Par M. Stéphane Martin, Président du Musée du Quai Branly
Dès 1995, Jacques Chirac annonçait son intention de créer un musée consacré aux arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. Il s’agissait d’offrir ainsi, à Paris, un témoignage de la diversité de l’art et de l’égalité de la dimension artistique de ces œuvres par rapport aux grands chef-d’œuvres de l’humanité. Situé en bords de Seine, aux pieds de la Tour Eiffel, le musée du quai Branly ouvrira ses portes au printemps 2006. Il réunit les collections du Musée de l’Homme et du Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie.
Au cœur d’une architecture conçue par Jean Nouvel, il présentera dans le cadre de son exposition permanente, quelque 3 000 œuvres d’art parmi les 300 000 que comptent ses collections. Des expositions temporaires permettront de présenter un plus grand nombre d’objets et l’ensemble de la collection sera accessible à tous sur le Web. A la fois musée, lieu d’enseignement et de recherche, bibliothèque, théâtre et salle de spectacles, cette nouvelle institution offrira diverses possibilités de mise en valeur des œuvres et de dialogue avec les cultures dont elles proviennent.
Cet objectif de dialogue est au cœur des activités scientifiques et de recherche du futur musée. Il passe notamment par l’établissement de projets de coopération pluridisciplinaires (histoire de l’art, patrimoine, archéologie, création contemporaine…) avec des partenaires institutionnels français et étrangers dans des domaines
variés : formation, conservation préventive, restauration d’œuvres, préservation des patrimoines immatériels, médiation culturelle, etc.
Le musée du quai Branly souhaite ainsi contribuer à modifier le regard des visiteurs sur les œuvres d’arts non européennes, stimulant la curiosité du public grâce aux contacts avec d’autres aires culturelles et inspirant une ouverture d’esprit et des relations nouvelles, fondées sur la compréhension et l’échange. Des outils les plus humbles aux sculptures les plus accomplies, il concourra pleinement à faire reconnaître le génie des civilisations extra-européennes.
Une place importante a ainsi été dédiée à l’art australien dans l’espace de référence qui accueillera l’exposition permanente. Les collections australiennes du musée du quai Branly se composent d’une quarantaine de peintures acryliques sur toile ou sur d’autres supports, de 230 écorces peintes de la Terre d’Arnhem, dans les Territoires du Nord et de plus de 1 400 objets variés (armes, boomerang, outils, sculptures, parures, poteaux funéraires, tambours … ).
« La chambre des écorces » présentera la collection de peintures sur écorces collectée par Karel Kupka en Terre d’Arnhem. Grâce à un dispositif multimédia, le visiteur disposera d’une information complète sur les artistes, les sites de productions de ces écorces et les mythes du
« Temps du Rêve » auxquelles elles font référence. Une série de boucliers et de propulseurs, un ensemble monumental de poteaux Tiwi et diverses peintures acryliques du désert central constituent les autres points forts de la muséographie australienne du musée.
Or, au-delà des productions historiques et traditionnelles des pays d’origine de ses collections, le musée du quai Branly souhaite réserver une place importante à la créativité contemporaine. La programmation de spectacles vivants (théâtre, musique et danse) et le concept architectural du musée lui-même témoigneront de cette place spécifique dévolue à l’art contemporain.
Jean Nouvel, architecte du musée du quai Branly a en effet souhaité que la peinture aborigène soit mise à l’honneur au cœur même de l’architecture des lieux. Le bâtiment « Université », l’un des quatre bâtiments qui forment le musée du quai Branly, accueillera ainsi sur les plafonds des rez-de-chaussée, 1er et 2ème étages, ainsi que sur sa façade, les œuvres des huit artistes australiens contemporains parmi les plus connus. Cette idée de Jean Nouvel, exprimée dès le concours d’architecture en 1999, répond à un concept architectural fort. Les peintures des plafonds seront visibles depuis la rue par les passants et par les promeneurs depuis le jardin du musée grâce à la transparence du bâtiment et par un jeu de miroirs.
Ce projet a reçu le soutien de M. Jacques Chirac, Président de la République française et de M. John Howard, Premier ministre australien ainsi que les contributions financières des ministères des Affaires étrangères et du Commerce, des Arts et des Affaires Aborigènes en Australie ainsi que du Secrétariat permanent pour le Pacifique en France. Plusieurs mécènes privés ont également apporté leur soutien à ce projet.
Avec le concours de l’Australia Council for the Arts, une équipe de mise en œuvre a été constituée en 2003. Les conservateurs Brenda Croft, de la National Gallery of Australia et Hetti Perkins, de la Art Gallery of New South Wales ont ensuite sélectionné huit artistes aborigènes australiens avec la participation de Philippe Peltier, Responsable de l’unité patrimoniale Océanie au musée du quai Branly.
Afin de les adapter au bâtiment, les œuvres des artistes, quatre hommes et quatre femmes, ont été transposées grâce à différentes techniques : peinture, verre émaillé, verre sérigraphié, béton engravé, photographie. Elles sont réalisées soit directement sur place, à Paris, soit en Australie avant d’être acheminées et installées au musée. Chaque artiste bénéficie ainsi d’un ou plusieurs espaces au sein du bâtiment.
Ces artistes contemporains sont les héritiers de la génération des peintres aborigènes de 1970. En permettant à un art millénaire, transformé en un vocabulaire moderne, de rejoindre les grands mouvements d’art contemporain, ils préservent leur tradition en la rendant compréhensible par le monde actuel. Le projet artistique du musée du quai Branly constituera ainsi la plus importante installation permanente d’art contemporain aborigène australien en dehors d’Australie. Véritable ambassade de la vitalité de cet art australien, le musée offrira ainsi un témoignage emblématique de la société aborigène au cœur de Paris. |