Générant la deuxième croissance économique du monde derrière la Chine, le Vietnam a engagé une transition économique avec succès. Symbole de cette transition réussie, le Vietnam est passé d’une situation de pénurie à l’autosuffisance alimentaire. Il exporte aujourd’hui pour 25 milliards de dollars. Plus encore, la croissance exceptionnelle de 7,4% en moyenne par an a permis de réduire d’un tiers la pauvreté. Loin d’être achevés, ces efforts devraient être prochainement couronnés par son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce.
Trois hypermarchés Cora ont déjà ouvert à Ho Chi Minh Ville. Comme l’allemand Metro où le géant local de la
distribution Saigon Coop, le groupe Casino compte bien tirer profit du spectaculaire essor de l’ancienne Saigon. L’émergence d’une classe moyenne en est le signe le plus visible. Selon une étude de Taylor Nelson Sofres, le revenu moyen annuel d’un ménage de cinq personnes à Hô Chi Minh Ville se situerait autour de 4 000 dollars. Selon la municipalité, le PNB/habitant y serait trois fois plus élevé que la moyenne nationale de 550 dollars. Les rues de la mégalopole du sud arborent des vitrines de luxe l’Oréal, LVMH, Cartier… La téléphonie y prend également son envol. Un contrat de coopération d’affaires pour l’installation de 540 000 lignes téléphoniques a récemment été conclu avec la filiale Câbles et Radio de France Telecom. A Hô Chi Minh Ville, le boom économique s’est également accompagné d’une explosion du marché de l’immobilier avec la hausse des coûts des terrain, qui avec celle du coût de la main d’œuvre, pousse les investisseurs étrangers à préférer la province voisine de Dong Nai. La forte activité de la construction témoigne aussi de cette croissance intense à laquelle ont déjà pris part Vinci, Bachy Soletanche ou Colas, ainsi que des cabinets d’architecture français. Récemment, Lafarge a obtenu l’accord pour l’installation d’une usine de broyage dans la province de Dong Nai qui forme avec les provinces de Binh Duong, Baria Vung Tau et Hô Chi Minh Ville, le Grand Saigon.
Avec une croissance qui oscille au-dessus de 15% d’une année à l’autre, cette région s’est affimée comme le premier pôle de croissance du pays : rassemblant 15% de la population nationale, le Grand Saigon génère 40% du PIB et 60% de la production industrielle nationale. Cette zone de forte croissance économique n’a rien à envier aux provinces du sud de la Chine. Le Grand Saigon capte la moitié des investissements directs étrangers du Vietnam et les trois quarts des investissements français. Les plus significatifs, ceux qui font la réputation de la présence française dans le pays, ont été réalisés par les grandes compagnies pharmaceutiques (Sanofi-Synthélabo devenu Sanofi-Aventis) mais aussi dans le secteur hospitalier. La Mission économique française à Ho Chi Minh Ville évalue à 60 millions de dollars les investissements réalisés par des médecins français.1
Sa croissance insolente et les transformations qu’elle a entraînées placent idéalement le Grand Saigon pour s’affirmer comme un pôle industriel et commercial d’Asie du Sud. Hô Chi Minh Ville illustre le chemin parcouru par le Vietnam depuis 1986, date du lancement du Doi Moi, la politique de renouveau. Vingt ans plus tard, l’économie de marché s’est imposée. S’inspirant de son voisin chinois, avec une nuance subtile toutefois, le Vietnam a choisi de s’ouvrir à « l’économie de marché à orientation socialiste ». L’Etat s’est désengagé de plus de 5 000 entreprises publiques dont, il est vrai, beaucoup ne sont encore que partiellement ouvertes. Son poids tend à diminuer d’une manière générale sur l’activité économique, sans toutefois céder sur la maîtrise du processus de libéralisation économique. Depuis la promulgation en 2000 de la nouvelle loi sur les entreprises, supprimant l’autorisation administrative pour la création d’entreprise, le secteur privé encore inexistant il y a quelques années, s’est affirmé comme l’un des principaux moteurs de la croissance et de l’emploi. Du jour au lendemain, une multitude de petits commerces qui alimentaient le marché informel, se sont enregistrés. Aujourd’hui, on parle de 600 à 800 créations d’entreprises par semaine. Entre 2000 et 2003, 72 000 entreprises ont été créées (contre 48 000 entre 1991 et 1999), dont près des deux tiers dans le secteur du négoce et des services (l’agriculture et l’industrie ne représentant respectivement que 30 et 10%). 48% des exportations vietnamiennes, hors pétrole, proviennent du secteur privé qui emploie près de 90% de la population active – contre moins de 60% en Chine.
Hanoï se concentre désormais sur l’adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce, principal objectif de la diplomatie vietnamienne. Le soutien donné par George W. Bush au Premier ministre vietnamien Phan Van Khai lors de la visite inédite qu’il a effectuée aux Etats-Unis en juin 2005, devrait encore accélérer le rythme des négociations. Avec un taux d’ouverture économique de 58% en 2004 en dépit de son ouverture récente, le Vietnam a bâti son essor économique en grande partie sur le renforcement de ses exportations. Leurs diversification (matières premières, mais aussi produits manufacturés) a permis au pays d’amortir les retournements cycliques de la conjoncture économique. Au plus fort de la crise financière asiatique, la croissance du Vietnam n’est pas descendue en dessous de 3,5%, alors que l’Asie du Sud-Est plongeait dans la récession. Avec l’accord de libre-échange conclu avec les Etats-Unis, le Vietnam a également élargi l’accès de ses marchandises au marché le plus important du monde. Les Etats-Unis sont devenus le premier marché d’exportation du Vietnam, à parts égales avec le marché européen. Depuis la mise en vigueur de l’accord
commercial en décembre 2001, le chiffre d’affaires des exportations vietnamiennes vers ce marché a plus que quintuplé, atteignant 4,9 milliards de dollars en 2004.
Dans la foulée de cette ouverture économique, les autorités vietnamiennes s’efforcent également d’attirer davantage d’investisseurs étrangers, dont le rôle demeure encore modeste dans la croissance économique du pays. Le niveau des engagements a même nettement diminué et ne représente désormais qu’un quart des engagements au milieu des années 1990. Confrontées à un niveau élevé de corruption, à un régime juridique incertain et à un appareil bureaucratique complexe, les entreprises françaises gardent en mémoire, à titre d’exemple l’échec de Total qui a dû abandonner deux projets d’investissement. L’adhésion à l’OMC devrait toutefois permettre un assainissement du cadre des affaires. Pour nombre d’observateurs, cette perspective agit en fait comme un catalyseur du processus de réforme. Atteignant le record de 4 milliards de dollars en 2004, les investissements directs étrangers ont toutefois tendance à accroître leur contribution au PIB qui dépasse désormais les 8%, soit une performance proportionnellement meilleure que celle de la Chine. Un environnement politique stable, l’absence de menace terroriste, l’accès privilégié au marché américain, une main d’œuvre réputée pour la faiblesse de son coût et sa compétence constituent de formidables atouts pour séduire les entrepreneurs étrangers.
L’ouverture et la transition prônées depuis 1986 a entraîné une profonde transformation de l’économie nationale. La part des activités agricoles ( passé de 39% du PIB en 1990 à 22% en 2003) a diminué au profit de l’industrie qui est passée de 23% à 43% du PIB. Le gouvernement ambitionne de faire du Vietnam « une économie industrialisée à l’horizon 2020 ». Pour soutenir et répondre aux besoins de la croissance économique, il a consenti à d’importants investissements pour la modernisation de l’industrie nationale. Pays producteur de pétrole, le Vietnam devrait enfin disposer d’ici 2009 de son propre appareil de raffinage de brut. Près de dix ans après l’abandon du projet par Total, c’est à un consortium emmené par Technip que la compagnie nationale Petro Vietnam l’a finalement attribué. Estimé à 2,5 milliards de dollars, la raffinerie de Dung Quat représente un investissement stratégique majeur pour le pays à l’heure où les prix élevés du baril ont déjà lourdement pénalisé le budget national. EDF participe de son côté à l’édification de la centrale électrique de Phu My 2 depuis septembre 2001. Le secteur agricole ne décline pas pour autant ; il croît juste moins vite. Avec une production annuelle qui avoisine les 5 millions de tonnes, le Vietnam est devenu le deuxième exportateur mondial de riz alors qu’il peinait à satisfaire ses besoins alimentaires dans les années 1980. Les exportations de riz ont encore crûes de 30% en volume en 2005 par rapport à 2004 et de 50% en valeur, en dépit de l’impact du typhon Damrey qui s’est abattu sur le nord et le centre du pays en octobre 2005. La production de café est passée quant à elle de 12 000 tonnes à 755 000 tonnes, faisant du Vietnam le deuxième exportateur mondial. La richesse de ses ressources agricoles confère d’ailleurs au secteur agro-alimentaire un immense potentiel de développement qu’ont saisi nombre d’implantations françaises, le groupe Bourbon en tête avec deux sucreries ou la Société commerciale des Potasses et de l’Azote.
Si elle semble aussi déterminée qu’en Chine, cette industrialisation à marche forcée n’a en revanche pas bouleversé la structure sociale du pays. En 1990, 80% de la population vivait dans les campagnes ; en 2003, ils sont encore 75%. Mais, conscientes du frein que cette stabilité sociale constitue pour la poursuite de l’amélioration de la productivité, les autorités vietnamiennes ne font plus du combat contre l’exode rurale une priorité. Aussi, la croissance de la population urbaine semble s’accélérer avec un taux annuel d’environ 4,2%, alimentée par les paysans des régions isolées du nord et du centre. La jeunesse de la population vietnamienne constitue par ailleurs à la fois un des plus solides atouts du développement à venir du Vietnam, mais aussi un défi. 32% des 80 millions de Vietnamiens à moins de 15 ans. En plein processus d’industrialisation rapide, ce réservoir de main d’œuvre dont 80% est alphabétisé pourrait permettre l’essor de secteurs d’activités à plus forte valeur ajoutée, à forte capacité d’innovation. C.H. |