De la réconciliation à l’attractivité

Paru dans La Lettre Diplomatique n°124 4ème trimestre 2019

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Par M. Gonzague DEJOUANY
Président de la société Nesting et Président fondateur du think tank Ensemble, l’énergie positive franco-allemande

Le 22 janvier 1963, le traité de l’Élysée signé par le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer consacrait avec une intelligence rare la réconciliation – Versöhnung – de nos deux pays. La construction d’une amitié aussi étroite et durable entre deux ennemis irréconciliables compte peu d’équivalents dans le monde.
Le rassemblement des peuples européens qu’a permis la réconciliation franco-allemande est une construction historique mais qui traverse actuellement la plus grave crise de son histoire. Les effets de la crise de 2008 et l’essoufflement du modèle économique, les revendications régionalistes et le choc du Brexit, les menaces aux frontières et des flux migratoires d’une ampleur inconnue, conduisent à une recomposition du paysage politique européen.
À l’heure où sont envisagés les contours du nouveau traité d’alliance qui doit redéfinir la coopération entre la France et l’Allemagne, le choix est simple : soit un nouveau deal franco-allemand ambitieux, conquérant et visionnaire, susceptible d’entrainer ultérieurement d’autres nations européennes est mis en place, soit l’Union européenne, dans sa vision d’origine, est morte. L’Europe ne peut s’affirmer comme un pôle d’influence mondial sans un axe franco-allemand fort qui en est le cœur et l’ADN originel. Une seule question vitale : quel objectif stratégique se fixe ce couple franco-allemand pour les trente ans à venir ?
Malgré ses évidents succès, ce trésor commun franco-allemand doit être profondément modernisé. Le socle commémoratif franco-allemand est nécessaire mais enfermant, aussi nous faut-il aujourd’hui créer des moyens de projection de puissance adaptés aux enjeux de ce siècle. Quelques pistes du think tank franco-allemand « Ensemble » que j’ai créé il y a peu :
– Pour fluidifier l’espace économique, il nous faut créer un droit commercial franco-allemand, base d’un droit des affaires européen unifié dans la mesure où ce droit pourra progressivement être adopté par les autres États membres. Les deux pays peuvent débuter par la création d’un statut spécial pour les start-ups françaises et allemandes avec un régime unifié d’impôts et de charges sociales.
– Créer une Agence franco-allemande de l’innovation dotée d’un bras armé financier sous forme de fonds d’investissement ou créer directement un tel fonds répondrait aux besoins actuels de financement des start-ups nées en France ou en Allemagne, rachetées par des fonds étrangers au moment même où nous avons besoin de relais de croissance. En identifiant des filières d’avenir comme la Smart City, Paris et Berlin peuvent mobiliser des financements autour de partenariats publics-privés et décider ensemble de devenir les véritables leaders de la transition écologique et digitale.
La relation franco-allemande est parfois vécue comme désuète, acquise ou élitiste. Nos deux pays sont aujourd’hui en concurrence directe avec l’Asie, l’Amérique du Nord ou l’Océanie, objets de tous les désirs de réussite des jeunes et des moins jeunes venus d’Europe. Il est nécessaire de susciter un nouveau désir de France en Allemagne et vice-versa. Mais seule une attractivité repensée et donc une promesse d’avenir mobiliserait des nouveaux profils, base d’une prospérité renouvelée.