pour le Qatar une priorité. Celles-ci s’élèvent à 27,432 trillions de m3. Les projets sont donc colossaux.
Je citerais en particulier le projet Dolphin, auquel participe, entre autres, la société française Total, évalué à 7 milliards de dollars et qui prévoit l’installation d’un gazoduc de 440 km de long sous le niveau de la mer, pour relier le Qatar, Abu Dabi et Dubaï, et qui pourrait même s’étendre à d’autres pays. Nous travaillons donc de façon à servir l’intérêt général de toute la région. D’autres projets de dimension régionale sont d’ailleurs à l’étude. J’ajouterai qu’il n’y a pas de concurrence entre les pays de la région en matière économique. Chaque pays peut jouer son rôle sur la scène régionale, aussi bien le Qatar que Dubaï. Nous espérons qu’il y ait toujours une coordination entre pays voisins. Chaque pays a ses atouts à faire valoir : pour notre part nous avons le gaz entre autres richesses.
L’exploitation de nos ressources gazières s’oriente dans quatre directions : le GNL (gaz naturel liquéfiée), le GTL (gaz-to-liquids), l’acheminement de gaz par gazoduc et l’utilisation du gaz comme réserve d’énergie et pour alimenter l’industrie pétrochimique. Notre production de gaz atteint actuellement presque 18 millions de tonnes par an et devrait, selon nos prévisions, passer à 60 millions en 2010. Si nous avons d’ores et déjà conclu des accords avec le Japon, l’Inde et la Corée du Sud par exemple, nous avons également des clients potentiels en Europe.
Avec l’achèvement des projets de GNL sur le site de Ras Laffan et la constitution de différentes joint-venture dans le secteur du GTL, en cours de négociation avec les plus importantes compagnies pétro-gazières internationales, le Qatar s’apprête à devenir une des capitale mondiale de l’industrie gazière.
Je tiens enfin à souligner que le Qatar s’est fixé pour priorité de protéger l’environnement et respecte à ce titre les normes mondiales dans ce domaine. Nous avons d’ailleurs récemment déposé auprès de l’OMC une proposition pour que le gaz naturel et ses dérivés soient considérés comme une « marchandise écolo-gique », dans le but de contribuer au renforcement du marché international du gaz naturel et de faire diminuer les taxes fiscales et douanières.
Enfin notre économie ne se développe pas uniquement autour de l’industrie gazière et pétrochimique. Il faut également mentionner le développement des PME/PMI et d’autres secteurs comme le tourisme dont le rôle dans l’apport de revenus au pays, s’accroît de plus en plus.
L.L.D. : Le gisement gazier de North Field, appartenant au Qatar, et celui de South Pars, appartenant à l’Iran, font partie d’un même gisement séparé par la frontière maritime des deux Etats dans les eaux du Golfe. Quels progrès votre pays et l’Iran ont-ils réalisé afin de mettre en œuvre une coopération économique commune ? Ne craignez-vous pas que la question du programme nucléaire iranien ne vienne compliquer cette coopération et qu’elle ne relance une course aux armements au Moyen-Orient ?
S.E.M.M.A-K. : Je voudrais en premier lieu souligner qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt entre l’Iran et notre pays : la frontière entre le gisement gazier du Qatar et celui de l’Iran est clairement délimité par un accord précisant la frontière maritime qui sépare les deux Etats. En outre, une commission bilatérale a été mise en place pour étudier les éventuels moyens de coopération entre les deux pays.
L’Iran constitue par ailleurs pour nous un voisin très important, en plus d’être un pays majeur de la région. Nous cherchons donc à maintenir de bonnes relations avec celui-ci. A cet égard, nous affirmons que les relations entre l’Iran et les pays du Golfe sont nécessaires.
Au sujet des programmes militaires, nous appelons au désarmement total de la région en matière d’armes de destruction massive et plus particulièrement d’armes nucléaires. Le désarmement du Moyen-Orient favorisera, en effet, son développement et permettra d’accroître la confiance entre les différents pays.
L.L.D. : Détenant depuis janvier 2004 la présidence tournante du Groupe des 77, comment votre pays envisage-t-il de renforcer la coopération économique entre les pays en développement et faire valoir les intérêts de ces derniers face aux pays développés ? Membre de l’Organisation mondiale du Commerce depuis 1996, c’est au Qatar qu’a été lancé le « cycle du développement » en 2001. Comment analysez-vous l’évolution des négociations de ce programme à l’approche de leur clôture prévue pour la fin 2004 ?
S.E.M.M.A-K. : Dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, S.A. l’Emir le Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani a bien précisé la vision du Qatar à l’égard de ce sujet. Notre travail consiste à aider et à améliorer les structures économiques ainsi que les activités commer-ciales des pays en voie de développement. Cela suppose de trouver un lien entre le commerce et le dévelop-pement dont ces pays ont besoin. C’est pourquoi nous pensons que nous devons mettre en œuvre les moyens nécessaires pour réduire la pauvreté dans le monde et assurer la paix et la sécurité économique et sociale pour tous les peuples. En ce sens, nous soutenons tous les efforts qui aident à la prospérité de tous.
Nous devons tous travailler pour trouver des formules susceptibles d’aider les pays en voie de dévelop-pement, surtout dans les domaines de la santé et de l’éducation, deux domaines qui sont essentiels pour un développement réussi. C’est dans cet esprit que le Qatar préside le Groupe des 77.
L.L.D. : Fort des relations politiques très étroites qu’entretiennent le Qatar et la France de longue date, le Prince Héritier Cheikh Tamim Bin Hamad Al Thani a effectué sa première visite officielle en France en mars 2004. Ayant occupé le poste de Chef de la délégation du Qatar pour le dialogue politique et stratégique avec la France de 2001 à 2002, comment définiriez-vous aujourd’hui les relations franco-qatariennes ? Dans le contexte géopolitique actuel, comment la coopération militaire et de défense entre le Qatar et la France est-elle, selon vous, appelée à se développer ? Comment comptez-vous contribuer au renforcement des investissements et des relations économiques entre les deux pays ?
S.E.M.M.A-K. : Je peux sans hésiter affirmer que les relations que nous entretenons avec la France sont excellentes, y compris au plus haut niveau de l’Etat et qu’elles sont toujours animées par de nouveaux événements et de nouvelles visites d’hommes politiques de part et d’autre. S.A. l’Emir Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani suit d’ailleurs personnellement l’évolution de nos relations. Les relations étroites et approfondies entre les deux pays couvrent aujourd’hui toute une variété de domaines. Pour nous, celles-ci relèvent d’une dimension stratégique. De part et d’autre, je crois que l’intensité de cette relation résulte d’une décision politique. Lors de la conférence organisée au Qatar sur la Démocratie et le Libre-échange, une importante délégation parlementaire française a participé aux débats. Le dialogue politique et stratégique qui réunit chaque année nos deux pays a pour ambition de découvrir de nouvelles opportunités de coopération dont les deux pays pourraient profiter. Nous maintenons par ailleurs de très fortes relations dans le domaine militaire.
En matière économique et commerciale, de nombreuses compagnies françaises sont présentes au Qatar comme Total, Air Liquide, Technip… ainsi que de nombreuses PME/PMI. Le Club d’Affaires Franco-Qatarien joue un rôle très important pour promouvoir ce volet de notre coopération. De nombreuses manifestations animent nos échanges économiques et commerciaux comme l’exposition d’entreprises françaises organisée par l’Ambassade de France au Qatar et les autorités qatariennes compétentes, qui doit avoir lieu à la fin de cette année.
Enfin, dans le domaine culturel, je soulignerais que 80 étudiants qatariens environ étudient actuellement en France, ce qui constitue un signe très positif pour la transformation du Qatar de pays francophile en un pays francophone.